I
Ex Biblipthec^
% majori Coll. RoipSf^
b Societ. Jesu
01
Vf
I
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. . Dlgitfterfbir Google
TRAITE Z
Nouveaux &£ curieux
DU CAFE',
DU THE
ET DU
CHOCOLATE.
\
Ouvrage également necejfaire aux Mé-
decins , & a tous ceux qui aiment
leur fanté.
Par Philippe Sylvestre Dufour»
SECONDE EDITION
Mer-ciere à la Science.
M. DC. LX XX VIII.
AVEC FRiriLEGE D V ROT.
A MONSIEUR
CHEVALIER
V A L O N,
SEIGNEUR DE JANLIS
ET DE VEUCHEY.
Vous mV
vcs afliiré fortfouvent depuis
1 3
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E P I T R E.
que j’ay l’honneur de vous
connoître, que mes Lettres
vous failoient quelque plaifir.
le dois le croire , car je vous
ay reconnu toujours fort f in-
cere. Je doute pourtant fi cel-
le- çy aura ce bon-heur ; elle
eft à la tête d un Livre que ie
vous dedie, il n’en faut pas
davantage pour alarmer vô-
tre modeftie , qui fçait que
l’Eloge eft infeparable de la
dédicacé. R’affurez vous ,
Monfieur, ie ne fuis ny Ge-
nealogifte 3 n y Panegirifte \
vos illuftres Anceftres font
à couvert par là de tout
ce que ie pourrois dire à
leur gloire fans flaterie 6c
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E -P I T R e;
/ans menfonge : & vous le-
tes aufli vous même , des
grandes loiianges que ie
pourrais vous donner avec
vérité & avec juftice. Mais
quen pourrois-je dire, qiïe
tous ceux qui vous connoiC-
fent ne fçachent aufïi bien
que moy ? Qui d eux ne fçàic
pas , que bien que votre
famille foit des plus con-
sidérables de Votre Provin-
ce , tant par les employs de
vos Ayeux , que par leur
propre mérité ; Vous letes
encore plus par le nombre
& par l’éclat de vos ver-
tus perfonnelles. Ils fçavent
qu’il en eft peu que vous ne
iPITR E,
poiïèdiés dans un degré enu-
nent ,* que vous êtes vail-
lant fans témérité , liberal
fans pïofufion, eomplaifant
fans bafTelTe, genereux fans
fafte,. bon fans foiblefle, 8c
par deffus tout cela un amy
à toute épreuve * franc * offi-
cieux , y fincere , tendre , ar-
dent , n’embraffimt pas feule-'
ment avec joye les occafions
de faire plaïfir, mais les cher-
chant avec empreflement*
8c détaché de tout autre in*
tereft que de celuy des per^
fonnes que vous aimez. Je.
pourrois, Monsieur, join-
dre à ces vérités un grand
nombre d’autres qui ne vous
. i
• V
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E P I T R E
feroient pas moins gloricu-
£es y fi ie ne craignois de
gendarmer votre modeftie;.
Il me. femble même que: ie
Tentens déjà me reprocher
que ie luy ay fait une fuper-
cherie : C’eft poùr luy plaire
que. ie me tais : fouffrez
pourtant que ce ne foitpas;
fans, vous avoir informé dm
fujet qui ma porté à vous*
dedier ces Traitez. Larecon-
noiflànce que ie dois à læ
grâce que vous me faites de;
m'aimer depuis long- teim»
de la maniéré du monde:
là plusi obligeante , en eftL
lunique motif. Ne pouvant.
Y.qus, faire, connaître; enpa%
* 55
EPITRE.
ticulicr par mes fervices l
combien ie fuis fenfible à
cette faveur , elle m’a con-
feillé d’en rendre publique
la pafîion que j’en ay-,*&
de me dédommager de mon
impuiflance par les témoi-
*gnages de ma bonne volon-
té. Ce fut par ce principe ,
M o n s i e U r , qu’au mo-
ment que ie formay le deflèin
de donner cét Ouvrage au
Public , ie conçus la pensée
( de luy apprendre , que fi les
obligations que ie vous ay
Font infinies , le refTentiment
quelles m’ont infpiré ne l’eft
pas moins. Ainfi ie puis di-
te que j’eus autant d’enviô
..j r -
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E P I T R E.
de luy faire fçavoir la difpo-
fition de naon cœur pour
vos bontés, que de luy dé-
couvrir les qualitez du Café,
du Thé ôc du Chocolaté
pour fon avantage. D’ail-
lieurs les illufions de l’amour
propre ne peuvent elles pas
m’avoir fait fucomber à la
tentation de quelque vanité?
Il y en a de plus mal fondées . .
que celle que je puis tirer-—-
de l’honneur que vous me
faites de me confiderer. Les
gens qui connoiffènt la péné-
tration de vôtre efprit , &:
la folidité de vôtre Juge-
ment , ne fçauroient lap-
prendre fans juger que je dois
a 6
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EP.ITRE.
valoir quelque chofe : don*
nez leur fujet , Monsieur,,
de le croire toujours , en
me continuant cette même
grâce, aufifi long-tems que
mes refpeétueufes defferen-
ces vous obligeront à me
confiderer comme l’homme:
du monde qui vous cft le-
plus parfaitement aquis , &
qui et! avec plus de vérité SC:
plus de chaleur ,
MONSIEUR,
, Vôtre très- humble & très*»-
obeïflànt (erviceur*
SYLVESTRE Dü.F.OCJRV,
«
*
Digitized by
•fcfei «H •&&■ *** *?*• -g®. •£&• •&$* ***•>
PREFACE
<**
Z; f a environ douze
ans ,. quun manu frit
Latin qui- traitoit du
' Café , me tomba entre
les mains v je l'examina y , &
je crus quil pouvait être utile au
Publie , tant parce que perfonne
dans ce Royaume n avait encore
rien écrit fur cette matière -, ,
que parce que la boijfon qui Je
fatt de cette fève , commençait
a devenir a la mode. . C'efl. ce \
qui me fit refoudre a traduire ce--
difcourS ’, & à le faire imprimer.
le> mis- ma traduction au jour ,,
& fait que le charme de la non *
veau té > qui fatt f auvent- tant, k-'
P REFAC E.
mente d'un Livre , eut in/pire
À bien de gens , le défit de lire
le mien : foit qu ils y fujfent por-
tés p ai 'd antres motifs , tous les
exemplaires en furent débitez en
peu de mois. Ce fucccz me fur -
prit , d autant plus que je ne de-
vois pas m'y attendre. Je metois
ataché fi fcrupuleufement a l'ori-
ginal fur lequel je travaillais .
que j' avois remply ma copie de
quantité de chofes inutiles . L em-
preffement que l'on eut pour cet-
te première édition . me perfua-
da que je devais ccfier d'être
tradutteur , & que je pouvois
afpirer a quelque chofe de plus
grand. le me mis donc en tête
de chercher des mémoires afsés
précis & afsés fidelles , pour fau.
te un Traité , qui n ayant rien
de commun que le nom avec ce -
luy que f avois traduit , put fe
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PREFACE
fendre confiderable par luy mê-
me : la profefion que je fais de
Marchand ne me parut pas in-
compatible avec celle d' Auteur 3
fur tout en cette occajîon , ou il
s'agit dune drogue , dont les
Marchands nous ont donné la
connoijfance. c'ejl à ceux qui ont
négocié dans le Levant , que
nous devons en France la decou-
verte du Café. C'eft eux qui
nous en ont fourni , le confideray
même en un fujet de cette natu -
te , un grand nombre de ehofis -y
dont un Marchand peut être
Inieux informé qu'un Philofo-
phe. Il peut mieux fç avoir le
lieu d'ou il le faut tirer , la ma-
niéré de le préparer , celle de le
confcrver , les alterations quon
y peut faire & pluficurs autres
particularités dont fes corref.
pondantes le rendent plus its-
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PREFACE.
fruit , que ne le pourroit ètr ô
un Sçavant. par toutes fes mé-
ditations.. Peu de tems m attr oit
j Çuffi pour cela : mais diftrait
par des occupations , qui mont,
indijpenfablemcnt apelle & atta~
ché ailleurs , j'ay laifsé écouler
plufieurs années fans y-? penfer...
Ce nef- que depuis peu de mois,
que je me fuis mis à y* travail-
ler. I'ay fait par mes amis Y
pour y reüjfir ce que fait l'A-
beille pour faire fon miel : elle \
employé la rosée quelle trouve*,
ftr diverfes fleurs : & moy pour,
faire quelque decouverte r qui
p:ût- rendre mon travail utile
& agréable , je ne me fuis pas.
contente de confulter dedans (jr%
dehors le Royaume un grandi
nombre de Sçavans 5 qui me font
Chonneur d'entretenir, commerce
*vec moy.. l'ay encore porté mc*\
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PRE F A C E.
recherches dans le fonds de fû-*
vient , ou je porte mon négoce *
Peut-être me fiat ay- je , en difant
que f ay fait par l'une & l autre
de ces voyes , un amas de beau-
coup de raretés , dont la leffure
ne fera ny enmyeufe , ny inutile
au Public.
An ' traite' du Café y j'en ay
joint un du Thé , & un du
Chocolaté :■ a quoy je me fuis
crû obligé , non pas feulement
parce que lors que je fis impri-
mer la Traduction dont j'ay par~
lé y . je /; fis de cette maniéré $;
mais aujji par le grand rapport
que cet boijfons ont enfemble
J'avoiie de bonne foy que ce que
je dis au fujet de ces deux derniers
T unités ne fl en partie qu'une ré-
pétition de ce que d'autres en
ont dit Je me fuis étudié de le
mettre en meilleur ordre qfiil&
v-
M
•PREFACE,
navoiént pas fait, le ne fiay fi
fy aura) reüjji j mais je fçay bien
que fi les Curieux ne font fat
fatisfaits de mon travail , ils le
doivent du moins être de mon
intention. Jgjiand le contraire
arriver oit je m en confier ay bien
fins facilement „ que je ne le fe~
fois , fi ayant toujours ignore les
qualités du Café , je ncn avois
pas reçu le foulagement dont je
iuy fuis redevable.
m. *m
fti-Y’ ■
H -
j :
Y ■ * ’
ê. J -
r '-at. .
y^iDigitizi
JÜ&Hlc
cAVIS NECESSAIRE
au Public.
»
E Public pardonne-
roit aifcment à la paf-
fion violente qu’onc
certains Auteurs , de
faire tous les jours de nou*
Teaux Livres j S'ils luy fai-
foient Ja grâce de luy donner
des éclaircilfemens fur des
matières du inconnues ou
fort obfcures ,ou même déjà
enfevelies dans l’oubly 5 Mais
quand il voit que ces Mef-
fieurs, pour former un nou-
veau Volume, ne s’attachent
qu’à changer l’ordre d’un pre-
mier , ne s’étudient pour fe
diftinguer , qu’à expliquer les
mêmes chofes par un tour , &
des termes qui pour être' dif-
ferens , ne font bien fouvent
que plus obfcurs , de dont tout
le foin n’efl autre que de mar-
quer leur mépris, pour un ou-
vrage qui à mérité par fa net-
teté , le filme &; l’a p probation
univerfelle. Pour lors ils ont
ordinairement le chagrin deï
voir qu’on ne fe déclaré point
en leur faveur , & qu’on 11c
manque pas de dire ? faloit-il
tant promettre pour donner fi
peu j puifque la matière n’é-
toit pas épuifée dans un pre-
mier traité ? ne faloit-il en
faire un fécond que pour le
faire paroi tre en forme d'Ejfay >
de advenir qu’on lu y donnè-
rent Ici derniere main apres avoir'
reçu- les obfervations des foavans ?
Qui eft-ce de bonne foy , qui
ne fera un bon Livre avec ce
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— • r'.V'
fecours , mais on l’attend en J
cor. Au contraire dans la pre-
mière Edition de cet Ouvra-
ge , on a marqué précifement
qu’on avoit donné tout ce
qu’on fcavoit , &; qu’on étoic
redevable des meilleurs cho-
ies à un grand nombre de fça-
vans qu’on avoit confultés :
aufli cette ingénuité a plu , le
Public a paru en être content,
ç’e/t ce qui a fait qu on a été
obligé d’en faire inceifamenc
une féconde Edition , pour
ûtisfaire à fon empreffement.
Attejlation pour le Livre , ou
Traitez nouveaux éf curieux
du Café ' , du The & du Cho-
colaté , par le Sieur Dufour ,
faite par ordre de Monfeigneur
le Chancelier .
Q Uelque Aprobation qu’on don-
ne tous les jours au Café* il y
a neanmoins des Médecins qui en
croient l’ufàge pernicieux ÿ les foins
que M 1 Dufour a pris d’en expliquer
les proprietez , l’analyfe qu’il a fait
faire de cette fève , & les raifons qu’il
rend des effets differens qu’elle pro»
duit font tres-capables de détromper
les plus prévenus & d’inftruire ceux
qui continuent à demander fi le Café
échaufe ou s’il rafraîchit : on trouvera
tous ces éclairciflemcns dans fon Li-
vre , où rien ne nous paroit qui ne
foit utile , fort curieux & tre s-propre
pour perfuader tout le monde 3 qu’il
faut être docile dans les chofes qu’on
fie fçait pas. A Lyon le io. de May
168$. ' Faiconet Fils,
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"~ r 5T*V ■ « '?»»;• JV
T\ < .. *--**-*
A
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CAF É.
A Bonté , la
Sàgeflc , 6c la
Puillance in-
finie de Dieu,
ne nous per-
mettent pas de
douter qai’il n ait fufîifamment
pourvu à la çonfçrvation des
3
mt: 1
*
Dtotaëd by Gçtoglé
ÂA1 ♦«T#
du Café'. 3
font apportées du Levant. On
fe perfuade que le Soleil fait
plus de grâces à la terre où il fe
leve,qu’à celle où il fe couche,
de on ne fonge pas que tout eft
' fi juftement compaffé dans
njnivers,qu’iln’y a point d’a-
nimaux , qui ne trouvent par
tout où ils nai lient, ce qui peut
être neceffairepour leur entre-
tien , 6c po ur leur con fer vati o n ,
félon la différence de leur con-
flitution , 6c de leur tempéra-
ment. Il eft donc furprenann
que les hommes faffent de fl
longs voyages , par mer de par
terre, 6c qu’ils s’expofent à tant
de périls , pour trouver ce qui
leur eft peut-être moins utile,
que ce qu’ils ont chés eux. IL
eft vray que l’avarice qui a été
le plus puiffant motif, qui a
fait entreprendre ces grandes
A z
4 Traite'
courfes , n’a pas eu pour uni-
que objet nos besoins $ 6c
qu’elle n’auroit pas eu dequoy
le remplir , fi elle n’avoit tra -
vaillé pour nos. vanités, & pour
nos plaihrs. Elle a fait fonds
fur nos ignorances, fur nos le-
geretez,lur nos craintes, & fur
nos moleffes 5 de pour nous
prendre par tous ces endroits ,
elle a ramalfé par tout des cho-
fes rares , des chofes nouvel-
les, des chofes falutaires,&; des
chofes delicieufes.Elle a fouil-
lé pour cela dans Eune 6c l’au-
tre Inde, de dans tous les lieux
de la terre les plus reculez.
Mais parmy les chofes falutai-
res qu’elle nous a procuré , la
meilleure, & la plus uni verfel-
lement bien- fai fante à mon
gré eft le Café. J’ay entrepris
de donner la connoiffance de
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D U Ç A F E'. 5
fe • mervéilleuiès qualités, d’en
faire voir futilité, Si d’en en-
feigner l’ulàge , avec le plus
d’ordre , le plus de brièveté ,
6 c le plus de netteté qu’il me
fera poffible 5 6 c c’eft ce que
je vais cotiimencer de faire
dans le Chapitre fui vant.
Chapitre I.
Ce que cejl que Café , & de
fon véritable nom,
L E Café eft une efpece de
legume,ou de graine écra-
gere,de la grofleur de nos plus
petits haricots , à qui même il
relTemble 5 rond d’un" côté , 6 c
plat de l’autre, avec une fente
au milieu, d’une couleur entre
le blanc, ôc le jaune obfcur. Il
efl: naturellement envelopé de
deux écorcesjcelle qui le tou-
che eft extrêmement deliée, 6 c
D 3
é Traite'
de même couleur que ce légu-
me } l’autre qui eft extérieure,
eft noirâtre , 6c aftes épaifte :
mais celuy que nous recevons
en eft la plufpart ordinaire-
ment dépouillé. L’Arbre qui le
porte reücmble fort à l’Evony-
me,ou Fiifain,qui produit cet-
te graine que nous appelions
bonnet de Prêtre, comme Prof-
fer dlbw qui la veu dans fes vo-
yages en Levant , l’afture dans
fon Traité des plantes d’Egy-
pte. Les mémoires qu’on m’a
envoyés du Caire , me mar-
quent aufli qu’il reftemble fort
à nos Gériziers moyens , foit
pour les feüilles 6c les bran-
ches^bit pour la grandeur 5 car
ce n’eft qu’un arbrifteau , fes
branches l’ont fort déliées , fa
feüille petite , unie , épaifte ,
toujours verte , 6c qui tombe
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du Café' 7
tôt 5 le fruit reliant à décou-
vert fur l’arbre , jufques à une
parfaite maturité. On com-
prendra mieux la figure de cet
arbrifleaU, & de cette graine ,
par la planche que j’enay fait
graver au commencement de
ce Traité , qu’on ne fçauroit
faire par toutes les deferi-
ptions. Les Auteurs qui en ont
écrit , rangent la graine du
Café entre les fèves , à caule
de l’affinité qu’il femble avoir
avecelles.il y a vingt-cinq ans
qu’il étoit encore fi peu connu
en France , que quelques-uns
l’apelloient une meure, comme
on le voit dans un écrit qui le
vendoit alors à Paris , ou l’on
commençoit d’en boire.
Voila ce que tout le mon-
de convient qu’efl le Café.
Alaisil eftprefque incroyable,
A 4 .
8 Traite'
que nous n’en fçachions, pas
feulement le véritable nom ,
quoyque depuis quelques an-
nées, il nous foie fi ordinai-
re d’en boire. Les Auteurs
mêmes qui en ont écrit, font
prefque aufli differens dans
leurs fentimens fur cela, qu’ils
le font fur fes qualitez. Quel-
ques-uns difent qu’avant que
d’être mis en poudre , on doit
lappeller en Latin Bunchumfc
en François # 0 ;;, qu’ils pronon r
cent Btm. Les autres luy don-
nent divers noms , après qu’il
a été pulverifé , 6c fe fervent
indifféremment de ceux de
Café , Cophef Cave , Cavet ,
M fi^ur Cahue', Cave ah , chatihe , Choa~
le Cheva- , chaona , ou Cahuch. Çc-
lier d’Ar- pendant voicy ce que m’en
fui des écrit d Alep un homme d une
Fianjois, pénétration linguliere, * après.
' DU C AF E f . 5
s 5 être donné la peine a ma
prière de chercher à s’en in-
struire par diverfes conféren-
ces qu’il a eues pour ce Sujet ,
avec des perfonnes capables
de 1 en éclaircir , foit par les
voyages qu’ils ont faits dans
le lieu qui le produit, foit par»
l’employ qu’ils en font ordi-
nairement dans la Medecine
qu’ils profeflent depuis lon-
gues années en Levant.
Le nom de la fève dont vous
me parlés ( me dit-il ) dans la
langue du païs d’où nous le
tirons, qui eft l’Arabie, eft Oz-
hoiieh , parce que lés Arabes
n’ont point d’U confone com-
me les autres Nations. Les
Turcs, 6c les autres Orientaux,
prononcent Cahueh. C’eft à
mon avis la prononciation qui
peut le 'mieux s’accorder a la
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ïo Traite*
Françoife fans trop afpirer les
HH. Le mot de Cahnéh ^ vient
de Cohue t , qui lignifie force
8c vigueur: &; on appelle aind.
cette fève , parce que Ion ef-
fet le plus ordinaire ,’eft de
fortifier^ de corroborer. Bien
que cet avis m infinuë qu’il
fàudroit me fervîc du nom de
Cahuéh dans ce Traité , ce-,
pendant comme la chofe me
paroît i ndififerente poti r, m’ac-
commoder à nôtre ufage , je
ne l’appelleray plus q ue Café,.
Chapitre IL.
Du lieu d'ou vient le Café , & dà>
la quantité quil en fort
toutes les années .
D E tous les endroits dl*
monde , je ne penfe pas.
qu’il y en ait d’autre qui prqy
, *
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v» 7 'toc* » *
d a Café'. iï
duife le Café que 1 Yemen,oiz
l’Ayaman ( félon nos Géogra-
phes peu correds ) qui eft l’A-
rabie heureufe. Il croit dans
des vaftes Campagnes tirant
vers le Midy , fans culture , 8c
point du tout ailleurs. Etant
cueilly , on l’apporte à Moica , *
a Louhaya , 8c autres ports
de mer, qui font le long de
la côte de la mer Rouge , ou
on le charge fur de petites
barques pour Gedda , ou Zei-
den , qui eft un port de mer
de l’Arabie Petrée, dans l’Etat
du Chcrif de la Mcque 5 la
on l’embarque, fur des Vaif-
feaux , 8c fur des Galères , cjui
font ordinairement deftinees
pour ce tranfport , jufques à
Sués, port de mer à la tetede
la mer Rouge , éloigné du
Caire d’çnviron vingt 8c deux
A 6
Digilized by Google
IL ; ’t R A I T E\
Jieuës , où l’on en tranfporte
toutes les années fur des Cha-
meaux , du moins le nombre
de vingt 6c cinq nulle balles ,
d’environ trois cens livres
chacune. Outre cela il en vient
bien encore annuellement dix
mille balies par terre du meme
° poids, par la Caravane qui re-
tourne de Medme avec les Pè-
lerins du Prophète , qui en
chargent auffi quatre ou cinq,
mille fur des Chameaux pour 1
porter à Damas, &: à Alep. Cela —
tf’empêche pas que les Arabes
n’en tranfportent aufîi beau-
coup à la Meque , pour cette
efpcce dé foire qui s’y tient
tous les ans à leur Bairam > qui.
cft leur Pâque. C’eft là que.
toutes ces differentes 6c nom-
hrcufes Caravanes qui s’y
trouvvnt,en chargent a leur re^
Dkjitized by Gqpgle
j > u Café. ï$
tour x , chacune pour fon païs*
Plufieurs aflurent qu’on fait
boüillirle Café , ou qu’on le v*
fait palier dans un four chaud,
avant que de le mettre en ven-
te , pour en tuerie germe , de
peur qu’on n’en feme ailleurs..
D’autres foûtiennent le con-
traire j ces derniers appuyent.
leur fentiment fur une raifon.
SBkh' *
qui me paroît inconteffable..
S’il étoit vray(difent-ils)qu’orL
fi fl boüillir le Café , ou qu’on
le fifl pafier dans un four allu-
mé , avant que de le faire for-
tir de l’Arabie , il y aurait peu
de fes grains qui reftafent gar-
nis de leur écorce , qui étant
tres-déliée , fe réduirait en.
poudre va la moindre appro-
che du feu j 6c cependant il
s.’en trouve un grand nombre
dans celuy qui nous vient §
Digitized by Google
i4 Traite'
outre que le feu leur donne
roit quelque goût, ou quelque
odeur de brûlé quils n’ont
« pas. Ceux qui ont une autre
opinion , répondent que l’ar-
bre qui porte le Calé , étant
d’une aufli grande importance
qu’il ell , il feroit impoffible
que la cutiofité , la necefîicé ,
ou l’intereft, ne l’eu lient natir-
ralifé dans q uelque autre en-
droit que celuy dou il vient
li la qualité du germe nei*
avoit été entièrement éteinte..'
Mais ces gens-là , ne reflo--
chiiTent pas lur les ordres de-
là Providence , qui avant:
donné à chaque païs à 1 ex-
clu Ho n de tous autres la fa-
culté de produire certaines
chofes , toute l’induftrie , 8c
coût le foin des hommes se-'
puiferoiçaunutikment ? pour
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du Café': r$
en cftfpofer d’une autre façon ,.
Il ne faut pas s’étonner , s’il
n’y a qu’un tres-petit terroir
dans toute L’Arabie Heüreufe,
qui produjfe le Café : il eneft
de même de l’arbre qui porte
la Gomme Thurique , qui ne
croît que dans de grandes plai-
nes vers le mont Sinay,le long
delà mer Rouge ,, ou il y en
a un nombre prefque in fin y „
6c dés que vous tournez à de-
my journée vers ce mont, vous,
n’en trouvez plus du tout j ou
û par hazard la nature a fait
-effort pour y en produire quel-
qu’un ( cequiefl ëxtraordi-
* nairement rare ) il eft tres-
petit , 6c ne donne point du
tout de Gomme. On ne doit
pas être furpris de cecy , puif-
que ceux qui ont été en ce-
païs là affûtent ? que .la pluf-
16 T R A r T B
part des chofes qui croilîena
dans un lieu, ne croiilent point
du tout dans un autre fort voi-
fin. La même chofe arrive en
Egypte , ou on trouve dans un
endroit l’arbre qui porte de la
Galle d’une qualité excellen-
te j au lieu que celle qu’on re-
cueille à une lieue de là , ne
vaut prefque rien, Se tant jfoit
peu plus loin , il n en vient
point du tout 5 ce qui eft 11
vray,que Damiette en fournit
toutes les années quatre ou
cinq cens quintaux, 6e àRouf-
fet , qui n’en eft gueres plus
éloigné que d’une journée , il
n’y en a que tres-peu d’ar- *
bres, qui même font , ou peu
s’en faut, fleriles, quelque foini
que l’on prenne pour leur cul-
ture.
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DU C AF EV 17
C$H A P I T R E III.
Depuis quel tems la boiffon du Ca-
fé efl en ufage public parmy
nous , dr ches les Orientaux .
L E Café n’a été connu en
France que depuis envi-
ron quarante ans 5 & ü je ne
me trompe , il n’y en a gueres
plus de vingt- cinq qu’on a
commencé à s’en fervir. Sans
doute la nouveauté n’y a pas
peu contribué. On remarque
dans les Oeuvres du Chance-
lier Bacon , imprimées* il ’y a
cinquante an s, qu’il n etoit en-
core connu alors en Angleter-
re,que de réputation, 6c qu’on
ne fçavoit pas trop bien ce que
c’étoit , non plus que fes qua-
litez. Les Turcs, dit-il, ont.*
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18 Traite'
„ une forte d’herbe qu’ils apel- *
v lent Café, qu’ils font fecher 5
3 , & la mettent en poudre pour
5, la boire dans de l’eau chau-
„ de 5 ils difent qu’elle leur
„ donne du courage^ de la vi-
yvgueur d’efprit:mais qu’étant
3 , prife en trop grande quanti-
3 , té, elle le trouble 5 ce qui fait
3, connoître , qu’elle eft de la
„ nature des remedes fomnife-
res.En quoy il fe trompoit fort. -
Il ne feroit pas h facile d’é-
tablir folidementen quel tems
le Café s’effc introduit en Le-
vant , puifqu’il n’y a pas lieu
de doCiter qu’il n’y ait été con-
nu plutôt en un endroit qu’en
l’autre , ôc apparemment il a
été pendant pluheurs années *
en ufage chés les particuliers .
avant que de palier dans la
connoiflance du Public. Si je
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I
DU C A F e'. 19
dois deferer aux mémoires que
. l’on m’a envoyés de la plufpart
des lieux les plus confiderables
de tout l’Orient, il n’y a qu’en-
viron deux fiecles que la cou-
tume d’en boire eft devenue
auffi commune qu’elle y eft >
encore trouve- je la choie fort
douteufe,puifque Louis Bajfmo
qui a- écrit en l’année 1545.
Antoine Menavin en 1548.
J-'rançois Smfovin en 1563. par-
lant tous trois des boilfons des
Turcs , ne difent pas un feul
mot du Café, bien qu’ils nom-
ment toutes les autres dont ils
fe fervoient en ces tems là. Si
ce n’eft pas là une preuve
alfés forte pour régler abfolu-
ment la chofe , du moins c’efl
un indice afles confiderable
pour nous obliger d’en fufpem
dre nôtre jugement. Pliudeurs
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J
T
2.0 Traite'
difent même que cette boiflon
n’a été introduite dans la Tur- .
quie , &; dans les pais voifins ,
que depuis que Sultum Selim
■ lubjuga l’Egypte , aux années
1517. &; 1518. où les Turcs
en trouvèrent l’ufage étably
depuis long-tems. Ils le dé-
voient fans doute au voifina-
ge des Arabes, qui connoifTent
le Café il y avoir plus de fept
cens ans : s’il faut s’en rapor-
tcr à ce qu’en difent la pluf-
part de nos Auteurs modernes,
leurs Livres étant pleins de
l’opinion que Razis,&c Avicen-
ne en ont parlé fous le nom de
Banchum: mais Velfchiusdans
fon Traité de Fend Medine?iji ,
prouve que le Bunchum des
Arabes n’eft point le Café. Il
fait voir qu’on s’cft équivoque
fur cc mot. Pour le prouver il
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du Café', n
• - ^
rapporte qu ' Ebcnbeithar dit que
le Bunchum , eft le Nafcaphthum
de Diofcoride,6c que Ebenma -
remarque dans fon Diétio-
naire , que le Bunchum eft une
racine odoriférante : en effet
Avicenne le inet entre les raci-
nes , ce qui n’a aucun rapport
avec le Café. D’ailleurs Vclf-
chiut prétend que Profper AU
pin a confondu ce qu Avicenne
avoit dit du Glans unguentaria ,
que les Arabes appellent Ban ,
avec le B un. Voicy mot à mot
le paffage d’ Avicenne.
Qu’eft ce que c’eft que <c
Bunchum ( dit-il ) C’eft une tC
chofe apportée du Yamen , C£
quelques-uns difét que c’eft cc
des racines de V Atiigailcn^or.s <c
quelle vieillit quelle tom- a
be. Le Choix, ajoûte-t’il , le <c
meilleur eft le Citrin , leger “
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I
ii Traite'
5) Ôc de bonne odeur : le blanc,
„ 6c pelant n’eft pas bon. Sa na-
^ture . Il ell: chaud 6c fecau pre-
„ mier degré , fuivant le fenti-
,,ment de quelques-uns, ou
„ froid au premier degré félon
,, quelques autres : Ses opéra-
ssions & fes propriété'*. Il forti-
„ lie les membres , mondifie la
„peau,delTeche fes humidités,
„ procure une bonhe odeur au
, corps, ôte les mauvaifes ,
„du dépilatoire , 6c ell bon à
l’eftomach. Surquoy il femble
qu’ Avicenne, parle plutôt de
quelque autre chofe que du
Café , 6c ainfi l'ancienneté du
tems qu’on le connoît étant
fuppofée fur les fentimens de
cet Auteurjl eft fort incertain
que cela foit d’aulfi vieille date
qu’on nous l’a voulu perfuader.
Marc Paulo , qui écrivoit envi-
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du Cape'.' 13
ron le milieu du treifiéme fié-
de . fort exact dans toutes fes
1 • .
narrations, ne nous dit du tout
rien du Café , dans les Rela-
tions des divers voyages qu’il
fit en Levant. Le premier de
nos Européens qui nous en a
donné des nouvelles , eft fi je
ne me trompe , Prcfpcr Alpin ,
qui voyagea en Egypte il y a
environ cent ans 5 éc aprez luy
Vejlmgius , qui y fit afifés du
fejour : ce qui nous confirme ,
que le nombre des fiecles qu’on
a voulu donner a la decouver-
te du Café , n’efi: peut-être
pas aufiî certain,que l’on pour-
roit bien croire. Ce qui l’eft
fans aucune conteftation: c’eft
qu’aujourd’buy on s’en ferc
generalement par tout le Le-
vant , 6c cela fi indifpenfa-
blement , que tous les matins ,
24 Traite'
aulfi-tôt qu ils font levez, ôc
qu’ils ont fait leurs prierçs,foit
qu’ils foient chés eux, ou qu’ils
loient en voyage, ils ne man-
quent pas, de toute condition ,
de tout fexe,8c prefque de tout
âge, d’en prendre quelques taf-
fes, qu’ils appellent Fingeans :
non pas à jeun comme plu-
fieurs perfonnes font en Fran-
ce 5 mais apres avoir mangé
quelque choie. Les Grands
avant que d’en boire, font des
dejûnés qui valent des repas, 6c
qui les Ibûtienent jufques à
deux heures apres midy fans
manger. Les Marchands, 6c les
Artifans, mangét quelque peu
de pain fait exprez,qui s’appel-
le en certain pais Futier:6c en
d’autres , Qiiaqui. Cette forte
de pain refifemble, fuivà't la fi-
gure qu’on rn’en a donnée, à un
bifcuit
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DU - CAFE' 15
bifcuit , large Ôc plat comme
la main. Enfin les riches 6c les
pauvres, mangent tous les ma *
tins quelque chofe avant que
d’en boire , eftimant que le
Café pris à jeun fe convertit
en bile , 6c y convertit tout ce
qu’il trouve dans l’eftomac ,
qu’il le ronge , le dévoré 6c
FafFoiblit jufques à l’inani-
tion : qu’il caufe une pe-
fimteur fenfible fur tous les
membres : qu’il fait perdre
l’appetit , qu’il rend l’efprit
inquiet , chagrin , impatient :
êc enfin qu’il met le corps
dans un abattement incroya-
ble. C’eft par cette raifon
qu’on voit tous les matins aux
portes des lieux deftinez à
boire du Café, une infinité
de vendeurs de Futiers , de
bifcuits , ou d’autres pièces
B
I
Traite'
de patifferie , que ceux qui y
vont pour prendre du Café >
achètent pour en manger au-
paravant , instruits par l’ex-
perience , qu’il eft plus lain
de cette façon qu’autrement.
Cela a donné lieu au prover-
be qu’ils ont parmy eux , que
di avant que de boire du Ca-
fé , ils n’avoient rien du tout
à manger , il faudroit avaler
un bouton de fa vefte , ou
n’en point prendre. Cepen-
dant n’en deplaife aux Orien-
taux , qui ne font pas les
plus habiles gens du mondé
en Medecine , on éprouve
tous les jours dans ces cli-
mats , qu’il fait du bien à des
perlonnes qui le prenent à
jeun : quoy qu’à dire la véri-
té , la plufparc fe trouvent
mieux de le prendre après le
«. y
r
* *
Y
/d
Digitized by Ooogle
du Café'. 2.7
repas , fur tout lors qu'on s’en
fèrt contre les maux d’efto-
mac , furquoy on ne peut
donner d avis certain. La di-
verfité de temperamens doit
regler cela , puis que les re-
medes , Ôc les alimens font de
difFerens effets , félon les fu-
jets fur lefqueîs ils agiffent.
Tous les Turcs font pleins
de cette opinion , que cette
boiffon eft non feulement fotc
faine , mais encore fort nour-
riffante : ce que les fça~«
vans attribuent aux effets de
l’humeur oleagineufe natu-
relle au Café , qui non feu-
lement adoucit beaucoup le
ferment , l’empeche de pico-
ter les membranes de fefto-
mac , 6c fufpend par là les
irritations de l’apetit 5 mais
fournit d’ailleurs quelque fub-
B z . •
18 Traite'
fiance propre à être conver-
tie en un fuc nourricier , 6c
repare les efprits. Les pau-
vres s’en fervent dans la feule
vue d’œconomie , 6c en effet
plu-fieurs amis que j’ay en ce
païsffà , me marquent que
diverfes perfonnes de rfiétier ,
apres en avoir beu quel-
ques taffes le matin , 6c
quelques autres dans la fui-
te du jour , le paffent fou-
vent de la forte jufques au
foir fans rien manger. Je n ay
pas trouvé que le Café ait
cette qualité en ce païs , du
moins aufîi fenfible 5 mais
comme la plufpart des voya-
geurs confirment la même
chofe , je veux croire que
çette différence peut .venir
en partie , de celle que mec
à fes vertus , la longueur du
DU C A F E'. ±9
tems qu’il faut pour le trans-
porter du lieu d’où il vient
jufques à nous. Ce qui me
fortifie encore dans cette opi-
nion , eft celle du fçavant.
Monfieur Ber nier quia été fur
les lieux , & étant homme
d’une grande Sincérité , doit
en être cru. On verra enfuite
ce qu’il en dit dans une lettre
qu’il ma fait l’honneur de
m’écrire.
Les Turcs , généralement
parlant , ne fe contentent pas
de boire du Café en particu-
lier dans leurs maifons : il y
a encore dans les endroits les
plus confîderables des villes ,
quantité de boutiques publi-
ques, qu’ils apellent Calmé -
Kanè , ou Mailons à boire du
Café ( ainfi que je l’ay déjà
dit ) Ils s’y rendent prefque
* ' B 3
30 Trait e'
à toutes heures > pour y en
prendre , fans diflinction de
qualité à la referve des Grands:
6c ils y paffent en different
tems une partie de la journée ,
a fe divertir dans des entre-
tiens vagues , qui fans s’atta-
cher à rien , ne laifTent pas de
fe prendre à tout. Les affai-
res d’Etat s’y mettent quel-
quefois fur le tapis. Les con-
tes gays , facétieux 6c récréa-
tifs , n’y font pas oubliés y
chacun y en fait à fon goût.
Les Maîtres de ces lieux-Jà y
par une Politique interefsée ,
les rendent les plus agréables -,
6c les plus commodes qu’ils
peuvent > ils y entretienent
même des chanteurs , 6c des
joüeurs d’inftrumens , pour
donner du plaifîr à ceux qui
y font j êc ne négligent rien
• du Café'. 31
de tout ce qu’ils peuvent croi-
re y pourvoir attirer plus de
monde.La compagnie y eft or-
dinairement nombreufè : mais
le grand concours efb fur les
trois à quatre heures après
midy. C’eft le tems d’une de
leurs prières qu’ils appellent
Lajfero , ou le gnindy : alors
ils y courent en foule , com-
me à un divertilfement donc
ils auroient peine à fe paf*
fer.
Le Café n’eft pas feulement
de tous les éçqts du peuple > '
il entre aulîi dans toutes les
ceremonies des Grands , qui
feroient défe&ueufes s’il y
manquoit. Les premiers Offi-
ciers de la Porte font obligez ,
auffi bien que les mQindres
Bourgeois de la Ville* de le
prefenter indifpenfablement
B 4
* U
Memo : -
res de la
Croix
p rem. parc
page J 4
r < fr*' t
32, Traite .
à tons ceux qui les vont
voir , s’ils ne le faifoiept pas
ils violeroient ce q ue l’ufage
a de plus affecté , 8c l’hon-
nêteté de plus obligeant. Le
premier Vizir meme n accor-
de jamais d’audiance à aucun
Ambaffadeur , que le Café ne
ïoit employé , il accompagne
toujours le Sorbet 8c le Par-
fum , qu’on ne fçauroit ne
leur pas offrir fans témoigner
quelque forte de mépris. Il
eft vray qu’il y a des occa-
iîons où le Parfum n’eft pas
de la partie : c’eft lors qu’on
donne des audiances pendant
le Rhamadan qui eft le Carê-
me des Turcs. * Ils font û
feveres obfervateurs de tous
_ . t
les articles de leur Religion ,
’ qu’ils* croiroient de rompre
leur jeûne , h la fumée du
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du Café/ 55
parfum leur en croit par le
nez en ce tems-là > ce même
fcrupule fait qu’ils fe gardent
bien de prendre du Café ,
quoy qu’ils le prefentenc aux
autres. En un mot, la boilïon
du Café fait en Levant un
des principaux honneurs que
les Turcs fe rendent réci-
proquement lors qu’ils fe vili-
tent , et c’eft par cette rai fon'
qu’ils joignent aux autres epi-
t êtes qu’ils luy donnent celle
d’honorable.
Chapitre IV.
De quelle maniéré le Café
a été découvert ,
< x *
• ■ * » ,
I y * # »
L ny a pas lieu de doutet
que lors que Dieu an com-
mencement de toutes cho-
fes commanda à la' terre de
54 Trait e ;
produire des herbes y & des
arbres, il ne leur communi-
quât les qualités qu’il vouloir
leur donner. Sur ce principe
il eil confiant que le Café
dez fon origine a eu celles
qui font qu’àujourd’liuy nous,
reflimons , ôc que nous le:
recherchons.* Il ne faut pas
croire pourtant que de tout:
teins elles ayent été connues:,
il s’efl pafïe bien des Siècles ,,
que non. feulement on les a. .
ignorées , mais que même on
n a pas fçu ce que c’étoit que
Café. Dieu toutesfois qui par
fa puifTance luy avoit com-
muniqué les propriétés qui
luy font naturelles pour l’a-
vantage de l’homme , ne vou-
lut pas permettre que fon ig-
norance le privât pour toû-
, jours du fecours qu’il en pou,-.
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Dll C A F e'.' $ f
voit recevoir , & il voulut
bien enfin par fa bonté qu’on
tirât des tenebres ce trefor,
dont l’utilité fe répand fur
tant de peuples. Les moyens
dont il fe fervit pour cela font
fi furprenans, que je fuis per-
fuadé qu’on les apprendra,
avec autant d’admiration que
de plaifir. J’ay pris ce que j’en
vais dire , d’un difeours diu
Leur Faaflo Nairone Maronite
ProfelTeur des langues Chai-
daïque de Siriaque ,*au Col-
lege de Rome , qui fe trouve
inféré dans le Journal Italien
des S ça va ns , imprimé l’an-
née mille fix cens foixante 6c
onze.
Un Gardien de Cha- “
meaux , dit-il , félon lefcn- “
timent de quelques-uns , ou <c
de Ch.evres ? iuivant l’avis de
15 &
DU C AF E.' 3*_
de dormir dans le tems des v
Offices de la nuit. Les fuites 4
répondirent à fon attente, de ‘
bien- tôt après on découvrit 4
cjiic ce fruit avoit beaucoup {
d autres propriétés fort falu- 4 ‘
taires , qui luy acquirent “
fans peine une efhme ex- 41
traord inaire, de univerfelle > “
mais principalement parmy 4<
ceux qui en vendent. Leur 4 '
intereîl a fait naître leur re- 44
connoiflance , ils la croi~ 44
roient imparfaite, s : ils ne fai- 44
foient des prières particulie- 44
res de ordinaires pour Scia- 44
dli , de Aydrm , qui font les 44
Moines, qu’on croit avoir tC
fait la première decouverte 44
de ce fruit.
I> Il C A F E. 35M
de toute forte d’immondices
qu’on pourroit: y avoir mis
pour en augmenter le poids ,,
ce quiendiminueroitde beau-
coup la bonté.. Il fetoitàfou-
liaiterque nous pendions con-
noître fi le Qafé eft vieux y
puis qu’il eft hors de tout dou-
te que plus il eft vieux moins
il vaut parce que fon fuc fe
didipe à mefure q*u’il fe dedfé-
che, ce qui luy ôte une par-
tie de fa vertu 5 mais comme
cela padfe nôtre connoilfance
je ne crois pas qu’il y aie
d’autre moyen de fe garantir
de l’avoir furanné que celuy
que je pratique, qui e fl d’en
faire venir de tems en tems.
de quelqu’un des lieux le
plus approchans de celuy qui
le produit : encores eft-t’on?
beaucoup expofé au {ifquô
40 Traite'
de ne l’avoir pas tel qu’il le
faudroit. Il y a des gens qui
fe piquent d’être bons con-
noiiîeurs du Café , qui alTii-
rent que celuy qui eft d’uiv
jaune enfoncé , 6c leger , eft
à préférer au blancheatre 6c
pelant : voilà tout ce qui eft
venu à ma connoiffance fur
ce fujet.
Lors que* je diray que le
Café de la maniéré qu’il nous
vient du Levant , a en ioy les
qualités que nous luy impu-
tons, 6c qu’il ne les a pas,
cela femblera impliquer con-
tradnftion , rien n’eft pourtant
fi vray.Voicy comment : qu’on
prenne du Café tel que nous
le recevons , qu’on le pile >
6c qu’apres l’avoir fait bouil-
lir , on en avale quelques,
gobelets , on n’en fentira au^
* r
D U C A F E.' 41
cun effet : mats qu’en le tor-
réfiant > on luy donne un de-
gré de codion necefTaire j 8c
qu’aprés l’avoir mis en fari-
ne 8c fait boüillir à propos ,
on en boive quelques tafles ,
on luy trouvera les préroga-
tives qu’on luy attribue. Ce-i
la fait voir que bien que la
vertu du Café foit inherente »
& naturellement attachée à
luy , elle fèroit pourtant com-
me morte , fi le feu qui fem-
ble en devoir difliper les ef-
prits, ne les ranimoit. En effet,
on ne s’en fert qu’aprés l’avoir
torréfié , parce que l’expe-
rience a appris que le feu
ouvrant fon corps * 8c en fai-
fant exhaler le flegme qui em-
barraffoit fes efprits le rend
apéritif, 8c propre à fortifier
l’eftomac , ce qui arrive par
Digitlzed by Google
4^ Traite'
un Tel fixe, & par une hu-
meur loleagineufe qu’il con-
tient comme je le feray voir
dans la fuite. Il faut que ce
foitune longue pratique, qui
aprenne le degré de torrefa-
étion necelïaire , pour rendre
le Café tel que nous le fou-
haitons : h on le cuit trop on
le rend inutile, fi on ne le cuic
pas ailes il ne fert de rien , ce
qui fait voir inconteftable-
ipent de quelle importance il
eft d’atraper le milieu necef-.
faire pour rendre la torréfa-
ction parfaite , 6 1 par confe-
q uent avantageufe. Bien des
gens croient d’en avoir la
fcience , & peu la polfedent ,
non pas feulement en France ,
( ou nous abondons en ces for-
tes de perfonnes , dont le fça-
voir faire en toutes chofes
D U C A F E'. 43
étant fort borne , ne laiflent
pas de fe flatter de fçavoirtout
fans avoir rien appris 5 ) mais
même en Levant , oii la gran-
de confommation &; le fre-
quent ufagequi fe fait du Ca-
fé , devroit avoir enfeigné >
du moins à ceux qui n’ont pas
d’autre cmploy que celuy d’en
vendre publiquement , tout
ce qui efl- ne ce {faite à cette
préparation. Cela efl: fl véri-
table que Munfiear Ber nier m’a
aflfuré , que durant un fejour
aflfés conflderable qu’il a fait
au Caire , une des plus gran-
des Villes du Levant , &; celle
dans laquelle le Café efl; le
plus en vogue , il n’y avoit
que deux hommes qui fuflent
en réputation de le fçavoir
parfaitement bien cuire. Ce-
‘ pendant on a vu de quelle
\
44 Traite''
confequence font les man-
quemens qu’on y fait d’y bien
reuffir : ils font tels que je
leur impute en partie le peu
de fuccés qu’a l’ufage du
Café parmy nous. Il en fe-
roit autrement , fi la plufpart
de ceux qui fe mêlent de le
torréfier pouvoient fe laiffer
perfuader pour une bonne
fbfs , qu’ils n’en font pas ca-
pables , 6c qu'ils s’en doivent
repofer fur les foins de ceux
à qui une expérience con-
fommée a pu donner les con-
noilfances necelfaires pour
cela. Je n’oferois me promet-
tre que cétavis puilfe les faire
démordre de la bonne opinion
qu’ils ont de leur capacité ,
je crois qu’il vaut mieux com-
patir à leur folblcffe , 6c que ;
n’y ayant pas apparence que
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JT ’■ 1 TV^'n’Tr- çr'?;*5v .- . . - - «- w-
DU, C A F E'. 45
je puilTe les guérir de leur pré-
vention , je tâche du moins
aies guérir de leur ignoran-
ce , en les inflruifant de ce
qu’il faut faire non feulement
pour reüffir â la torréfaction
du Café , mais encore pour
le boire utilement, fuivant ce
que j’en ay appris par une
longue pratique de par l’ex-
perience de plu fleurs de mes
amis , parmy lefquels il y en
a qui ont fejourné une par-
tie de leur vie en Levant j
ou 1 habitude qu’ils avoient
contractée de ne pouvoir s’en
paffer , a dû leur faire re-
chercher jufques aux moin-
dres cir confiances des parti-
cularités neceffaires , pour
l’entiere reufïite de ces prépa-
rations , qui fe doivent faire
de la maniéré fui vante.
4 6 Traite'
TORREFACTION.
• i ‘
P Renez la graine de Bun ,
que vous voulez torréfier,
( Je me fers pour le prefent de
ce terme , pour m’accommo-
der aux fentimens de ceux
qui ne veulent pas qu’on la-
pelie Café qu’elle n’ait été mi-
le en poudre ) pourveu qu’il
n’y en ait tout au plus que
deux ou trois livres à la fois ,
car moins il y en a , mieux
on la cuit. Mettez -la dans
une poile , ou dans une tour-
tière , ou fi vous le voulez
dans une terrine , fur un feu
de charbon fort allumé , fans
flamme pourtant : donnez-
vous le foin enfuite , dez que
vous croirez qu’elle pourra
fentir la chaleur, de la remuer . *
. . • . . DigitizedJby Qdc5gle I
« . . . . i*' A f
du Café'. 47
fans difcontinuation avec une
cuillier de fer , ou une fpatu-
le , pour faire en force, autant
qu’il vous fera poflible , que
tous les grains fe cuifent éga-
lement , jufques à ce qu’ils
foient -à moitié brûlez , évi-
tant abfolument que la chofe
aille au delà : ce que vous
connoîtrez lors qu’ils feront
devenus d’une couleur tanée
un peu obfcure, alors il la fau-
dra tirer du feu. Si la coétion
efl faite à propos , vous fend-
rez avec plailir une odeur de
pain brûlé , mais un peu plus
fortifiante pour le cerveau,
& pour l’eftomac. On affure
qu’on peut aufli rôtir le Ca-
fé dans un infiniment de fer
blanc , ou de cuivre étamé ,
reprefenté dans l’Eflampe que
j’en a y fait mettre au conw,
48 Traite'
mencement de ce Traité. On
le remplit de graines , aprez
quoy on le ferme avec fon
couvercle , &: on le tourne
devant un feu de charbon fort
vif , jufques à ce quon les
croye bien rôties. Sans doute
de cette maniéré il fe difîipe-
roit moins des parties vola-
tiles , qu’en le faifant cuire
dans une terrine découverte ,
& par confequent il en fe-
roit beaucoup meilleur. Mais
quoy quej’aye entrepris tres-
louvent de le faire cuire de
:ette façon , je n’ay jamais
)û y reüflir , les autres qui
feflaieront y feront peut-être
plus adroits , ou plus heu-
reux que moy. La graine
étant cuite , vous la pile-
rez , de la réduirez en pou-
dre ; on la veut en Levant
un
Digitized by Google
DU C A ï E'. 49
un peu groÆe , èc en Fran-
ce h déliée , qu’on la pafle
ordinairement dans un tamis
fin : il faut éviter autant
qu’il fe pourra , dés quelle
fera cuite , 6c encores plus
lors qu’elle fera pilée , qu’el-
le ne s’évente , à quoy elle
efl plus fu jette même que
le vin } 6c h elle eft une
fois éventée , elle n’eil plus
propre à rien , fes qualités
n’étant pas feulement affoi-
blies, mais entièrement étein-
tes , on ne fçauroit prendre
trop de foin pour l’empê-
cher. C’cft pour cela qu’il
faut avoir celuy de l’enfer-
mer d’abord qu’elle eft faite
dans un fac de cuir graifle ,
ou ciré par dehors d’une ma-
niéré , que l’air n’y puifle
enrrer en aucune façon a ny
C
y6 Trait e'
par les pores du cuir , ny par
les coutures du fac , qu il faut
' pour le même fujet ferrer à
l’inftant fortement par le col
jufques à la fuperficie du Ca-
fé , èc ne l’ouvrir que dans le
moment qu’on en veut pren-
dre , ce qui fe doit faire avec
une cuillier , pour le relier
tout aufli'tôt , avec beaucoup
de diligence. Laraifon de cela
eft j que la vertu du Café
étant principalement dans les
efprits qui lui viennent par la
torrefaétion , dez qu’on les
laide évaporer , il ne refte
qu’un marc , ou une poudre
infipide , qui ne fcnt plus
que le relant 6c le reclus,
dont la décoétion eft aufïi de-
fagreable au goût , que nul-
fible à la fanté , dequpy on
s’apperçoit dez que la poudre -
Digitized by’ Goqgli
du Café'. 51
commence à perdre la fen-
reur du pain chaud , 6c brû-
lé , 6c a fentir celuy du ren-
fermé. Plus on la garde, Ô£
moins elle vaut , parce que
comme je viens de le dire ,
elle pert de jour à autre de
fa propriété, en perdant fa fen-
teur , 6 C avec elle Ion goût,
qui ne conlifte que dans fa
qualité balfamique qui eft ou-
verte par le feu , 6c que l’air
diflipe 5 c eft pourquoy il n’en
faut mettre en poudre , que
le moins que Ton peut a la
fois : il faudrait même fl on
le veut boire plus agréable-
ment , 6c plus utilement,
n’en jamais faire piler que la
quantité dont on a befoin ,
6c le plus approchant que l’on
peut du tems qu’on veut s*en
fervir. Les Arabes du defert
C »
5i Traite'
en ufent de cette façon qui
eft !a meilleure , qnoy que la
plus fatigante pour ceux qui '
n’ayment pas à payer la de-
licatefle par quelques foins *.
s’y conduire autrement , 6c
en faire des provifions , pour
crois ou quatre mois, n’efî pas
en connoître le fin. Voicy
un moyen aifé & immancable
pour ne fe tromper jamais
dans la torréfaction du Café.
Si une fois vous en avez
trouvé de propre à vôtre ■
tempérament , confervez en
une pincée par montre , 5 c
lors que vous en torréfierez ,
(5c que vous le verrez appro-
chant d’être cuit , pilez en
de tems en tems , quelques
grains jufques à ce que leur
farine foitde la même couleur
que celle que vous aurez i
Digitized by GoogI<
v.
DU C A F 1 \ ' 53
avec cette précaution diffi-
cilement on s’y méprendra.
Bien que l’on m’ait écrit
de quelques endroits , qu’il y
en a , où on fe fert de l’écorce
du Café , aufîi bien que du
Café : je n’en dis pourtant
rien , pour deux râiîons. La
première, parce que l’on ne
me marque pas qu’elle ait plus
de vertu que le Café même >
& la fécondé , que quand cela
feroit , il nous en vient fi peu
que nous n’en fiçaurions faire
un grand employ.
J4 TR AI T e'
Chapitre V L
De quelle forte on doit faire
cuire U farine du Café , four
en boire , quelle doz>e on en
doit prendre , & de quelle
maniéré on doit s en fervir „
' * / . y
L E Chapitre precedent a
fait connoître la neceffi-
té qu’il y a de bien torréfier
la graine du Café , fi on veut
en rendre l’ufage utile. Ce»
luy-cy fera voir qu’il n’im-
porte pas moins d’en faire
cuire à propos la poudre Y fi
on fouhaite que la boifion en
foit favorable. Il eft vray que
comme cette derniere prépa-
ration ne demande pas un fi
grand nombre de précautions,
que l’autre , il fera plus aisé
d’y reufiir tant lbit peu qu’on
er
t
Digitized by Google
du Café'. 55
veiïille fe donner la peine
d’éxecuter les avis fui vans.
On fe fen en Levant pour
faire bouillir le Café , d’une
efpece de coquemard de cui-
vre étamé dedans & dehors ,
d’une maniéré afsés particu-
lière , pour n’avoir pu jufques
à prefent être contrefaite en
France.Ils l’apellent Ibriq,auf-
û bien que tous les autres pots
& vafes à ances. La figure en
eft au commencement de ce
livre 5 je le trouve fort propre
à cét ufage , parce que le ven*
tre qui eft gros , reçoit plutôt
l’impreffion du feu , par con-
fequent l’eau bout plus vite ;
& qu’au contraire l’ouverture
qui en eft étroite retient plus
le volatil du Café , qui efl; ce
qu’il a de meilleur : à fou
défaut on peut employer un
C 4
56 Traite'
coquemard de terre bien
vernifle , ou de cuivre éta-
mé , &. defliné uniquement
à cela. Apres y avoir verfé de-
dans une fois 6 c demie autant
d’eau qu’en pourra contenir la
tafle dont on voudra fe fervir
pour le boire , qui ne doit pas
exceder en tout le poids de
dix ou douze onces pour le
plus , il faut le mettre fur un
petit feu vif, mais fans flam-
me > 6c lors que l’eau aura tant
foit peu bouilli , y jetter de-
dans de la poudre du Café la
pezanteur de trois dragmes r
prenant bien garde que rien
ne fe repande 5 car immédia-
tement après que la poudre efl:
dans l’eau, elle s’élève en écu-
me avec une promptitude fl
furprenante , qu’il n’efl: pas
concevable. Il faut avoir foin *
S *> •
Digitized by Gocwle
B U C A, F E' J 7
aufli-tôt que l’on voit que l’on-
de s’aproche du bord du co-
quemard de le retirer du feu.,,
pour l’en raprocherde tems en
tems , autant de fois qu’il Je
faudra pourluy faire encore
donner une douzaine de boüil-
lons , ayant toujours les yeux:
delfus, pour éviter que rien
ne s’épanche : fi cela arrivoie
la décoétion ne vaudroit rien ,,
parce que tout l’efprit , & par
confequent toute la vertu du
Café leroit difiîpée. Cela étant:
fait, il faut oter le coquemard:
du feu , &c le mettre fur des;
cendres afifés chaudes pour
que le Café conferve. autant:
de chaleur qu’il fe pourrai
fims bouillir , &: F y laifler au-
tant de tems qu’on jugera qu’il!
en. faudra , pour que le marc
étant coulé à fonds 3 la dé-
C %
T
58 Traite'
codion refte claire , 6c d’une
couleur rouffâtre : alors on la
verfera dans la talle par incli-
nation , de peur que le marc
, qui ne vaut du tout rien ne
fc remêlât. On ne doit pas
boire le Café , mais le humer
aufli chaudement qu’on le
peut fôuffrir : plus on le hoir
chaud , 6 c plus il fait du bien.
Pour n’en être pas brûlé , il
ne faut pas mettre fa langue
dans la tafle, mais en tenir lesx
bords entre la langue 6c la
lèvre de deflous 6c celle de
defTus > en apuyant fi peu que
les bords ne portent pas , 6c ■
puis humer , c’eft a dire ava-
ler gorgée à gorgée. Le goût
de cette boiflon doit être un
peu amer > s’il ne l’étoit pas »
le Café ne feroit pas bon.
Quand on cil affés délicat
Digitiz
bu Café'. $*>
pour ne pouvoir pas fouffrir
le peu d’amertume qu’il a j on
cherche à la temperer , en y
mêlant du fucre, qui le rend
plus agréable à boire , mais
qui luy ôte une partie de fa
vertu bien faifante, 6c ne luy
lailfe que celle d echaufer ,
principalement fi on en mec
trop. Ce qu’on fçait fi bien
faire en France , 6c particu-
lièrement à Paris , qu’au lieu
d’un brevage du Café ils en
font un Syrop d’eau noircie.
Sans ce mélange à leur gré , il
feroit infuportable,maispour-
veu qu’il ne foit pas amer,
il eft le meilleur du monde.
II eft vray que fl le Café
eft de bonne qualité 6c nou-
veau, ceux qui commencent à
s’en fervir , 6c qui ont une
grande répugnance pour la-
C 6
6o Trait e "
mertume , ne le trouvent pas
de leur goût : mais pour peu
qu’ils continuent d’en pren-
dre , il s’y habituent fi fort %
que bien loin de s’apercevoir
de cette faveur amere , ils s’en
font afiesde plaifirs, pour n’en,
pas avoir s’ils le prenoient au-
trement.
Il faut bien fe garder de le*
fervirde cette première infu-
üon pour en faire une fe cou-
de en y ajoutant d’autre eau ,,
comme font plusieurs par
ignorance ou par ceconomie ::
elle ne doit fervir qu’une feule
fois fl on veut quelle fer«-
ve , ny ayant pas lieu de dou-
ter que la première coéliort
a’en ait emporté toute la vertu.
C’efl une erreur de remuer
le Café dans le coque mardi
pour l’épaifiir > & pour lç prenv
Digitized by Googl*
du Café". <£f
dre trouble comme le Choco-
laté le marc ( comme je l’ay
déjà dit ) n’en vaut rien , 6c.
en Levant il n’y a que la lie
du peuple, qui avale celle du
Café. Elle charge l’efl:omac,6c
fait autant de mal que la dé-
codion claire fait de bien ::
pourveu qu’on s’en ferv'e a
propos , 6c qu’on n’en prene
pas avec excez. Une ou deux
taffes pour le plus prifes le
matin à jeun ( quoy qu’en di-
fent les Orientaux ) doivent
fuffire , fans rien manger du
moins d’un couple d’heures
après : il faut fe contenter d’em
boire ainii une fois le jour
â moins qu’il y eut des rai-
fons particulières qui obligeai!
fènt de faire autrement.. Ceux
qui s’en fervent pour être:
foulagez de quelque indifpo^
Ci. Traite'
fition d’eftomac , au lieu cîe
le prendre le matin peuvent
le prendre après leur dîné :
&; en ce cas , il n’y aura pas
de mal de jetter dans.le co-
cjuemard ou on veut le faire
cuire , un couple de doux de
Gerofles concaffez , ou un
petit brin de Caneile. Cela
fe pratique en Orient : ils y
ajoûtent même par fois , quel-
ques grains de Cordamome :
mais cela n’eft pas de nôtre
ufage. Les voluptueux jettent
dans la tafte quelques goûtes
d’elTence d’Ambre , ou quel-
que peu de fucre Ambré , oit
de quelque autre odeur qu’ils
aiment.
On pourra fe regler fur îe
pied de la fufdite dofe , qui
n’eft que pour une feule per-
fonne 3 pour en faire line plus
Digitized by C
DU C A F E'. 6$
grande quantité > à propor-
tion du nombre des perfonnes
qui en voudront boire : mais
comme on ne peut pas tou-
jours obferver la même-juftef-
le qui fe doit regler , félon
que le Café efl frais ou vieux
battu , plus ou moins éva-
poré , on doit , lors qu’il a
bouilli y en mettre tant foit
peu dans une talTe, &: le goû-
ter , pour y ajoûter de la pou-
dre félon qu’on l’aimera , fore
ou foible.
Il y a une autre maniéré
de cuire le Café , plus com-
mode par bien des raifons s
c’efl de mettre la même quan-
tité que j’ay dit de la poudre
dans de l’eau froide , la faire
boüillir en même teins , êc
dez qu’elle a boüilli avec lés
mêmes précautions que jay
CAf. T R A I T E r
dites , la retirer du feu , 8c
s’en fervir. Les Arabes 8c les
Grands du Levant s’en fer-
vent de cette forte , bien plus
que de l’autre , 8c fur tout
dans les voyages 8c dans les
armées* -
La poudre du Café , fe peut:
augmenter de plus d’un tiers
par le mélange du pain brû-
lé, des Haricots, ou des fèves
torréfiées, 8c cela fifeuremenc
que les plus habiles ont de la.
peine à s’en apercevoir. U*
gain confiderable 8c facile „
eft un piège bien dangereux
dans un Siecle comme le nôtre..
Il n’y a pas tant dé gens qui.
s’en tirent qu’on pourrait bien.
‘ croire. Les probitez ordinai-
1 Ees ne font pas à L’épreuve de;
cette amorce ^ 8c; fucombent:
fcus cette, tentation. Ceux qui;
%
Digilized by Google
du Café. <£5
par ignorance > par parefle ,
ou par faute de loifir , ne
torréfient pas ou ne font pas
torréfier devant eux le Café
dont ils ont befoin , fe fer-
vant de cét avis comme ils
doivent , n’en achèteront que
des perfonnes dont la bonne
foy leur foit entièrement con-
nu ë, & ne s’atacheront pas
au plus bas prix , s’ils ne veu-
lent s’expofer au rifque d’être
tromzpe.
Chapitre V IL
Des qualité z, premières du Café»
T Ou t ce que j ai dit juf-
ques à prefent , n’eft que
l’accefFoire de mon fujet -, me
voicy maintenant au princi-
pal , puifque je dois parler
dans ce Chapitre des qualitez
CG Traite'
premières du Café. On entend
dans l’école , par les qualitez
premières des mixtes , celles
qui refultent de l’union de
leurs principes , 8c du mé-
lange defquelles dépendent
les autres proprietez des corps,
qu’on nomme qualitez fécon-
dés , dans le fentiment des
Ariftoteliciens , qui veulent
que tous les corps mixtes
foient compofez des quatre
elemens,ce font leurs qualitez
prédominantes : la chaleur, le
froid , la fechereffe 8c l’humi-
dité, qui condiment les qua-
litez premières de ces corps :
&lès autres qui dépendent du
mélange different de ces qua-
tre premières qualitez , font
celles qu’ils apellent qualitez
fécondés : par là on peut j uger
que cette difcuffion doit être
DU C A F e'. 67
fans doute une des plus im-
portantes pièces de ce Traité ,
y ayant peu d’apparence que
je puiffe perfuader un Leéteur
des indifpo lirions aufquelles
le Café eft propre , fi je ne
Iuy difois , par quelle de fes
qualitez il le peut être. Ce-
pendant c’eft le point ou je
me trouve le plus embarrafsé ,
parce que les anciens Auteurs
de Medecine , 6c la plufpare
des perfonnes âgées qui pra-
tiquent cét Art , en expli-
quant les qualitez des alimens
& des medicamens , ne nous
parlent que de chaud , de
froid, de fec , 6c d’humide : 8c
que les modernes 6c les jeunes
Médecins , ne nous entre-
tiennent que d’Acide, 8c d’Al-
Cali , * ou de Sel, de Soufre, 8c
de Mercure : 6c peut-être que
* On eu»'
tend com-
munément
par l’Aci-
de une li-
queur, ou
un Tel qui
fermente
avec l’ Al-
cali :& par
l’Alcali ,
un fel ou
autre ma-
tière qui
fermente
avec l’Aci-
de. Quel-
ques Chi-
miftes fôt
de ces deux
difFerens
Tels le
principe dô
tous les,
corps»
H
6 % Trait e'
dans vingt ans d’icy on inven-
tera quelque nouveau jargon,
qui fe mettra à la mode , car
on reconnoît de jour en jour
quelle étend aufli bien Ion
empire fur la Medicine „ que
fur les habits. D’ailleurs la
Phyfique qui doit être de la
partie , ne fert qu’à m’em-
broüiller davantage , car fi les
qualitez des corps s ne font que
1 effet de la figure, ôu du mou-
vement des atomes , ou des
petites parties qui les compo-
fent , comme te veulent pref-
que tous les modernes, il n’eft
pas facile de déterminer s’il y
a des mixtes qui ayent effecti-
vement de la chaleur , ou du
froid : & fi le Café a des ato-
mes de telle ou de telle figu-
re. Ainfi retenu par la crain-
te de m’attirer fur les bras.
Digitized by G
.
-
du Café', tr?
quelque feéte de Médecins,
ou de Pliilofophes , je ne fçay
quel party prendre : à peu près
comme ceux qui ayant oiiy
les raifons par lefquelles on
prétend établir que la terré
tourne, &c les fentimens qu’on
employé pour prouver que
c’eft le Soleil , ne fçavent ce
qu’ils doivent croire : parta-
gé aufli bien qu’eux par la di-
verlîté des opinions que je
viens de raporter -, j’auray bien
de la peine à me déterminer.
Il ne faut pourtant pas de-
meurer muet dans cette occa-
f on : ny , s’il fe peut , lailTer
mes Le&eurs mécontens fur
ce fujet. J’ay confulté là def*
fus les Médecins les plus mo-
dérés pour en tirer quelque
éclairciflfement : ôc voicy ce
que jay retenu de leurcon-
i
70 Traite'
verfation , ou de leurs lettres.
On ne peut fe palTer en
Medecine , parlant des quali-
sez des alimens & des medi-
camens , d’établir s’ils font
froids , ou chauds , fecs , ou
humides , parce que c’eft une
notion commune aux Sçavans
£c aux ignorans , de s’aperce-
voir fi ce quhls preneur par la (
bouche leur exçite quelque
chaleur ou quelque rafraichif- i
fement , du moins quand leur
aélion eft très fenfible. Ainfi
il 11e faut être ny Galenifte , )
ny Chimifle pour connoître
que l’eau de vie , le Poivre , /
le vin 6c les épiceries nous '
échaufent , 6c qu’au contrai-
re j la Ci chorée , la Laitue ,
l’eau , 6c la ptifane fimple
nous rafraichiffent. LaifTons
aux Phyficjens , & aux I
Digitized'toy Google
du Café'. 71
decins à examiner fi cette
chaleur ou ce froid qu’ils font
repentir , font des accidens
diftingués réellement de leurs
fubftances, ou des fenfations
qu’ils excitent dans lame par
l’ébranlement des nerfs , cau-
sé par la figure , de par l’agi-
tation de leurs petites parties >
gu par leurs Soufres , de par
leurs Sels fixes , de volatils.
Cela importe peu à nôtre fan-
té 5 de je ne confeillerois à
perfonne de fe mettre en mau-
vaife humeur contre les gens
qui ne feroient pas de fon
fentiment fur cette matière.
Je veux croire que par là on
trouve avec plus de facilité ,
les raillons de chaque pro-
priété des corps naturels , de
la correétion de préparation
des medicamens de des ali*
7t Traite'
mens ; mais comme je ne veux
pas entrer en ce détail , je me
contente prefentement d’exa-
miner les premières qualitez
de chaud , & de froid du Ca-
fé, atendant d’en dire quelque
chofe de plus précis , en fa-
veur des perfonnesqui aiment
la Chymie , dans le Chapitre
fuivant , ou je traiteray de fon
analyfe : c’efl: à dire de la dif-
tilation que j’en auray fait
faire. Mais avant que de dé-
cider quelles font les qualitez
du Café, il faut convenir avec
les Médecins que les chofes
qu’on apelle froides , ou chau-
des, feches , ou humides, ne
font fouvent telles que par ra-
port aux perfonnes qui s’en
fervent , ou par raport entre
elles. Ainli l’eau de vie,
le vin, nous échauffent, parce
i' i
qu ils
Dlgitized by Google
du Café. 75
qu’ils donnent à nôtre fang
plus d’agitation qu’il n’en
avoit auparavant : de la ptifa-
ne, un bouillon de veau , un
verre de limonade ou de
bière , de femblables breuva-
ges nous , rafraichiiïent, par-
ce qu’ayant moins de chaleur
que nôtre fang , ils en dimi-
nuent le mouvement : quoy
qu’à parler ablolument ils
ayent de la chaleur , de que
l’on tire de l’eau de vie , de la
bière , de un efprit ardent du
fucrc qui entre dans la corn-
pofition de la Limonade. Voi-
la pour ce qui eft du raport de
ces qualitez avec nos corps.
Pour celuy qu’elles ont entre
elles , on décide que telles
plantes , on tels animaux, font
d’un cemperamept chaud , ou
froid, en les comparant les uns
D
Dioiti.
igte
74 Traite'-
avec les autres. Sans cela ces
proportions feroient abfur-
des , car la vie des plantes 6c
des animaux confifte dans une
certaine chaleur , plus ou
moins grande , ou en certai-
nes petites parties qui font en
mouvement 6c qui entretien-
nent les actions de la vie. Pour
appliquer cecy à mon fujet,
6c répondre à la queftion
que bien du monde eft fans
doute preft à me faire , fi le
Café eft chaud ou froid. Je
dis que le Café comparé par
exemple au vin , qui eft la-
boifton la plus ordinaire de
notre climat , eft froid , par-
ce qu’il a des parties moins
aétives , 6c moins inflamma-
bles que le vin : 6c qu’étant
comparé à l’eau , à la ptifane ,
à la Limonade, 6c aux autres
DU C A n' 7f
boiftonsaqueufes il eft chaud,
parce qu’il communique à
Peau de 1 amertume & de la
pointe, &c au fang aux elprits
une agitation un peu plus
forte que ne font ces autres
breuvages compofés d’eau.
Outre que le Café étant beu
chaud , cette chaleur aétuelle
entretient plus long-tems le
mouvement des efprits : ainft
fous cette idée il peut fore
bien être confideré comme
temperé.
Je dis en fécond lieu que le
Café par raport à ceux qui
en boivent , eft chaud quaîïd
il eft pris par des perlonnes
d’un tempérament froid 8c
Phlegmatique , parce quil
donne plus de mouvement
à leur chyle &: à leur fang,
que les glaires embarraflbient,L
, 2
tfé Traite'
en les fondant , &; les fubti-
lifant. Au contraire , il eft
froid pour ceux qui lont d’un
tempérament de feu , auf-
quels il tempere l’agitation
trop violente du fang , par-
ce qu’étant détrempé de beau-
coup d’eau , ôc embarrafle
de parties terreftres , il ne
peut que diminuer le bouil-
lonnement des humeurs de
ces perfonnes là. 5 ainfi on
peut dire qu’à cet égard , de
meme qu’au premier il eft
temperé. En effet , il on rai-
fonne avec ceux qui en boi-
vent d’ordinaire , les uns di-
ront qu’il leur fembîe qu’il les
échaufe ^ les autres qu’il les
rafraichit : ôc quelques-uns
enfin qu’ils ne s’aperçoivent
pas deeequ’il leur fait : qu’ils
11e s’en trouvent ny bien ny
• r
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Digitized by Google
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v mm ,\ 'irfTK" .WHT- . •• ry .;• t*.
du Café' 77
mal. Ceft une marque qu'il
efttemperé, & qu’il agit di-
verfement félon les fujets. La
raifbn de cette qualité tempe-
rée, neftpas difficile à péné-
trer. Le Café de fa nature efl
une e/péce de legume, infipi-
de, gluant & terreftre : qui ne
feroit capable étant employé
en aliment, que de faire un fing
gros 6c vifqueux,& parconfe-
q uent de rafraichir : mais la
préparation qu’on luy donne
par la torrefaélion , confume
une partie de fon phlegme ,
exalte fesefprits, & luy laide
beaucoup de l’imprefîion du
feu , ce qui en rend les parties
fubti les , & piquantes : mais
comme cette torrefadion n'eft
pas forte , & qu’il refte enco-
re a de s de parties terre dre s
pour en embarrafler l’adion s
s
78 Trait e'
il s'en doit fuivre une mo-
dération ou température mo-
yenne entre la chaleur & le
froid.
Par *ce que nous venons
de dire , on doit moins s’éton-
ner des difFerens fentimens
des Auteurs fur les deux pre-
mières qualitez du Café , les
uns le fai fant chaud , les au-
tres froid ôc chacun félon le
degré qu’il leur plaît , comme
s’ils avoient trouvé une ba-
lance fort jufte de quelque
nouvelle invention pour pefer
la chaleur ou le froid des corps.
On peut croire que la plus
part n’ont pas été aJGfés éclai-
rés , fur une matière auffi peu
connue que celle- cy l’a été
jufques à prefent : ou pour
leur faire quelque grâce, qu’ils
ont çonfideré le Café fous.
Diqitized by CjOOqIc
; .• -r • . • • • • .
du Café'. 79
differens égards , ce qui a
produit des diflentimens en-
tr’eux. Du moins il n’y en
doit pas tant avoir fur fâ fe-
chereffe , ou fon humidité :
car pour peu qu’on entende
raifon , on m’avouera qu’une
chofe rôtie comme le Café,
ne peut manquer de commu-
niquer à la décoétion qu’on
en fait une qualité deffechan-
te j qui fera d’autant plus fen -
fible , que cette boiüon étant
connue par tous ceux qui s’en
fervent pour être un peu di-
urétique , elle emporte quel-
que partie de la ferofîté du
fang , &; que par confequent
elle doit deffecher. Mais il
ne faut pas s’imaginer que
cette fechereffe foit grande ,
puis qu’on évite de prendre
le marc qui eft le plus fec a
D 4
Digitized by Google
to Trait e • -•
êc que l’eau le détrempe afles.
De tout cela jeconclus.qu’une
perfonne qui veut u(êr du
Café , non pas par un (impie
plaifir 6c par amufement, mais
par un motif de fan té 5 . s’il n-e
connoît pas fon tempérament
6c la fource de fes indilpofi-
lions , fera bien de recourir
à quelque habile Médecin *
à qui la nature du Café , 6c
fes effets, aufîi-bien que l’état
du malade, pourront être a(Tés
fufEiamment connus pour luy
confeiller ce qui devra luy
être avantageux. Je fuis dé-
chargé par là des confeiîs de
Medecine que chaque parti-
culier croiroitde trouver dans
ce Livre : quoy que je ne pré-
tende pas me difpenfer dans
les Chapitres fuivans , d’ex-
pliquer félon les fentimens de.
»
Digitized by
DU C AIE', 8?
plu fleurs habiles Médecins
que j’ay confultez, les maladies
& les incommoditez aufquel-
les en general il peut être pro-
pre. Mais il faut parler au-
paravant de Ton Analyfe Chi-
mique , &; de fes qualitez fé-
condés..
CHAPITRE VIII. ^
Analyfe du Café ' , & fes qualités*
fécondés ;
J ’Ay crû pour ne rien laifïer
à dire fur le Café , & pour
le connoître a fonds, qu’il étoit
neceflâire de déveloper fes
principes >,& d’en faire l’ana-
lyfe par le moyen de la Chy-
mie. L’analyfe , pour le dire
en faveur des* perfonnes qui
ignorent ce bel. arc , effc la
ïefolution du mixte en- fes-
' 5 . -,
Si Traite'
principes fenfibles : c’eft à di-
re la Réparation que l’on fait
par le moyen du feu des dif-
, ferentes lubfiances qui le
compofent. Je priay il n’y a pas
• long-tems , Moniteur Caffai-
* Maître re le fils * de m’aider en ce
Aponcaire d e fp e i n . Ceux qui connoiffenc
a Lycn. ^ • / i 1
la capacité dans ces matières *
& fon habileté dansjout ce
qui regarde fa profefîion, qu’il
exerce pour le dire en un mot ,
en excellent Artifte 5 font con-
vaincus que je ne pouvois pas.
faire de choix plus j udicieux *
ny me repofer de la chofe fur
un homme dont l’intelligence*
le fçavoir, &; l’exaélitude me
deuflent faire efperer un fuc-
cez plus favorable que luy.Sou
honnêteté répondit à ma priè-
re. Les Sçavans j-ugtyont fi fou
travail a répondu à mon efpe~
GoôqIc
' • •
*
9 .
ï> il; C A F E r . &$
rance, lors que je les auray in-
ftruics de quelle maniéré il
s eft conduit dans cette opera-
tion, qu’il entreprit 6c exécu-
ta en la prefence d’un Méde-
cin. de mes amis , * 6c en la ♦Monfiear
mienne, 6c que par plusgran- s ? on -
de précaution , il voulut bien
faire une fécondé fois,pour re-
connoître s’il ne fe feroit point
mépris dans la première. Voi-
cy exactement de quelle façon
la chofe fe fit..
Ayant confîd'eré le Café
comme une efpéce de fèves
nous le voulûmes difliller com-
me on fait ordinairement tou-
te forte delegumes, lors qu’on
veut en tirer les differentes
fu b fiance s qu’elles contien-
nent. Nous en prîmes une li-
vre du bien net, bien choifi
& bien nourrv, 6c en rempli-
D 6
Google
84 Trait e'
mes à demy une cornue de
verre lutée : nous .y adaptâmes
un grand récipient 5 après en
avoir luté le^ jointures nous
donnâmes le feu par degrés.
’ Il en fortit premièrement un
flegme clair comme de l’eau v
enfuite il vint des vapeurs
qui fc condenferent en une li-
queur rougeâtre, qui le fon-
çoit & fe rendoit plus cralîe-,.
plus noire , &£ plus huileufe ,
d’autant plus que l’operation
s’avançoit. Les précautions
/ qu’on avoit prifes pour lùtec
exaftemét les vaifleauXjn’errv,
péchèrent pas que le labora-
toire ne fut remplÿ de l’odeur
du Café 5 dans huit ou neuf
heures tout fut achevé. Nous
laifsâraes refroidir les vaif-
féaux pour en tirer les fubftan-
ces diftillées , & nous retira^
Digifc’
DU 1 C'A F E*. %
mes dit récipient environ I&.
moitié du poids de ee que
nous avions mis dans la cornue
tant en phlegme , qu’en efprit
8c en huile, la tète morte reliât
en la cornue fe montoit encou-
re à un quart de livre , de for-
te que ce qui le perdit de plus
volatil dans toute l’operation:
devoit être un autre quart de
livre. Ce qui elt bien à remar-
quer pour être perfuadé de la,
volatilité du Café , 8c par là
des effets qu’il peut produire.
L’huile qui- s’étoit épaiffie
8c reünie comme du beurre
noircy âu deifus du phlegme
8c del’efprit, ne fut pas diffici-
le à feparer du relie. Il y en
avoit environ deux onces, 8c
cinq dragmes. Ayant été réélis
fiée comme les autres huiles
Çhymiques , elle devint ciai-
16 Traite'*
re d'une couleur jaune en-
foncée.
On tira par la leiïive une
' dragtne de Tel fixe de la tête
morte calcinée : on eut befoin
d’un afTés grand feu pour fai- -
. re la calcination , ce qui fait,
que ce fel eft fort alcali fé Ôc
acre comme un fel de tartrfe.
Pour ce qui eft deTefprit 6c
du fel volatil , il arrive dans
cette operation que ce dernier
entraine toujours avec luy une
portion de pHlegme qui le
tient difïbut , ôc qui eft caufe
que par la rectification , on ne
peut le feparer en forme de feL
On juge feulement par le goût
pénétrant , que le phlegme
eftehs irgé d’une aftes grande
quantité de fel volatil : ÔC c’effc
«e mélange qu’on apelle cf~
prit. Cét çfprit eft d’une cou-
• ' - • N ’
Digilized by
it Café'; 87
leur jaune , parce qu’il entrai-
ne auffi avec lujr, une partie
de 1 huile la- plus ætherée qui
luy donne cette couleur, &
qui empeche que les acides,
ne fermentent avec le fel alcali
. volatil contenu dans lefprit *
paice quelle en bouche les
pores, & en empêche faction ::
ce que ne fait pas le fel alcali
nxe tiré de la tête morte qui
ayant ete bien dépourveu de
fon huile par 1 incinération;
fermente avec les acides com-
f} CS aucres fixes*.
C e ft tout ce qui s’efi: pu fie—
parer par l’analyfe des fubftan-
. > ccs du Café , 6c quoy que
cela paroiHe alfés fimple , il
doit pourtant fervir de bafe
a ce que je diray en fuite de
fes effets..
Ce fondement étably,on. an-
Digit
U Traite"
ramoins de peine à compren-
dre les propriétés du Café , 6c
les raifons que pki fie ur s per-
fonnes du métier en rendent :
ainfi je ne travailleray pas en
aveugle , 6c je ne feray pas
paroître de lenteftement pour
lu y attribuer plus de bien
qu'il nefçauroit faire, ny pins
de mal qu’il n’eft capable d’en
catifer. En effet , lors qu’on
fçaura que le Café eft rem-
ply de fouffre & de fel vola-
til , comme on la pu remar-
quer par fon analyfe , on ne
fera pas furpris s’il nourrit ,
&L s’il empêche de dormir : on
trouvera la raifon de 1 un 6c
de l’autre , en ce que le fel vo^
latii , 6c l’huile étant intime-
ment unis par la parfaite di-
geftion de cette femence ,
aidée de la. chaleur du pays;
«a
Digitized by
c
du Café*. 89
où elle croit, font fort proprc3 a
l’un par fon a&ivité , ôc l’au-
tre par fa lenteur pour empê-
cher le fommeil, & pour four-
nir en même tems de l’aliment.
L’huile comme compofée de
parties rameufes , Ôc faciles à
être embarraffées , aydée du
jel volatil qui luy fert de vé-
hiculé , eft fort propre pour
la nourriture de fanimal , 6c
le fel l’efl aufli de fon côté
à raréfier les humeurs , & à
ranimer les efprits ralentis
dans le cerveau pour y exciter
la veille.
La précaution que j’ay pri-
fe de ne pas parler des qua-
litez du Café fans m’en être
infbuit par fon analyfe, me
doit tirer de l’irrégularité du
procédé d’un Docleur Da-
nois, * qui a fait un Traité
* Simon
Pauli Me*
ckein,
<>o Traite 7
de l’abus du Tabac , & du
Thé, ou il déclamé fort contre
,1e Thé , & même par oceafion
contre le Café , quoy qu il ne
paroiife pas qu’il ait fait des
expériences capables de luy
donner mauvaife opinion de
ces drogues , de que tout ce
qu’il dit dedéfavantageux du
Café , ne foit fondé que fur j
les Relations de certaines per-
Tonnes qui ont cru que non
feulement il deffechoit trop ,
mais qu’cncores il effeminoic
les hommes , ce que j’éxami-
neray en un autre endroit. Je
penfc que s’agiffant icy enge-
neral des qualités du Café ,
il ell plus raifonnable d’en
croire ceux d’entre les Méde-
cins qui par un frequent ufa-
ge ont pu remarquer fes effets,
de les indifpofitions aufquel-
Digilized by Google
du Café'. ?3 «
les ils l’ont reconnu être pro-
pre , que de defFerer aux opi-
nions de ceux qui n’en par- . ;
lent que fur le raport d’au-
truy. Ceiuy^qui nous en a
parlé le premier eft comme je
l’ay dit Profpcr A' pin dam ion
Traité desPlantes d Egypte, &;
dans fa Médecine des Egy-
ptiens.La faculté de ce breu- cc
vage,dit-i’il,cdl froide, 6e \c- u
che , ou plutôt tempérée aux‘ c
qnalitez premières , à raifon :C
de quelque chaleur cjui s’y tc
trouve mêlée : car cette r>rai- tC
o »
ne efl compofée de deux fub- <c
fiances, fçavoir d’une grofiie- <c
re 6c terreflre , par laquelle <c
elle fortifie 6e corrobore : 6c <c
l’autre fubtile, compofée de u
parties chaudes par lefquel- cc
les elle échauffe , elle deter- <fi
ge x 6c elle débouche. Cette c !
Digitized by Google
Traite' .
5) dccodion eft d’un goût* qui
„n’eft pas éloigné de celuy
„qua la décoction de la Chi-
corée , quoy quelle defopi-
„le beaucoup mieux
VcJlingiHs qui a voyagé en
Egypie après Profper Alpin ,
&; qui a fait des Notes fur
„fon Livre des'Plantes : dit
3) en parlant des qualitez du
,jÇafé , que l’écorce en eft un
3 ,peu froide de fechermais que
33 le noyau , qui eft la graine
33 dont nous nous fervons 3 eft
3) moderément chaud. Qu’étant
3 , torréfié , il a une amertume
33 fenfible que la langue fouf- . j
„fre fans peine, d’où vient
5) que d’ordinaire , la boilfon
„qu’on en préparé ne caufe -
5, point de naufée, quoy qu’on
„en boive afies grande quan-
tité : il dit aufii qu’on y fait
r
\
Digilized by Google
• du Café'. 93
des dragées de cette graine.
Surquoy j’ay confulté divers
amis qui ont été lcng-tems
en Levant , ils m’ont unani-
mement confirmé la même
chofe , à quoy ils ont ajouté
que cette forte de dragées eft
fort commune & fort eflimée
en Egypte. Ce qui m’a obligé
d’en faire faire icy : la per-
fonne que j’ay employée pour
cela j y a reüfïï parfaitement
bien. Mais à dire le vray; je
ne les ay pas trouvées de bon
goût , & je doute- fi elles ont
aucune vertu.
Tous nos Auteurs Moder-
nes conviennent après Alpin
Fejlmgius , que le Café for-
tifie l’eftomac , qu’il deffechç
les fiumiditez du corps , qu’il
eft apentifôcdefopilatif,qu’ü
rabat les vapeurs qui montent
24 Trait e' '
au cerveau, qu’il tient éveillé,
& qu’il produit quantité d’au- .
très bons effets.
Je crois que l’on ne fera
pas fâché , que je joigne aux
témoignages avantageux que
rendent les Médecins , des
qualités favorables du Café,
ce que nous en ont dit quel-
ques-uns des Voyageurs les
plus confiderables de ce Siè-
cle. Je commence par Pietro
délia VfiiUé , qui marque dans
le premier Tome de fes Rela-
„ tions ce qui fuit. Les Turcs
„ ont un breuvage , dont la
„ couleur eft noire , qui pen-
„ dant l’Eté eft fort rafraîchit
„ Tant , au lieu qu’il échaufe
„en Hyver , fans changer
,, pourtant d’effence,&l demeu-
rant toujours lamemeboif-
„fon 5 que l’on avale chaude.
du Café'. 951
parce qu’elle pafleparle feu, cc
6c l’on la boit à longs traits, cc
non pas durant le repas, mais tc
après , comme une efpece de“
friandifes , 6c par gorgées, tC
pour s’entretenir à fon aife cC
dans la compagnie des amis, c
6c l’on ne voit gueres d’aflem- tc
bléeparmy eux , où l’on n’en u
boive. Ils nomment ce breu-‘ c
vage Calotte , ils le font avec ia <c
graine ou le fruir d’un cer- cc
tain Arbre qui croit en Ara- Ce
bieversla MeKe. Si l’on veut <c
croire les Turcs, il contri-‘ c
bue notablement à la lanté, cc
aide à la digeflion fortifiant^
l’ertomac,&; arrêtant le cours tC
des fluxions , 6c des cater- <c
rhes : ils difent aufli ( ainfi cC
que je l’ay déjà remarqué ) tC
qu’aprés le fouper il em- tc
pèche que l’on s’afloupifle
'$6 Traite*
,j & pour ce fu jet ceux qui
„ veulent étudier la nuit en
éprennent pour lors. J’ay re-
tranché beaucoup de ce que
dit Tietro del U Vallé d u Café ,
parce que je ne l’ay pas crû
de mon lujet. Je viens main-
tenant à ce qu’en a écrit The -
r venot , qui pâlie en France pour
aulïï fincere dans fes Rela-
tions , que ce premier eft cru
illuftre dans l’Italie , pour les
fiennes.
Les Turcs , dit-t’il , ont un
5 , breuvage qui leur eft fort
,, commun , ils l’appellent Cu-
&c en ufent à toutes les
,jheuresdu jour. Cette boilTon
5 ,fe fait d une graine qui croit
3,dans l’Arabie , proche de la
3,MeKe. Ils la font rôtir dans
», une poêle , ou autre utenfile
„fur le feu , puis ils la pilent ,
&
D li c A F eV 97
& la mettent en poudre fort cc
fubtile , quand ils en veu-* c
lent boire , ils prennent un (C
coquemard fait cxprez,qu’ils {C
apellent Ibriie , &: l’ayant <c
rem pl y d’eau , ils la font-*
boüillir , quand elle boût <c
ils y mettent de cette pou- <c
dre , pour environ trois taf- <c
fes-d’eau , une bonne eu eil- <c
lier j 6c quand elle bout-, on le cc
retire virement de devant le cc
feu , ou bien on le remue , <c
autrement il s’enfuiroit par £C
defTus car il s’élève fort vî- u
te j 6c quand il a boüilli <c
ainfî dix ou douze boüil- Ce
Ions , ils le verfent dans des £C
taffes de porcelaine, qu’ils fc
rangent fur un tranchoir dè <c
bois peint , 6c vous l’appor- fc
tent ainfi tout bouillant j il cc
le faut boire aufli chaud 4 *
E
r
*TT
3 )
97
3 )
3)
?8 Trait .r
quon le peut fo ufFrir , mais
à plufieurs reprifes , autre-
ment il n’eft pas bon. Ce
breuvage eft amer ôc noir,
yjêc fent un peu le brûlé : on
3,1e boit tout à petits traits, de
s peur de fe brûler : de for-
3,te qu’étant dans une Cave-
3,hane ( ainli nomment-ils les
3 ,lièu^ où on le vend tout pre-
3, paré ) on entend une aftes
3,plaiiànte mufiqiie de hume-
a, rie. Çette boiflon eft bonne
9 , pour empêcher que les fo-
rmées ne s’éjevent de l’efto-
„mac à la tête 5 & par confe-
»,quent pour en guérir le mal,
„Par la même raifon il empê-
3,che de dormir. Lors que
„nos Marchands François ont
„ beaucoup de lettres à écrire ,
s ,& qu’ils' veulent travailler
,, toute la nuit , ils prennent
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^pf^frwï;*
D’Il C a F E'. 99
le foir une ta Te ou deux £C
de Cahue 1 II eft bon aufli <c
pour conforter l’eftomac, & <c
aide a la digeftion : enfin"
félon les Turcs, il eft bon"
contre toute forte de maux,"
Sc afliirément il a du moins"
à’utant de vertu qu’on en"
atribue au Thé. Quant au"
goût , on n’en a pas beu"
deux fois , qu’on s’y accou-"
tume, & on ne le trouve plus tC
defagreable. Il y en a qui y"
mêlent des doux de gerofles,"
Sc quelques grains de Car-"
damome, d’autres y ajoutent''
du Sucre ; mais ce mélange c
qui le rend plus agréable , le"
fait moins fain &; moins pro- cc
htable. Il n’y a pauvre ny tc
riche qui n’en boive , du"
moins deux ou trois taffes"
par jour, ôc c’eft une de."
E i
ioq Traite 1
5 ,chofes que le mary eft obli-
r gé de fournir à fa femme.
„Il y a plu fieurs cabarets
„publics de Cahue\ où on le
3) fait cuire dans de grandes
3 , chaudières. En ces lieux tou- .
3, tes fortes de perfonnes fe
„ peuvent rendre, fans diftin-
3, dion de Religion ny de
3, qualité 5 6 c il n’y a point
3, de honte d’y entrer , plu-
sieurs y allans pour s’entre-
3, tenir : il y a même au de-
3, hors du logis des bancs de
v 5 ,maffonnerie , avec des nat-
ures par deffus , où s’affolent
3, ceux qui veulent voir les
„paffans , 6 c être à l’air. Il y
3, a ordinairement dans ces
„Cavehanes plufieurs violons,
3, joueurs de flûtes , 6 c Mu fi-
„ciens , qui font gagez du
3, maître du Cavehane 5 pour
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DU C AF E'. 10 1
*
joüer 6c chanter une bonne u
partie du jour , afin d’attirer"
le monde. Quand quelqu'un"
efl en unCavehane, 6c qu’il"
y voit entrer des perfonnes"
de fa connoiifance, s’il eft un"
peu civil, il donnera ordre"
au Maître de ne point pren-"
dre de leur argent , 6c cela"
par un feul mot , car lors"
qu’on leur prefente du O*-"
hué ^ il n’a qu’à crier Giaba “ J /
c’efl: à dire gratis. Us ont"
encore le Sorbet , qui eftuii"
fort bon breuvage. Il fe fait' 4
en Egypte, de Sucre, de jus tc
de Limon , de Mufc, d’Am-"
bre gris , 6c d’eau Rôle." '
Quand ils veulent regaler"
quelqu un qui les vient voir,"
ils luy font apporter une ta f-‘ c
fe de Cahué , en apres le"
Sorbet, 6c puis le Parfum.* 6
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loi Trait e'
Edouard Terry , fameux
Voyageur Anglois , dans la
Relation qu’il a faite de fon
voyage aux Indes Orientales
en parlant des Pais du Mogol ,
^marque qu’il y a beaucoup
J5 de perfonnes , à qui la Re-
3 ,ligion ne permettant pas de
„boire du vin , fe fervent d’u-
rne liqueur qui eft plus faine
3) qu’ellc n’elt plaidante à boi-
„re , qu’ils appellent Cahüa ,
3 >qui eu compofée de la farine
3> d’ime fève qu’on fait bouillir
dans l’eau à laquelle elle ne
, .donne que peu de gout,quoy
^quelle ne laiiTé pas d avoir
3) beaucoup de vertu pour
„aider à la digeftion , pour-
,jréveiller les efprits , êc pour
• ^purifier le fang. •
Duloir dans fon Voyage
4e Levant , traitant des vifi*
fl
du Café', ioj
tes des Turcs , dit que tant* 6
foit peu qu’elles foient de ce-* 6
remonie , quelques moment
apres qu’on efî: aflis, le maître**
de la mailon fait apporter* 6
une CafîTolette auprès de fon* c
amy, & deux valets luy cou-* 6
vrent la tète d’une Tavayole,* 6
afin que la fumée du Parfum* 6
ne s’échape pas. On luy fert* 6
après deflus une foufconpe* 6
de bois , peinte de feuillage* 6
à la Perfane , une 'grande* 6
tafle pleine de Sorbet , qui* 6
f* efî: un fuc de Limon confît* 6
dans le Sucre , & qu’on de- £C
laye dans l’eau , &: enfuite 66
on luy aporte dans une tafîe* 6
plus petite le Cahue\ qui eft‘ c
une eau roufle qui prend fon* 6
nom avec fa teinture d’une* 6
graine qui vient d’Egypte 6
qu’on fait bouillir dedans ,* 6
Digitized by Google
?*04 .Traite'
qui eft groffe comme
„un grain de froment. Ce
^breuvage , continue -t’il ,
!J} n’en eft, bon qu’extrême-
^,ment chaud, tellement qu’à
„peine peut - on le fuccer du
3i bord des levres , 6c on ne
,,îe prend qu’en foufHant ôc
5>à diverfes reprifes. Il eft
„d’un goût qui fent un' peu
„la fumée , mais d’un effet .
3 , merveilleux pour l’eftomac ,
pour empêcher que les
^vapeurs ne montent au cer-
• 5> veau. *
. J’ennuyeroismes Ledeurs,
fi je raportois tout ce que
nos Voyageurs modernes nous
ont dit du Café : pour évi-
ter cet inconvénient je finis ,
par ce qu’en a écrit Monfieur
de Bourges , dans la Relation
* qu’il a faite du Voyage de
- ^ . ! % *
Digitized by Google
► du Café'. 105
Jlîonficur l'Evêque de Beryte en
Ja Cochinchine , au dénom-
brement des incommoditez
que l’on a à fouffrir dans la
marche de la Caravane par le
defert , il marque pour une
des plus infuportables la ra-
reté des eaux , que l’on a de
la peine à trouver , 6c que|
l’on ne trouve le plus fou~
vent que fort mfeétes. Il dit
fur ce fu jet aux pages 40.
& 41.
Comme l’eau que l’on ren-‘ c
contre eft fouyent mauvai- 46
fe 6c croupie , pour corri- tc
gcr l’incommodité quelle' c
caufe à l’eftomac , les Turcs 46
fe fervent d’un Breuvage 46 ,
qu’ils apellent Café. ,> qui cc '
commence d’être en ufage en 46
quelq ues V illes de KEu ro.pê. te
Cette boifion eh comparée^ -
4 I
T R A I T E' •
3 . d’une petite fève qui , croit
„dans l’Arabie proche de la
„MeKe , en telle abondance
5 ,que de là on la tran (porte
3 , par toute l’Afie Ôc prefque
?) par tous les lieux où il y a
5) des Mahometans , qui fe fer-
a, vent de cette boiifon au lieu
. W j, de vin, dont elle imite aifés
J ^ 3 les effets : ayant la proprie-
33 té de fortifier l’eftomac , 6c
/ ,, de faciliter la digcftion : elle
5 ,a de plus celle de purifier (
3, les vapeurs de la tête. Ils
3, font rôtir cette fève dans j
3, une poile , puis ils la redui-
3,fent en poudre dans un mor-
3,tier 5 ôc après en avoir fe-
3, paré le fon par un tamis ,
3,on fait boiiilîir cette farine
3, noire 6c demi brûlée dans
,,1’cau , durant l’efpace d’un
Mifercre , puis on la boit
Digitized by Goi
du Café'. 107
la plus chaude c]ue l’on peut/*
Qu o y que cette liqueur n’ait‘ c
aucun goût agréable , mais**
plutôt amer , elle ne Iaifle <c
pas d 'être fort eftimée par tc
ces gens-là , pour les bons‘ c
effets qu’ils trouvent en elle : <€
ce qui fait paroître le foin**
que Dieu a de fournir tous**
les païs des chofes necefîai-**
res pour l’avantage des hom- <€
mes : on ne peut douter que**
dans les autres pais, il n y ait <c
des plantes qui ont de pareil-**
les vertus.
Si le nombre extraordinai-
re des perfonnes qui rendent
témoignage à la vérité d’une
chofe , la doit rendre plus re-
cevable , il n’y en eut jamais
de mieux établie que celle des
qualitez fàlutaires du Café „
contre les maux de tête, les.
E &
.
tir" • V, o v
f
5o8 Traite'
f
indigeftions d’eftomac , faf-
foupiflement, 6 c pour la puri-
fication du fans;. Tous ceux
qui en ont écrit , tous ceux
qui en parlent , 6 c la plufpart
de ceux qui s’en font fervis 5
1 conviennent que ces vertus
luy font ii naturelles, que ceux
qui en difeonviendroient , ne
Juy rendroient pas la juftice
qui luy eft due. C’ell ce qui
me fait dire, que quand me-
me il n’auroit pas les autres
qualitez qu’une expérience
bien juftifîée 6 c reïterée,a fait
fenliblement connoître qu’il
poffedoit , il en auroit fuffi-
jamment pour mériter beau-
coup d’eftime*
‘ v -,v ,# " l'jfr
■w
Digitized by Goook
—
i * -
; D U G A F EV 10 $
4 Chapitre IX»
Des effets du Café , fr partielle
lierement fur Üeflomac»
L E premier effet qui fe
fait fentir en beuvant du
Café , eft furies parties de la
bouche. Quand il eft bien
accommodé quoy qu’on le
boive fort chaud , il ne brû-
le , ny n enlève pas la peau
de la langue , du moins com-
me le feroit l’eau chaude au
même degré : ce qui vient
peut-être, de ce que la dé-
co&ion étant plus embaraffée
par le plus fin de la poudre du f
Café qui s’y mêle , elle ne
pénétré pas fi vite que l’eau
îimple.
Les Dames foigneufès cfe
fcur beauté, pourroient peut-
« « Digitized by Google
no Trait e ' 1
être craindre que la chaleur
actuelle de ce brevage ne
leur noircît les dents : mais
outre qu on ne voit pas que
les Orientaux ayent les dents
plus noires que les autres ,
quoy qu’ils en boivent tant' 5
en tout cas , le remede à cela ,
feroitle marc même du Café ,
qui les nettoye cC les blan-
chit , fi l’on a foin de s’en fer-
vir. C’eft ainfi que la cendre
du Tabac blanchit les dents ,
bien que fa fumée les noir-
ciife.
Un des plus fubits effets
du Café, eft fur l’eftomac r
* * • «
il eft certain qu’il en aide
merveilleufement la coétion
qui s’y fait , 8c qu’une infi-
nité de peuples de l’Afîe y
de l’Afrique , 8c même de
l’Europe * à qui la Loy de
f ^
A
D U
A F e ; : irr
Mahomet deffend f’ufage du
vin , s’en fervent heureufe-
ment à fa place.. A cela les
proteéteurs du vin qui font
en très-grand nombre en ces :
pais , me diront que tout au
plus , le Café ne pourroit être
admis , que pour fubflitut
du vin , éc que puis que ce
dernier eftalfés abondant chés
nous , il ne faut pas aller*
chercher une boiffon étrangè-
re qui ne fçauroit autant va-
loir.
Je répons fans vouloir di-
minuer le mérité du vin, dont
je ne pretens pas de blâmer
le droit ufage, qu’en plufieurs,
renconttes le Café luy eft pré-
férable , comme il y en a 5v
dans lefquels le Café doit cé-
der au vin* Il y a quantité
d'hommes y de femmes &c
mm
*r *
■ ■ K.
_ v *
ni Traite'
d’enfans qui naturellement ne
peuvent point fuporter le vin,
à qui le Café nefçauroit qu’ê-
tre utile. D’ailleurs tous ceux
qui ont de la fievre , des maux
de tète , &: plufieurs autres in-
dilpofitions , feroient incom-
modez du vin, au heu qu’en
ces occalions le Café leur fait
du bien.
Il le fait dans les edomacs
chauds 6e dans les excès du
vin , une efpece de didila-
tion lemblable à celle qui fe
fait artificiellement. L’efprit
fe fepare d’abord , entre dans
les veines , agite le fang avec
rapidité , 6e biefiTe les mem-
. branes du cerveau : ce qu| .
rede dansrellomac , eft levi-,
naigre , ou le tartre du vin
dilToût dans duphlegme,6e ce
tartre porté dans les boyaux*
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vu Café'. 113
y eau Te la colique , dans les
reins la gravelle, dans les join-
tures la goûte j le Café ne fait
rien de tel. Son efprit n’eft
point fi inflammable que l’ef-
prit de vin. Il n’y a point dans
le Café d’acide qui puilïe cail-
ler ces incommodités. Ainfl
quelque excès que l’on fafle
de ce breuvage , on n’en ref-
fent point de mal de tête 3 8c
on n’en efl: point enyvré , il
ne produit ny gravelle , ny
goûte j comme je diray dans
la fuite 5 de forte qu’on ne
fçauroit défavoiier qu’il n’y
ait bien des rencontres , où il
eft à preferer au vin. Et à pro-
pos de cela , il ne faut pas
oublier une particularité , qui
fortifie beaucoup mon opi-
nion. C’cft que le Café de-
feny vre fur le champ, du. moins
* '.Bien des
gens qui
ont fait un
grand fc-
jour à
Londres >
m’ont -af-
fûté qu’en
cette ieule
ville - là j
ils vont
au delà de
trois mil-
le.
114 Traite'
ceux qui ne l'ont pas yvres ait
dernier degré ; en voicv un
-exemple. Un de mes amis s’é-
tant laifle furprendre - aux
agréemens du vin , fe mit à
joüer au Piquet après le re-
pas , il perdoit Ton argent ,
parce que les fumées du v^.n
luy faifoient voir cœur pour
carreau : je le tiray à part,
& luy fis boire une bonne
tafle de Café , enfuite dequoy
il revint au jeu lelprit &: la
vue aulîi libres qu’il les avoic
eus à jeun. Aprez cela les Par-
tifans du vin , ne doivent pas
fe déclarer ennemis du Café.
C’efi: pour cette rai fon , que
par politique , on deffendit il
y a quelque tems en Angle-
terre les cabarets du Café ,
qui y font dans un nombre
incroyable, * 6c on n’y defFen-
Digitized by Googl
bu C If e/ i 1 5
dit pas ceux du vin , parce
que dans ces premiers, on rai-
lonnoic avec un grand fens
froid des affaires d’Etat, 6c
du Gouvernement : au lieu,
que les fumées turbulentes du
vin mettent bien-tôt les gens
hors des moyens de parler li
ierieufement. Le Café ayde
donc merveilleufement la pre-
mière codion , 6c en empêche
tous les defordres.Onapelleen
Medecine première codion,
le changement des alimens ,
qui fe fait dans l’eftomac , en
une fubftance blanche 6c li-
quide , qu’on nomme Chyle ,
& lors que ce Chyle ell cuit
êc fermenté bien à propos , ôc
qu’il n’a reçu aucune alte-
ration par les intempéries y ou
obftrudions des entrailles 6c
premières voyesparoùilpaffe^
Il6 T RA I T E
il fe convertitenun fangloüa-
ble , duquel les parties croif-
fent, fe nourriffent 6e fe main-
tiennent dans leur état natu-
rel *. c’eft ce qu’on apelle fé-
condé 6c troifiéme coélion.
Or s’il efl vray, comme il n’en
faut pas douter , que les vices
de la première coélion ne fe
corrigent point dans la fécon-
dé ny dans la troifiéme , c’eft
à dire , que d’un chyle mal
conditioné , il ne s’en lçauroit
faire un bon fang , ny d’un
méchant fang une bonne nou-
riture. Il n’elt pas moins con-
fiant que lors que ce chyle
a acquis toute la perfeétion
qu’il doit avoir , l’animal doit
joüir d’une parfaite fanté, fl
quelque caufe externe ne l’en
empêche.
Il faut ajouter que le Café
Digitized by
du Café' 117
étant compofé de deux fub-
ftances , l’une fubtile , 6c vo-
latile, 6c 1 autre terreftre, com-
me je 1 ay déjà dit. La pre-
mière émoufle la trop grande
acidité du levain de l’efto-
mac , 6c adoucit le chile ,
comme les Tels volatils adou-
cillent tous les acides 5 6c la
partie terreftre eft déterfive ,
6c tant foit peu reiTerrante ,
ce qui la rend très- propre à
l’eftomac , dont il fortifie le
ferment par fa qualité abfter-
five il en netoye le limon ,
auffi bien que celuy des me-
nus boyaux , 6c confomme
meme par fa fecherefte les
humidités fuperflues des par-
ties nourriffieres ; outre que
par fon alcali , il abforbe les
aigreurs indigeftçs qui peu-
vent floter dans les premières
iiB Traite"
voyes , il relîfte fans contre-
dit à toute corruption , 6c
s’opofe fortement aux coagu-
lations , qui font la caufe la
plus commune des maladies:
ce qui fait quil ayde beau-
coup à cette tranfpiration in-
lénfible qui entretient la bon-
ne fan té. Or comme il eft *
bon dans la Medecine de
joindre Fexperience à la rai-
ion. On pourroit raporter icy
quantité d’exemples de parti-
culiers , que l’ufage du Café
a guéris de leurs indifpoli-
tionsd’eftomac ; maisilfuffic .
d’en citer un general 8c con-
vainquant. Ceft que quoy
que les Turcs ne boivent que
de l’eau , quils mangent plus
de legumes 5 de laitage 8c
de fruits , que de viandes >
& que même ils fe fervent la
D U C A F E. 119
plufpart du pain fans levain,
• St tres-peu cuit, ce qui de-
vroit ruiner entièrement leur
eftomac , cependant ils 11 en
font incommodez que très ra-
rement , ce qui ne peut ve-
nir fans doute que de l’ufa-
ge du Café. Car quoy qu’ils
ayent d’autres boillons, com-
me le Sorbet, le Chofaf, fait
de miel 6 c de raifins fecs ,
St l’aigre de Cedre , il n’eft
pas croyable que ces breuva-
ges compofez d’eau, de jus
de Citron, de fucre, ou de
miel , foient capables de cor-
riger les cruditez de Feftomac
que doivent caufer leurs ali-
mens indigefles. Outre qu’ils
ne boivent gueres de Sorbet
que dans l’Eté , au lieu que •
l’ufage du Café eft continuel
parmy eux. Cependant e»
Digitized by Google
. H
no Traite
France , où les vins ne font
point mauvais , on ne lailfe '•
pas d’être fort fujet aux in-
digeftions,*6c aux maux de’f-
tomac j quoy qu’on n’y mange
pas tant d’alimens cruds 6c in-
' digeftes qu’on fait dans tout
le Levant. On a vu fur ce
fujet un effet admirable du
Café dans la perfonne deMon-
fieur le Marquis de Crillon.
* Extrait * Après une grande maladie , .
ne de m* dans laquelle l’ufage exceffif
RidcuPro- de la Limonade 6c d’autres
Médecine 1 boiffons femblables qu’il avoit
à Mont- employé pour étancher fa foif
pelher, p our } e plaifir , luy avoient
gâté l’eflomac 6c ôté toute
forte d’apetit : le Café luy
fit fortir par haut 6c par
bas , des pelotons d’une glai-
re vifeide ôc recuite , laquel-
le apparemment tapilfoit , &c
bouchoit
Digitized by .Google
du Café/' im
bouchoit les pores de l’efto-
mac , par -ou le levain s’infi-
nuë , St y pafTe pour dilToudre
les alimens , St picoter cette
partie. > v . f . . .
Il eft vray que le Café ex~
’cite rarement le votniiTemenr,
neanmoin s il l’excite , & fur
tou^ quand le fonds de l’efto-
mac eft plein de relie de chyle
indigefte St de glaires, par-
ce qu’il les fond , & les ate-
nuë , St que ces crudités ne
pouvant devenir un bon ali-
ment , i’ellomac eft excité par
la tiedeur du Café à les rejet-
ter avec elles. Hors de ces ren-
contres qui n’arrivent meme
qu’a quelques perfonnes , le
Çafé arrête les vomilTemens >
qui ne viennent fouvent que
d ? une humeur trop acide SC
trop corrofive , qu’il adoucir
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«
jii Traite'^
par Ton Tel volatil 5 & qu*il
é moufle par fa pcgrtie huy-
leufe.
Apres avoir étably nette-
menc comme je l’ay fait , que
le Café procure une louable
digeftion , on doit compren-*
dre qu’il doit aufli être bon ,
four empêcher la génération
des vers , qui ne font que les
ouvrages des indigeftions &
des crudités de feftomac j où
des glaires qui croupiflenc
dans quelque cavité du corpsj
& que par Ion amertume , il
efl: propre aufli bien que les
autres drogues de ce goût *
à reflfter à la corruption.
du Cap e'. ii$
- C H . A P I T B» E X. -
Des maladies du bas ventre y
* de celles des femmes annuel-
les le Café ejl propre , de la
gravtlle , & de la goûte.
I L ne faut pas douter gue fi
le Café 'effc propre cômme
on vient de voir , à difloudrc
les glaires de feftomac , il ne
le foit aufli par la même rai for*
à fondre la pituite vitrée des
boyaux qui y caufe fouvent
la colique , de à refoudre aufli
peu à peu de femblables hu^
meurs vifqueufes , quiembar-
raflant les petits vaiffeaux du
- foye , de la ratte de du pan-*
créas , y caufent des ôbltru-»
étions facheufes. • -= ;
Profper Alpin dit qu’il eft
F *
9
Î24 T R A I T E-
plus efficace pour defopiler* ,
que la teinture de chicorée ,
amére , du goût de laquelle il
aproche 5 que Ton s’en fert en
Egypte pour les obftru&ions
des vifcéres , & pour les tu-
meurs du foye 5 & de la *
rate. v
Vejlingiut allure qu’il eft ex-
cellent , lors qu’il y a des fucs
froids & épais > qui font des
obftru&ions dans les entrailles
dans les vailfeaux difper-i
fés par tout le corps : &: cét
effet eft fi incontestable, qu’il
éft la caufe qu’on' a pris le
Bunchum $ Avicenne , pour le*
Bon ou le Café , à caufe de
la même vertu qu’il luy attri-
bue. Tous les Modernes en-
conviennent , c’eft auffi pour
cela que l’on s’en fert avec
beaucoup de fuccez aux per-
■ * p :r^p*îüt < •
d u. C La f e' ii^
formes phlegmatiques , 6c
aux filles opilées , donc plu-,
fieurs ont été gueries par le
feul ufage de cette boifibn.
Et comme nous avons veu par
fon Analyfe qu’il abonde fore
en fel volatil : on ne fera
pas furpris qu’il foit capable
de corriger tous les mau-
vais levains de la maüe du
fang , de la deffecher par la
confomption de ce quelle a * *
de plus humide, 8c de plus
gluant, de redonner aux hu-
meurs les plus épaifies un
mouvement réglé , ÔC de les
fiibtilifer afies pour pouvoir *
être chaflees par les voyes
ordinaires.
On doit conclurre de la,
qu’il doit auffi être fort bon - *
pour procurer les mois aux
îêmme*s* C’eft ce que l’expe-
. F J y j
Digitized by Googl
X%6 Tram E f
rience journalière juftific.Plur-
# feurs Auteurs a furent qu’il
emporte les obftru étions de
la matrice , 6c qu’il eft utile
pour faire venir les évacua-
tions ordinaires des femmes
lors qu’elles font fupprimées.
Les Egyptiennes 6c encore
plus les Arabes, s’en fervent
familièrement dans cette vûë x
lors qu’elles les ont , pour les
faire couler avec plus de faci-»
lité , 6c plus d’abondance » oiï
pour les faire revenir lors,
quelles lont arrêtées.
Au refte , comme la pluf-
part des maladies des femmes
dépendent du dereglement de
cette évacuation naturelle 6c
ordinaire , il eft a pre fumer
que le Café fervant à les cor-
riger > doit être aufli parfaite-
men bon à plulïeurs autres
Digitized byTîôogk
DU C A F E' II7
mdifpofitions de ce fexe. Les
vapeurs de mere qui font eau-
fées par un mouvement irré-
gulier des efprits qu’excitent
les matières heterogenées ôc
corrompues dans lé bas ven-
tre , ou dans la malle du fang ,
font calmées par fon fel vola-
til , qui adoucit les pointes de
ces matières acres.
Un Médecin célébré de M°n/Tear
~ » r • , , ne la Cio-
oaintonge a écrit a un de mes f ire .
amis, qu’il fçait par une expé-
rience inconteflable que le
Café pris bien chaud eft d’un
grand fecours pour les femmes
qui dans letemsde leurs or-
dinaires fouffrent des tran-
chées douloureufes , parce
qu’il rend le fang moins acre
ôc plus fluide. Il ajoute qu’011
en peut donner fans danger
aux femmes au moment quel-
F 4
• £'
ïl8 Traite'
les viennent d’accoucher pour
rétablir leurs forces diHipées>
que cela fait parfaitement
bien , £c qu’on peut leur en
faire prendre deux tailes tous
les jours tant qu’elles font en
couches.
Voilà bien des remarques
confiderables , par leiquelles
on doit juger de l’excellence,
du Café : ce n’efl: pourtant pas-
là que fe terminent fes bonnes
qualitez. I! eft fouverain pour- •
tenir les reins ouverts , pour
donner pafTage à la feroheé..
Par fon fel volatil il ranime
6c entretient la chaleur natu-
relle , il débouche puilïam,-
ment tous les endroits par ott
il palTe j il exalte 6c. adoucit
les levains des. entrailles, ôc
en perfeétionne les fermenta-
tions dont il change le cara&e-
'
’ • s
\
Dlgitized by G^Oglp
V
mjt'j 'j . ry
E> 11 C A F E'. 11 $
te, lorsqu’elles dégenerent.,
7 & par ce moyen il rameine à
un haut point de perfeélion
toute l’œ conom ie naturelle.
C eft fans doute Ton frequent;
ufage qui garantit les Turcs
de l’hydropifie , ôc qui fait
que cette maladie eft tres-peu
connue en Levant. Les An-
glois avouent, par un écrit
qu’on imprima à Londres il y
a dix ou douze an s,, qu’elle eft
devenue beaucoup plus rare
J) arm y eux, aulîi bien, que ‘la.
goûte , depuis qu’ils le fer-
vent /ouvent du Café 5 & je
ne douce pas que fi nos Bibe-
rons voulaient fe partager en-
tre luy & le vin . ils rte fu/lènr
beaucoup moins fa jets A deve-
nir hydropiques.
Molieribroc Médecin Ale-
m.ind allure' dans iun, T rai-
E i
• +'^ÿfrî!Kr*rwjF.
ï 5 o Traite"
té de la goûte vague fcorbu-
tique , que les Danois , les
Suédois 6c les Holandois ,
éprouvent tous les jours l’uti-
lité du Café dans les maladies,
hypocondriaques 6c fcorbuti-
ques. On n’en doit pas être
lurpris, puis que ces maladies,
viennent des humeurs tarta-
reufes , acides 6c’ corrofives
qui ont befoin d’être adoucies
par des remedes tels que le
Café., Aufli les autres plantes
£c drogues qu’ils employent
pour le Scorbut abondent
extrêmement en Tels vola-
tils , comme entre autres le
Cochlearia ôc le Greffon
«d’eau.
Ce qui a encore acquis de
la réputation au Café , efl la
faculté qu’il a de preferver de
h gravelle 6c de la goûte qui
r> u C'a f ï!
font deux coufines germaines.
Soit que la matière de l’une ,
8c de l’autre Toit fournie par
l’eftomac , ioit quelle vienne
de la malle du fang , ce breu-
vage qui corrige la coétion vi-
tieufe de l’eftomàc êc qui pu-
rifie le fang, ne fçauroit qu’ê-
tre propre à prévenir les accès
de ccs deux grandes maladies.
Yoicy ce qu’un particulier de
Geneve * en écrivit à un Mé-
decin de cette ville * il y a
plus de vingt ans , c’eft à dire
lorsque le Café eommençoic
d’être en ufage dans ce Ro-
yaume : un Gentilhomme ,
dit-t’il , de mes voifins nom-'
mé M r Deverace , qui a été
attaqué de la goûte dez l’âge
de vingt cinq ans jufques à
eeluy de loixante dont il efc
à prefent âgé x à peu prés
F 6
* Uhgmr—
ceux q u i
demauHor
avis poi.r
fon ma!»
*“Feu Mei-
lleur Gr s„
hoiiie < ’ tu-
ne lîngi-
liere erur-
ditioiu.
T R 'A I T E''
de mon tempérament , gros
&; replet , ufe depuis environ,
quatre ans, d’une petite grai-
ne noire qui vient des Indes
nommée Café , par le moyen
de laquelle il s’ell garenty des
attaques de ee mal depuis ce
tems-là , quoy qu’il eût déjà
les mains ôt les pieds noués..
Il dit que cette décoction pur-
ge les feroûtés &; les humeurs
iuperfluës. Il avoir comme
tnoy un # gros ventre qui s’eft
entièrement abaifle. Il m’a
fort confeillé d’en ufer,. mais
je ne l’ay pas voulu faire ,,
fins avoir votre bon avis.
Cét exemple des qualitez
favorables du Café pour la
goûte , eû remarquable : en
voicy un autre qui ne l’eft pas
m oins que j’ay en main. de-
puis l’année. i6j ÈL
D tï C A P E'i . I'3 J
Un Reverend Pere Augu--
Rin déchauffé de la. ville de
Marfeille,nommé le Pere A 1 e-
xandre d’Albertas âgé de foi-
xante cinq ans ’, travaillé de
la goute dez Page de quaranv
te , ayant par hazard ufé du
Café le matin à jeun durant
quelques jours confecutifs
dans là foixantedeuziéme an-
née, s’en trouva extrêmement
foulagé j ce qui l’obligea de
continuer a s’en fervir , êc il
luy a fi bien reuffi , à ce qu’il
m’a dit lu y-même , que du-
rant les deux années prece-
dentes , il n’a eu aucune atein-
te de fon mal. U cR vray que
dans ce rtc troifiéme année il
en a foufert quelques attaque»,,
mais beaucoup moins rudes
que celles qu’il avoir eues
avant que. de fe fervir de cette;
134 *■ Traite'
déco&ion , encore les impir-
te-t’il à ce qu’au commence-
ment du Printcms il négli-
gea de le purger comme il
avoir accoutumé. Il n’en prend
qu’une tafle tous les matins, 6c
il allure que dans le même
moment qu’il la boit il relient
de la diminution dans Ton mal,.
Toit que cela vienne d’un effet
delà force de fon imagination^
ou de celle de la vertu de fon
breuvage.
Un Religieux du moins,
fexagenaire , qui eff en cette
ville,aprés avoir été tourmen-
té long-cems de cette même
maladie , en a été II bien gue-
>ri par le feul ufage du Café r
qu’il y a fept ans à ce que je:
fçay de fa propre bouche ,
«jü’ii n’en a reffenty aucune*
ÿouieur. {e me ferais fait vu*
Digitized t
DU C A F E".- 135 *
grand plailîr d’apprendre fou
nom ôc Ton Ordre au Public 5.
mais Ton. fcrupule dont fans
doute l’humilité eft. l’unique
motif, n’a pas voulu m’accor-
der la liberté de l’un ny de
l’autre. Ce Pere cuit fon Café
d’une maniéré linguliere : car
il le fait bouillir durant une: c
demy heure.
Je rapporterois d’autres preu-
ves de cette qualité du Café ,
mais je m’a dure que ce que
}’ en ay dit fufht pour en éta-
blir la vérité , qui me paroit
encore fortement apuyée par
ce que nous raportent ceux,
qui ont demeuré lon^-tems
en Levant , de la rareté de la
goûte en ce pays-là y . de la Mémoire
gravelle & de la pierre t. ce
qui ne peut être que par l’ef- Médecin
fet de l’ulage frequent de cet- dc ly ^
i3<> Traite'
te boiffon aulîi propre pour
ces maladies , que le viu leur
eff contraire.
Dans la dedu&ion des ver-
tus du Café , nos Auteurs ont
oublié, qu’il eft fort bon contre
le cours de ventré,& contre le
flux de fang . Monjieurle cheva-
lier Chardin y cj.tii doit a fa feule
vertu cette qualité , ma fait
l’honneur de m’uifurer par une
de fes Lettres , qu’il s’en eft
très- utilement fervy en Le-
vant pour fe guérir d’une vio-
lente diarrhée. Il en prenoït
trois ou quatre tâfTes par jour
le plus chaudement qu’il le
pou voit foiiffri-r : ceux qui
connoiflent cét illuftre voya-
geur^ fçaventque fafincerité
doit purger de tout foupçon
de déguÜement les . cLoLes.
qu’il avance*
• DU C AF E'. 137
Chapitre XL
De l'ufage du Café four les mala-
dies de la poitrine , du hit Ca~
fete' , & de l'effet favorable '
du Café' pour la guerifon des
fièvres .
T ; 1
Oute la malle du fangp
paflant dans les poumons*
j>ar le moyen de la circula-
tion, il eft impolîible que le
~ fang étant impur le poumon
nes*en reftente : c’eft pour-
quoy fi le fang eft chargé de
glaires , pu de trop de feroli-
tez , il doit faire de l’embar-
ras dans la poitrine & caufer-
la toux , la courte halaine &c .. é
roppreflion. Ainii il eft très
certain que dans ces rencon-
tres , le Café eft d’un grand
fecours. *Un Médecin de cet- &frspoa*.
138 Traite'
te ville m’a Hure qu’il l’a or-
donné très fouvent avec fuc-
cez à des perfofmes qui cra-
choient beaucoup, 6c à des
M r Ridei»; Afmatiques. *.Un Profefleur
de Montpeiller m écrit aufTi
qu’il en a veu une' expérience
finguliere lui* un homme de
confideration de fa ville,Con-
«feiller à la Cour des A y des.
Ce malade fe trouvoit obligé
de cracher inceflamment , êc
étoit quelquefois réduit aux
„ abois par la vifeofité des ma-
tières falivales. Il a été déli-
vré de cette indifpohtion par
l’ufage du Café : par ce mo-
yen il s’eft procuré un bon
chyle , qui n’a embarralle
fon fang de rien de vifei-
de , ny de gluant , en compa-
raifonde ce qui luy arrivoit.
* ~ ïl en prend le matin , ou
v D il C A F l7 l>J?
d’abord apres qu’il a dîné.
On a veu plufieurs prédica-
teurs Te fervir utilement du
Café pourfe fortifier la voix ,
& une pèrfonne digne de
foy , m’a alfuré qu’il avoir
connu familièrement en Italie
tin grand Prédicateur , qui
ne montoit point en Chaire
cju’il n'en eût pris une taffe ,
parce- que l’experience luy
• avoit âpris que cette boiffon
dilatoit la poitrine , rendoit la
voix plus claire , fortifioit les
reins 6e la tête , 6c rabatoit les
fumées de l’eftomac.
Ce R. P. Nicolas Capucin y ,
qui palfe univerfellementdans
fon Ordre pour un homme
d’une vertu à fe diftinguer, 6c
reconnu dans la plufpart des
Chaires les plus confiderables
du Royaume pour un Prcdi-
Memcrire
d’un P. Je-
fuite»
140 Traite'
cateur d’une érudition Sc
d’une éloquence Singulières ,
a avoué à plusieurs de Tes
amis , que bien de fois il luy
étoit arrivé de fe jetter dans le
dernier épuisement par des
fermons que la circonstance
du tems ou celle des fujets, i
avoit rendu plus longs que les
réglés de l’Art 6c l’ufage ac-
coutumé ne le permettent :
mais qu’en ces occasions un
couple de taSTes de Café prifes
le plus chaudement qu’il fe
peut, reparoient li bien fes
efprits j 6c luy redonnoient Si
promptement fes premières
forces , qu’il fe trouvoit en
état de prêcher, de nouveau
fur le champ , avec la même
vigueur 6c le même dégage-
ment que s’il n’avoit * point:
parlé.de tout le jour,.
Digiflzed by Gûogli
*
DU C-AF E'. 141
Un autre Religieux du mê-
me Ordre , qui ne le cede ,
ny en mérité., ny en fcience ,
ny en aucune autre partie à
celuy que je viens de nom-
mer , m’a dit qu’ayant un jour
a prêcher dans une ville , 6c
dans* un Auditoire fort confi-
derable, il luy arriva inopiné-
ment un accident qui le mit
hors de tout moyen de rendre
l’aélion qu’il avoit préparée,
dont il perdit tout à coup juf-
ques aux moindres idées. La
cloche l’avertit dans ce fâ-
cheux contretems , que le mo-
ment qu’il falloit monter en
Chaire aprochoit, ce qui le
je.tta dans le dernier étonne-
ment. Dans cette extrémité,
il fe reduifit pour derniere re-
fource à l’employ du Café :
il en prit une taffç, qui luy
Ï4& T R A r T E' v
procura la facilité de fatisfai-
re à fon engagement ; avec
cette particularité confidera-
ble , qu’à mefure qu’il avaloic
une gorgée de là boilTon ,
il s’appercevoic fenfiblement
que les vapeurs qui occu-
poient fon cerveau s’en ïeti-
roient , Sc faifoient place aux
penfées qui fembloient en
être entièrement forcies.
Il eft confiant que pour les
maladies de la poitrine, il n’eft
rien de pareil au lait Cafeté ,
ou Café au lait, dont je vais
maintenant parler. Le pre-
mier qui l’a mis en ufage à
ce que l’on croit, eft un Mé-
decin Allemand nommé Neti~
hofiiœ. Il en parle dans f Am-
baftade des Holandois à la
Chine qu’il a écrite. Il le
fàifoic cuire > 6c l’apelloit fon
du Café'. 143
boüillon de fèves , parce que
le Café en eft une efpece,com-
me ie l’ay déjà remarqué. Peuc
etre s en etoit-il avile a 1 imi-
« tation des Chinois , qui don-
nent le Thé avec le lait aux
Phtifiques , ôc qui en pren-
nent auffi par régal.
Un célébré Médecin de Gre- MtMonîir.
noble, a employé depuis quel-
ques années le Café au lait 6c
en a fait de fort belles Cures.
Ce qu’il a eu la bonté de m’en
écrire , eft de trop grande
confequence pour le taire, le
voie y mot à mot.
Pour répondre à ce que <c
vous louhaitcz de fçavoir“
au fujet du lait Cafeté , je cc
vous diray qu’il y a cinq ou tc
ilx années que j’en fais ufer t€
dans toutes les maladies, ou cc
nous ayons accoutumé d’or- 4 * .
i
144 Traite''
^donner le lait. Je n’en ay ja-
„mais veu aucun mauvais ef-’
„fet , 6c ce qui eft merveil- |
„leux , c’eft qu’il ne fe caille
„point dans l’eftomac , qu’il
„n’oppile point les entrailles,
„6c qu’il ne donne pas à la
„tete , ne lai {Tant pas nonob-
„{lant le mélange du Café ,
„d adoucir l’acrimonie des hu-
„meurs , d’en calmer les fer-
„mentatiôs,d’arrêter la Toux ,
„de mourir 6c d’engrailler les
^malades : les raifons vous
„en font, très connues. Je
„pourrois. vous cifer quan-
tité d’experiences que j’en
„ay faites. J’en fis l’effay il y
3 ,a fix années fur moy meme.
,J’étois naturellement fujet à
„la migraine , 6c ayant les en-
trailles chaudes , je n’avois
.^jamais pû fupporter aucun
lait.
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i
*
i
■i
D 11 C A P E 145
lait. J’en pris durant fîx fe- <c
mai nés , le plus heureufe- <c
ment du monde , ce que £C
j’ay réitéré depuis plufieurs £C
fois , 8c encore le dernier*
mois de Novembre , avec £C
tout le fuccés que j’aurois*
- pu fouhaiter. J’en ay aufli £C
fait prendre plu fieurs fois à tC
ma femme qui fut à l’extre-*
mité d’une vraye Phtiilc il cc
y a feize ans , 8c qui a été £C
aux abois le mois d’Aout der-“
nier d’une * Pleuroperipneu-«
monie. Cette violente ma-« Poûmaus.
ladie ayant été calmée par £ <
les remedes ordinaires dans £C
huit jours , il luy refia une«'
toux importune, une cha- £ *
leur aux poumons , quelle^
a naturellement délicats , ôc< c
un poulx fort frequent, avec«
une grande fecherefTe uni-*'
G
146 T R AITE'-
„verfelle , ce qui me fit ap^
„prehender quelle ne retom-
„bât dans la Phtifie, de m ’obli-
5 ,gea de la préparer par les
3 , doux purgatifs , de defopi-
3 ,latifs ( ayant les vifeeres
3jnourriciers , de fur tout la
„rate fort obftruée ) a l’ufage
3, du lait d’AnefTe> lequel étoft
„bien conditionné , de qu ’el-
3, le a pris très methodique-
„ment durant un mois , mais
3, fans aucun fuccez, fon poulx
3, étant toujours de même , fa
3, toux plus importune , fes
3, crachats encores plusabon-
3, dans , jaunes , de quelque
3, fois verdâtres , fe plaignant
„de chaleurs de de quelques
„opreffions de poitrine , non-
j,ODll:ant î’exad régime de vi-
„vre de les doux purgatifs
,,reïterez toutes les femaines.
DU C a F 147
Voyant que l’ufage de ce £C
lait luy étoit inutile , je luy £C
fis commencer celuy de va- £C
che Cafeté , dont elle a pris £C
une chopine tous les jours tc
durant fix femaines , la pur- £C
geotant de dix 'en dix , ou de £C
douze en douze jours : l’u- £C
fage de ce lait luy a été fi cc
favorable 3 que tous les fymp- £C
tomes que je vous ay cy-de- tc
vânt marquez ceflerent dans £C
la première huitaine 5 elle re- £C
prit un appétit extraordinai- <c
re , & de l’embonpoint plus £C
qu elle n’en a eu de fa vie > £C
en forte que la femme d’un £C
de mes Collègues , qui ne £C
l’avoit pas veuë depuis un £C
mois, luy difoit hier , qu’en £C
entrant dans fa chambre, elle £C
avoit crû qu’elle avcit une tc
fluxion fur les dents , qui £ j
G z
’l
148 Traite'.
via y a voit fait enfler les
35 joües.
Pour préparer le Café , je
5, fais mettre une bonne écueî-
• ”lée de lait dans un poilon >
”lors qu’il commence à s’éle-
3, ver , j’y fais mêler une cuii-
^’lier de Café , que je fais
”bien démêler afin qu’il ne fe
omette pas en grumeaux : je
»ne le fais que fort peu bouil-
lir } ayant retiré le poilôn
”du feu , la poudre tombe au
»fond en peu de tems. Je le
5>fais énfuite verfer dans une
5 >écuclle de fayence, après y
3 >avoir fait mettre line cuil-
3’lier de CafTonnade. Il faut
3 J le humer gorgée a gorgée 5
«le plus chaudement qu’on
«peut : il ne faut rien pren-
«dre de quatre heures , apres
«quoy on peut dîner. JLa do-
♦
du Café'. 14^
fc que je mets du Café danscc-
le poilon , eft de trois drag-«
mes : mais il faut fe donnercc
garde , Moniteur , qu’ïl ne« -
foit pas trop brûlé , car- il«
donneroit un fort méchant»
goût au lait.
Le meme Médecin ma encore >
fait l honneur de m écrire ce qui ■
fuit, vV 1
• * , *
II y a en cette ville un«
Jiomme de la première qua-cc
^lité , qui depuis quatre oucc
cinq années, prend au Prin-< c
tems 6c en Automne , du laitu
Cafeté , ce qui luy donne decc
la force 6c de la vigueur du-cc
rant toute l’année , pour re-cc
iî/ter aux continuelles. fati-cc
gués que les exercices de<c '
îa pieté extraordinaire luytc
çaufent dans les Hôpitaux»
G 3
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*5° Trait e*
• „& ailleurs. Ce qui eft de
4plus .furprenant ^ c’eft que
$,cét ufage du lait Cafeté >,
5 , empêche le retour frequent
*,des douleurs cruelles d’efto-
„mac que les acidités iuy eau-
„foient.
Après avoir vu l’anaîyfe du
Café , oh ne fera pas en peine
de rendre raifon de ce qu’il
empêche la coagulation dit
lait j car puis qu’il abonde en
fei volatil , il ne peut man-
quer de rompre la pointe dej^
acides , qui feroîent capables
de faire cailler le lait. Il n’y
a que les acides qui font ce-
la : le fel armoniac empêche
* bien la coagulation étant mê-
lé avec le lait & le fuere que
Ton y ajoute, quoy qu’il ne
le fade que faiblement, &c que
fouvent il ne fufïïfepas. C’effc w
~ ■ j 1 ^ .
A
du Café', i 5 1
par la meme raifon , qu’un
Médecin fameux * fait pren- Mr <j e \ A
dre le lait avec l’eau de chaux ciofure.
pour l’empêcher de Te cailler.
6c pour guérir les dyfenteries
êc les maladies de la poitrine ,
ce que le lait ne feroit pas*tout
feul , fans ce correctif, ou un
femblable , tel que notre Ca- >
fé. Je dois feulement ajouter
au Mémoire de l’habile Mé-
decin de qui je tiens tout ce
que je viens de dire du laie
Cafeté , qu’on peut encore * '
le prendre fans/faire bouillir
le Café dans le lait , ce qui efl; =—■
bon quelques fois de ne pas»
faire , pour ne pas rendre le
lait trop épais. Au lieu de
cela , fi le Médecin le juge
a propos pour le malade, 011
fera bouillir le Café dans ^
l’eau à l’ordinaire , 6c on en
G 4
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Google
ïjt T R A. I T E'
méfiera une bonne tafle avec
une écuellée de lait , ou bien
' on le prendra devant le lait I
ou après 5 car pourveu qu’ils
jfe mêlent dans l’eftomac , il
importe peu de quelle façon
on lé prenne. Je fçay des per-
fonnes qui l’ont eiïayé de tou- ;
tes ces maniérés , &; s’en font
bien trouvées. Chacun choi-
fira ce qui fera mieux de fon
goût. En apparence ce mélan-
ge ne peut être que fort défa-
greable : il ne l’eft pourtant
pas , fur tout quand le Café
a boüilly dans le lait , de qu’il
eft un peu cpaifli 5 car alors
il aproche du goût du Choco-
laté, que prefque tout le mon-
de trouve bon. On peut em-
ployer cette méthode, en ufant
du lait d’anefTe de même
qu’en prenant de celuy de va- ^ r
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WJW,, IMJ.il
D U G A F 155
che. Je ne cloute point même
que le Thé ne s’acorde fort
bien avec le lait, puis qu’il
eft amer comme le Café 6c
qu’il aproche fort de fes qua-
litez. Les amers , quoy que
purgatifs, comme la Rhubar-
be, s’unifient très- utilement
avec le lait 6c ne le corrom-
pent pas.
Il n’y a que peu de jours Ml Da P** ♦
qu’un Médecin de Laufanea cS ’
écrit à un de fes amis de cette
ville, qu’on, fe ferten ce païs là
du lait Cafeté pour les goû-
teux, de qu’ils en font foulagez.
Pour ce qui eft du Café avec
l’eau , Monfi ur Monïn que j’ay
déjà cité , m’afture par une • -
fécondé lettre, qu’il en a fait
prendre à plufieurs febrici-
tans toujours avec fuccez.
Il l’ordonne quelquefois daa$
G j
• ?
*ccv
154 T R Vl T E*
l’eau de Pimpinelle , à la fin.
, des accez des lièvres intermit-
tantes , ou à la fin des redou-
blemensdes fièvres continues*,
pour difliper les vapeurs por-
tées au cerveau durant les ac-
cez > qui caufent cres-fou-
vent des douleurs de tête im-
portunes 5 6c pour vuider par
les urines la ferofité làlée 6c
acre , qui pourroit relier dans
la lymphe , dans les artères,,
ou dans les veines fans le fe-
cours du Café. Il remarque
même que durant la chaleur
de 1 accez , une taffe de Café:
defaltere beaucoup mieux les
malades que la ptifane quoy,’
que bûë copieufement * 6c il
dit qu’un de fes malades d’uni
tempérament fec 6c d’une con-
stitution délicate , qui avoit
eu huit a.cc.ez : de fièvre tierce,, %
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■/ • c *' T*l.^ 7 •*-
D U C A F' E'. Tff
Fa voit alluré que l’alteration;
infuportable qu’ils luy eau-
foient , étoit beaucoup moin-
dre durant les accez , au com-
mencement defquels il luy
avoit fait prendre du Café,
qui luy. rendoit la’ chaleur
de T accez beaucoup moindre
qu’aux autres qu’il n’en avoit
point beu. Il ajoute encore
qu’il en a donné fou vent ttes-
utilement au commencement
du froid des fièvres quartes
mais le plus chaudement qu’on
le peut boire , 6c qu’il s’eit
aperçu que cette boiflon ainlL
prife , non feulement adou-
cit lès douleurs violentes que-
l’on fouffre pendant le froid!
de! accez , mais que mêmes;
il en a- g uer y entièrement, en—
rr’ autres Madame de Beauvais»
Mo mais ,, femme d’un Trefov
© &
ij<? Traite'
rier de Grenoble , quoy qu’et-
le eût la rate fort groife 6c du-
re , n'ayant voulu pour tout
reraede , que prendre du Café
au commencement du froid
de fes accez : fa guerifon fut
parfaite* fans aucun retour 6c *
dans aucune incommodité, il
y a cinq ou fix années , 6c de-
puis elle a joüi d’une très-
bonne fanté.
Il n’y a pas lolïg-tems qu'un*
de mes amis qui avoit eu quel-
ques accez de fièvres tier-
ces provenans d îndigcftion
d’eflomac , fut guery par deux
ou trois prifes de Café : 6c
Monfieur de U Clofure y quej’ay
déjà nommé a écrit à Monfieur
Spon , que Madame de Laufun
âgée de quatre vingt 6c deux
ans , guerie depuis peu d’une
iiévre triple, quarte par le.
«-c — *» — r* — •-* — • - — ■
h- .
du Café', 157
Quinquina r ufant enfuite da
Café en efi: comme rajeunie
& marche fans bâton, ce qu’el-
le ne faifoit pas il y avoir plu-
sieurs années..
Voicy un autre exemple
affez remarquable du fucccz
du Café pour la guerifon des
fièvres. On m en a envoyé
le mémoire dans le te ms que
j’écris cecy. Mon fit ur delà Gar-
de , habile Médecin de Nî-
mes, après avoir fenty durant
quinze jours un grand dégoût,
une infuportable pefanteur à
l’eftomac d’abofd qu'il avoit
mangé , & des raports extrê-
mement aigres , tomba enfin
dans une fièvre intermittente
double tierce , dont les accez
duraient quatorze à quinze
heures. Il en efïtiya quatre
sivec beaucoup de fatigue 5 ât
r 5 8 Traite'"
bien loin que les purgatifs luy*
prbcuraffent aucun foulage-
ment, il s’en trouva plus mal
toutes les fois qu’il en prit, ce
qui l’obligea a négliger la pur-
gation même la faignée
qu’il ne crut pas neceflaire
dans l’épuifement où il étoir.
Il s’apliqua uniquement à re-
parer les defordres.de fon eflo-
mac 5 il crut que le Café
étoit fort propre à corriger
les cruditez acides qu’il fen-
toit & qu’il ne douta pas qui
ne fufîent la véritable caufe de
fon indifpofition. Il en prit
deux ou trois grandes tafles
par jour dans le temsde l’in-
ter mi ffi on : la fuite lu y fît
eonnoître qu’il ne s’étoitpas
trompé : car dez le premier
jour qu’il en ufa ,. l’accez qu’il
devoir.avoir dnparut.. Il corn-
**/?*>*' i
\
D U C A F E':. I
tïiTLiad’en boire de même trois
jours de luite , avec quoy. lans
autre fecours de la Méde-
cine , il recouvra, fa première;
fin té.
' ’ % , •
*
Chapitre XII..
De l' utilité du Café pour les ma-
ladies de la tête y & s'il tient-
les ÿerfonnes éveillées ..
D Es deux parties dont on Sentiment*
convient que le Café eft: ciofurc!^
compofé l’une groffiere &:
terreftre „ 1 autre fubtile &:
fpiritueufe cette derniere;
qu’on- peut apeller nitroful-
phurée ,, comme participan-
te du Salpêtre èc du Soufre ,,
a-üeaucoup de conformité
avec les efprits animaux , qui*
en font reparez en peu de tems..
Cela veut. dire , .pour m’expli**
Digitiz
ogle
iCo Traite'
cjuer plus clairement que
cette fu b flan ce fubtile 6c vo-
latile , a les petites parties à
peu prés de meme grofTeur ,
de même configuration 6c de
même mouvement que l’efprit
de vie a les tiennes! Le vin
a au fii beaucoup de ces par-
ties j mais elles ne font" pas
fi pures , ny ne s’acordent^pas
fi bien à celles qui compo-
fent I’efprit animal : car le vin
a beaucoup de parties hetero-
genées , qui font facilement;
enlevées avec fon efprit , 6c
qui par ce mélange troublent
facilement les fondions delà
tête , quand elles y font mon-
tées : au lieu que le Café a
fes petites parties plus pures , '
plus uniformes 6c moins dif-
fipables. Ce qui le rend pro-
pre à rendre la tète plus fer-
Digitized.by Google
- • n&he».
% , *
du Café/ i£r
me : & fans contredit un des
plus fenlibles &: des plus
promts effets qu’il £iffe , c’efl
de calmer promptement les
maux de tête, ce qui arrive,
fi je ne me trompe , en raba-
tant les vapeurs de leftomac
qui en font fou vent la caufè ,
ôc en empêchant qu’il ne s’en
engendre de nouvelles. Il y
en a même qui, en font fou-
lagez , en recevant la vapeur
du Café , lors qu’il bout dans
le coquemard , ce que pro-
duit fans doute fa partie vo^
latile.
le viens de dire qu’un des
plus promts. ôc des plus lén-
fî blés effets du Café , étoit
de foufager les perfonnes aca-
bléesde maux de tête. Je l’ay
pu dire non pas fur le raporc
dautruy , mais par ma pro~
\ 6 h Trait e'
pre expérience. Jamais hom-
me ne fut tourmenté d’une
migraine plus douloureufe ,
plus longue , ny plus frequerr-
te , qu’étoit celle qui m’a per-
fecuté durant un grand nom-
bre d’années. Il n’eft rien que
je n’eufTe tenté pour me fouf-
traire aux rigueurs de fes at-
taques , elles étoient prefque
ordinaires.Les faignéesjcs la-
vcmensjes Médecines, les ab-
flinences & les bains avoient
été mis inutilement en ufage.
Je leur fubftituay celuy du Ca-
fé , qui , grâces en foient ren-
dues à Dieu , en tres-peu de
tems me mit à couvert de la
continuation des vifites im-
portunes de cette cruelle’enne-
mie. Elle a fi bien oublié le
chemin de chés moy depuis
que je' me fers de cette boif-
du Cape'. 163
fbn , qu’il fe pafle des années
entières fans que nous ayons
rien à démêler enfemble. Je
dois au feul Café , fécondé
de la bénédiction de Dieu,
cét avantage , qui en vui-
dant ma tête des înfuporta-
bles douleurs qui la tourmen-
toient, a (i fort rempîy mon
cœur des fenti mens d’une juf-
te reconnoidan^e envers mon
libérateur % qu’il me ièroit
ailes dincile de n’en pas faire
l’Eloge , d ce que j a y dit de
fes admirables & extraordi-
naires qualité z ne l’avoienc
déjà fait. Je ne luis pas le feul:
qui luy foit redevable d’une
pareille délivrance y peu de
perlonnes l’ont employé en
femblables occa fions , fans en
obtenir le même fecours 5 8c
principalement ceux de qui.
i6 4 Traite
les maux de tête venoient par
fympathie de l’cftomac , ou
des entrailles. Il n’en eft pas
ainfi lors que cette douleur
procédé d’une trop grande
fenfibilité des membranes du
cerveau , de leur inflamma-
tion, du preffement d’un fang
impétueux , d’une caufe ma-
ligne , ou de quelque autre
qui ait Ion fiege dans ces par-
ties-là. Je remplirais un Volu-
me plus gros que ne fera ce-
luy-cy , ïi je youlois raporter
tout ce que je fçay des gueri-
fons qu’il a opérées de cette
forte d’indifpofition. Les deux
exemples luivans que j ay
choifis dans un nombre con-
fiderable que j’en pourrois
produire, Serviront à perfua-
der les plus opiniâtres , de fes
qualitez favorables de imman-
du Café' tC$
quables pour cela > 6c s’ils ne
le font , tout ce que j’en pour-
rois dire ne les en convain-
croit pas.
Je tiens cette Hiftoire de
Monfieur Dehenault. Je ne lçau-
rois mieux entrer dans la
- preuve des vertus du Café
pour les maux de tête que
par 1 expenence qu’en a fait
Madame de Bne're , fœur de
Monfieur V Oife au , femme auf-
û connue dans Paris par fon
mérité , que par fà beauté.
Il y avoit long-tems quelle
étoit tourmentée d’un mal de
tête fi violent , qu’il forçoit
la patience 6c luy arrachoit
a toute heure des cris qui
- faifoient pitié. Elle avoit été
pendant plulîeurs mois en
proye à tous les Médecins
6c à tous les Charlatans. La
Trait e 7
• %
douleur , l’infomnie 5c lesre-
medes l’avoient jetté dans une
maigreur & dans une foi-
O # t . #
bielle extraordinaire : il etoit
dangereux de faire de nou-
velles tentatives pour fa gue-
rifon , 6c il fembloit qu’il n’y
a voit plus qu’à la laifier mou-
rir en repos. Cependant les
Médecins qui la traitoient ne
pouvant fe refoudre à lu y fair
re quartier dans cette extré-
mité , eurent la hardiefTe de
luy ordonner le trépan , 6c la
livrèrent par un coup de def-
elpoir entre les mains des
Chirurgiens. L’excez de fes
fouffrances la fit refondre à
cette terrible operation. L’ap-
pareil étoit déjà préparé &c la
malade munie de fes Sacre-
mens , étoit prête à ce dernier
fupplice , quand un Archidia-
du Café. \6j
cre de les amis , encra dans
fa chambre : hé Madame,
luy dit-il , ( après avoir appris
ce qu’on alloit faire ) ne
voyez-vous pas que vous êtes
entre des mains dangereufes .
& puis adrelfant la parole aux
Chirurgiens : & vous , con-
tinua- t’il , ne voyez- vous pas
quelle va mourir entre vos
mains ? Sortez ignorans &:
barbares que vous êtes ; je
vous empêcheray bien de la
facrifier à vôtre avarice , je
me charge de fa guerifon. Un
des Chirurgiens répondit in-
genuëment , que l’operation
luy paroi doit trop hazardeu-
fe ôc l’ordonnance trop har-
die j mais qu’ils étoienc faits
pour executer quand Meilleurs
les Médecins avoient ordon-
né : il ajoûta qu’il n’étoit pas
i68 Tuait e'
fâché qu’on l’empêchât de
travailler , 6c il fe retira fans
s’opiniâtrer d’avantage, les au-
tres le fuivirent 5 6c après leur
départ Monfieur l’Archidia-
cre s’aprocha de la malade 6c
luy dit : Madame , je pre-
tens vous guérir par le plus
innocent des remedes. Prenez
tous les jours quelques tafies
de Café , vous ferez foulagée
en très - peu de tems , 6c en
moins d’un mois vous ferez
parfaitement guerie. Je vais
vous en accomoder tout à
l’heure 6c vous apprendre à le
préparer. Il en envoya qué-
rir chés luy , il le fit boüillir en
prefence de la Dame , il luy
en donna deux prifes , 6c il
n’eut pas continué trois jours,
que la malade fentit dimi-
nuer fa douleur 6c retrouva
le
s
du 'Café'. i<s>
le fommeil quelle avoit perdu
depuis plufieurs mois : l’apetic
luy revint aufïï , enfin elle fut
entièrement délivrée de Ton
mal , en moins de trois femai-
nés : elle eft eneores dans une
pleine fanté , & on peut fça-
voir d’elle la vérité de cette
Hiftoire. Celle qui fuit n’efl
pas moins furprenante , quoy
qu’elle foit aufli fincere. Les
Lecteurs la verront afiu ré-
ment avec plaifir , 6c y dé-
couvriront , avec la force des
^vertus du Café , eelles de
l’imagination.
Une Dame de Paris , de
la première qualité , dont
je tais le nom par refpect ,
perfecutée d’une migraine li
douloureufe &: fi frequente ,
qu’à peine le. relâche de l’ac-
cez qui la tourmentoit, luy
H
jyO T R A X T E
donnoit le tems de recouvrer
de nouvelles forces , pour re-
fifter à la violence de celuv
qui luy fuccedoit , employa
pour fon foulagement tout ce
que la Cour de la ville avoient
de Médecins qui fe diftin-
guoient. Dieu fçait s ils mi-
rent en ufa*ge pour le fuccez
de leur cure , tout ce qu’ils
a voient peu découvrir de plus
Spécifique dans leur fcience.
Ils n’eurent rien à fe repro-
cher les uns aux autres , leurs
foins ayant eu cela de ccm- a
nuin qu’ils furent entièrement
inutiles à la malade , fi fort
rebutée du nombre de de la
diverfité des remedes dont ils
l’avoient accablée, qu elle prit
une ferme refolution de ne
plus chercher de foulagement
dans fon mal , que dans fa
ft
DU C AF e'. . ijï
patience à le fouffrir. Elle
étoit dans ce delfein , lors
qu’une perfonne de fa con-
noilfance ,.qui s’étoit parfai-
tement bien trouvée de Tilla-
ge du Café en pareille indif-
pofition que la Tienne , le luy
confeilla. Elle s’en fervit 6c
s’en fervit avec tant de bon-
heur que fa fanté fut entiè-
rement rétablie en peu de
jours , fes fouffrances finilTanc
avec fa maladie. Cét effet fi
prompt , li favorable 6c fi in-
efperé , luy perluaia qu’il y
a voit quelque qualité mira-
culeufe atachée à ce reme-
de : 6c cela d’autant mieux
que depuis quelle en ufoit ,
elle reconnoilfoit feniiblemenc
quç fon efprit agilfoit avec
plus de liberté , plus de gaye-
té -6c plus de force qu’aupa-
• * "** *’*7nr i* -y^T . '
Ï71 . Traite
ravant, 6c que par conséquent
ii avoit participé , auffi bien
que Son corps , aux a vanta-'
geufes prérogative^ de cette
graine 5 ce qui luy fit croire
lans peine , qu’elle n’étoit pas
moins propre aux chagrins de
l’un qu’aux douleurs de l’au-
tre. Elle le crut fi bien, qu’étant
pleine de Son opinion , Son
Café luy devint auffi necef-
faire dans Ses afflictions , que
pour Ses maux de tète , par-
ce qu’elle le trouvoit égale-
ment favorable pour tous 1 les
deux. Il eft allés Surprenant
qu’une femme qui étoit con-
nue pour avoir infiniment
de l’elprit , eut pu tomber
dans un Sentiment de cette
nature j mais que ne peut la
prévention , Sur tout lors
quelle eft appuyée fur des
$ Ü C A F E'. Ifi
principes qui datent nos foi-
bleffes. Ce qui me refte à dire
de cette Dame fur ce fujet ,
convaincra mes Leéteurs de
cette vérité. Elle étoit veuve 4
un fils unique faifoic toute
fa famille : ce fils avoir beau-
• coup de vertu , de meritoit
par fa conduite , l’extrême
tendreffe que fa mere avoit
pour luy. Son âge étoit de
dix -huit à dix -neuf ans.
Quelques-uns de fes amis ,
aufli jeunes que luy de de
même qualité , firent deffein
daller en Candie qui étoit
alors afliegée par les troupes
Othomanes : il le fçut’Sc vou-
lut être de la partie. Il s’em-
barqua avec eux pour ce
voyage > mais à peine fut-il
arrivé qu’il fut tué : la nou-
velle de fa mort arriva à
' 174 Traite'
Paris , Tes parens la fçurent *
aucun d’eux ne fe voulut
charger de la donner à Mada-
me fa mere. Son Confeffeur
fut prié de le' faire : il s’en
aquita avec toutes les précau-
tions qu’un homme d’efprit
& de jugement doit prendre
en des rencontres d’une aufïi
grande delicatetTe > mais il ne
l’eut pas plutôt informée de
k. malheureufe perte qui luy
étoit arrivée , que les pre-
mières paroles qu’elle pouffa
dans le tranfport de fa dou-
leur furent : Qiioy mon fils
eft mort , ha du Café , du
Café. On peut juger par là ,
que cette mere infortunée qui
ne pouvoit être qu’extraor-
dinairement &: fenfiblement
• penetrée de fon affliélion ,
ne l’étoit pas moins de l’efli-
Digitized by Google
I
/
du Café'. 175
me quelle faifoit du Café ,
quelle portoit , comme 011
vient de voir , dans un excez
extraordinaire.
Les Orientaux ne croyent
pas feulement , que l’ufage
du Café en boilfon efl: excel-
lent pour le foulagement des
maux de tête , ils font même
perfuadés par leur expérien-
ce , que fa fumée reçue par
les yeux, eft extrêmement fa-
vorable à ceux qui y ont mal ,
ou qui ont la vue foible. Ce ,
qui fait que la plufpart deux ,
lorsqu’on leur pre fente le fin-
gean de Café tout boüilknt ,
avant que de commencer d’en
boire , le portent fous les
yeux & leur en font recevoir
la vapeur .l’un après l’au-
tre : ils trouvent que leur vue
en eft éclairée &c purifiée.
H 4
K S
2 le
• >7^ , Tv R AIT E A
Pluiîeurs font la «même chdfé-
-* P°ur les maux d’oreilles , ou
ils portent la taiîe pour en
recevoir auffi la fumée , dont;
ils font foulagez,
r Je dois maintenant pour ré-
pondre à ce que le titre de ce
Chapitre a promis , donner
les raifons de l’effet que pref-
que tout le monde remarque
. a u Café , de tenir éveillées
des perfonnes qui en ont pris*,
à moins qu’une longue ha^
. hitude & un tempérament
,fbrt humide n en empêchent
faction.
' vU ?*' ^eux Médecin
Profcfleur d Angleterre , dans le dernier
cL M j de ~ à& res Ouvrages , & qui eft
Moutpei- Ion pofthume , parle du Café
hcs * comme d’unë chofe fort en
ufàge à Londres , & fur la-
quelle il croit avoir fait les
Digitized t
*- «V -
d a Café'. 177
o B fer rations necelfaires aipt
Médecins qui voudront l’or-
donner : il l’oppofe aux reme-
des Narcotiques, 6c fe croie
obligé d’en parler apres avoir
-fait un Traité de ceux-cy. Iî
veut que toute la faculté qui?
a de tenir les gens éveillez
dépende de certaines parties
adulles , dont il ed: fort char-
gé , & par fa nature & par la*
préparation qu’on lu y donne’
pour le mettre en ufage: II*
fait enfui te agir ces fortes dé'
parties, quand elles ont pâlie
dans la maffe du fan g , felom
fa-penfée 6c peut-être même
félon fon imagination 5 de
manière qu’elles vont tenir
les pores du cerveau ouverts*,,
donnent lieu à un p ada-
ge continuel des efprics dans;
çette partie qui les- fournit -
H» $
•-.rv'"'
VJ ••
»"A?T | r
• #
-c.
ï 7 g Traite’
même aux nerfs des yeux ,
des oreilles 6c aux autres or-
*ganes des fonctions animales.
On peut auffi croire fondé fur
les expériences de Villisme-
me , 6c de bien d’autres Méde-
cins , que le Café defleche la
inaffe du fang , par la con-
fomption de ce qu’il a de plus
humide 6c de plus gluant : que
la confomption des efprits ,
qui fe feroit plus lentement 6c
à l’ordinaire , s’y fait par le
moyen du Café , plus vite 6c
plus abondamment 5 car le dé-
gagement de fes parties fubti-
les fe fait plus facilement,
moins il y a de matière gluan-
te 6c grafTe dans le fang : de
/ même que des liqueurs , qui
font moins graffes 6c vifeides ,
ou dont les parties font moins
confondues , on tire plus faci-
*
du Café. 179
lement ce quon appelle leur
efprit. En effet , félon Villis
le Café deffeche , & on le def-
fend aux perfonnes grêles , de
d’un tempérament chaud de
fcc 5 on l’ordonne au contrai-
re de avec fuccez aux perfon-
nes d’un tempérament oppo-
fé : il eft admirable aux Sep-
tentrionaux de aux Afiati-
ques , qui font mois de effe*
minez , ou qui d’ailleurs ne
boivent point de vin.
La pluipart des Auteurs qui
ont écrit du Café , affurent
qu’un de fes plus naturels
effets , eft d’éveiller de d’em-
pêcher le fommeft. Il eft pour-
tant certain qu’étant donné a
plufteurs perfonnes à l’heure
.du fommeil , non feulement il
les fait dormir, mais mêmes il '
rend le fommeil turbulent de ,
H 6
1
Lettre de
Monfour
Daplcs.
* r - 1
/igo Traite.
plein d’agitation } tranquille
& paifîble 5 ce qui eft: affés
/ furprenant , qu’une même
rctoie produife deux effets ff
lOppolèz.. . •
- Il y en a qui croyentque
le Café ôte véritablement le
-übmmeil contre nature , êc
qu’ainli il doit être propre à
toutes les maladies , où il y
û de laffoupiffèment : mais
qu’il n’empêche pas le fom^
xneil naturel : car on a véia
des gens qui dans des infom-
nies ont . trouvé du foulage-
dcM r dc la ment par 1 ulage du Care :■
cloître, entr’autres Monfieur Fcr±
. rjind Doyen des Médecins de
1 Limoges , qui ne pouvant
dormir dans une maladie qu’il
a voit , prenoit tous les loirs.
‘ une talfe de Café - qui ‘ ne
, i»anqugit jamais* de J’endor-
*
Google
Digitize
WPSJM-7«^' ■'^•C'Sÿr^- ■>
* % • %I
< • i
,/ . , , • ‘
:• D U C A F E. lEw
inir. Neanmoins cét effet n’efl:
pas ordinaire , de plufîeurs
per/onnes en faute , ont peine
à s’endormir quand ils en
prennent après louper. Ceux
qui veulent veiller- fe trou-
vent bien d en prendre, à eau*
fe que la veille conformais
beaucoup d’efpnts , de que le
Café les repare. De plus on
peut croire probablement que
•la chaleur actuelle avec la-
quelle on prend le Café, de
fon amertume , contribuent
difliper les fumées trop
epaifles du chyle , de que fes
particules diurétiques entrai -
nent par les urines une partie
de 1 humidité nece flaire pous
le fommeil.
Cette vertu naturelle du
Café a tenir les efprits éveils
les, fait voir que la peufee
iSz Traite'*
de Pictro dcl la Vallé au fujet*
de ce legume , étoit fort mal
fondée. Ce Voyageur fi efti-
mé a cru que lî on beu voit
Je Café avec du vin , comme
on fait avec de l’eau , il pour-
roit bien être le Népenthé
d Homere, qu’il dit qu’Hele-
ne avoit eu d’Egypte , d’oix le
Café vient. Mais voicy deux
raifons qui prouvent incon-
teftablement qu’il fetrompoit.
La première , que le Café
mêlé avec le vin , feroit un
très- méchant ragoût : & la fé-
condé qu’Homere a prefu-
pofé que le Népenthé étoit
une herbe narcotique : c’eft
à dire qui procure le fommeil,
au lieu que le Café l’empê-
che , & l’empêcheroit encore
plus s’il étoit armé des poin-
tes du vin.
Digitized bv.Goo
Chapitre XIII.
Des Temperamens & des maU~
dies ou le Café' ne fl
pus propre.
L Es plus fouverains reme-
des, deviennent quelque-
fois tres-pernicieux , quand
ils ne font pas employez à
propos , ou qu’ils ne s’accor-
dent pas avec les tempera-
mens des perfonnes qui s’en
fervent. Le Café n’a pour cela
aucune prérogative > je ne
pretens pas l eriger en remede
uni verfel : il eft des cas &c des
perfonnes aufquelles il n’efb
point propre. Ainfi fi quel-
ques uns de ceux qui s’en
ferviront , n’en tirent pas les
avantages donp je puis les
avoir fiâtes , qu’ils ne croyçnç
t $4 Trait' b'
pas qu’il manque des qualitez
que je luy ay atnbuées > les
fknples n’agüfent pas avec le
même fuccez fur tous ceux
qui en ufent. La complexion
de ceux qui s’en fervent , fait
tout le bonheur ou le mal-
heur de leur ufage. Ce qui efl
fi vray , que je connois des
perfonnes que la Manne re-
ferre, 5c d’autres que le Sen-
ne jette en fincope , quoy que
la Médecin e faffe de tous
les deux un employ ordinai-
re , 6c qu’ils foient univer—
felleme nt connus pour être les<
purgatifs les plus bénins , les
plus naturels 6c les plus effi-
caces , que la nature nous
fburnifTe. Par cette raifon-
s’il y a des perfonnes qui ne
fe trouvent pas. bien dti Café r
iis. ne doivent pourtant pas lé
"- * * ■ ’H* ’ '
t
‘ ' ' >
D n -: C A F E'. I&y
blâmer , puis que tout le mal
qu’il a peu leur caufer vient
de Ja feule ignorance , où ils
ont été de leur tempérament,
qui devoit les obliger de con-
fulter quelque habile Me-
• decin , qui auroit pu leur
donner un confeil falutaire :
s’ils ne l’ont pas fait à qui
peuvent-ils s’cn prendre qu’à
eux mêmes. Un de mes amis ,
* qui a voyagé long-tems
en Levant & qui y eft en-
cores auprès de Monfieur de
Gui lier ngue$ n’a jamais peu
s’accoutumer au Café , &
n’en a jamais pris qu’il ne
l’ait fait vomir *jufqu’au fang$
cela prouve . i n conte ftable-
ment que l’eftomac a fes an-
tipathies , aufli - bien que le
cœur.
Pour reconnoître les oca-
M r g«;
laudv
i8s Traite
fions & les incommodités
aufquelles le Café peut être
dangereux : il n’y a qu’à con-
fîderer , celles où j’ay dit qu’il
étoit bon , & conclurre que
dans des rencontres , ou le
corps efl dans un état oppofé ,
il ne peut être que mauvais.
Ain/i puis qu’il eft bon à des
temperamens pituiteux, à des
efbomacs foibles qui ont pei-
ne à digérer, aux obftruclions,
aux humeurs gluantes , il doit
être mauvais aux bilieux , aux
eftomacs qui digèrent trop
vite qui ont beaucoup de
chaleur, à ceux dont les vaif-
feaux font pleins d’un fang
fubtil Se qui circule avec trop
de rapidité. Ceux qui ont un
crachement de fang , prove-
nant de quelques extremi-
tez de veines , ou d’artéres
XyU C A ï E* *■ Ï87
trop ouvertes , ou dut» fang
trop fubtil SC trop acre , ne _le
trôuveroient pas bien de/ton
ufage. •
' Il eft moins propre aux per-
sonnes maigres , qu a celles
qui font replettes : du moins
ii la maigreur vient d un lang
trop bouillant , qui roulant
trop rapidement & étant trop
fluide , ne peut pa bien, s ar-
rêter dans les pâmes , pour
leur fournir un bon aliment i
car fi la maigreur vient de ce
queTeftomac ne fait pas bien
7a fonction , ou qu’il y ait des
obftruâions dans les entrail-
les qui empêchent la purin-
cation du fang i je Café au
contraire eft excellent , &- IÇ*
engraiffera.- On volt par -»
que c’eft en vain qu on de-
mande fi le Café engrailie ou
Digitized by Google
i88. Traite'
amaigrit. Pour me défaire de
ceux qui de but en blanc me
font cette qu eft ion , j’ay ac-
coutumé de leur répondre 3
qu’il amaigrit ceux qui font
gras, de qu’il engraifle ceux
qui font maigres : ce qui fou-
vent eft tres-vray , principa-
lement félon la manière de le
prendre. Car à jeun il amai-
grit plus qu’aprés le repas..
Mais ce qu’on peut raisonna-
blement demander avant que
d’en u fer , eft fi l’on croit
que fon ufage fera du bien
ou du mal , amaigrira ou en-
graiftera celuy qui en' deman-
TU • V ^ ^ O 1 } • * •
■de 1 avis : a quoy j a y déjà dit
que cela ne fe peut régler que
par le tempérament de ceux
qui s’en veulent «fer vil*. Sur-
quoy il eft bon de remarquer
avec les voyageurs , '“qu’en.
du Café'. iSp
Turquie où les Mahometans
& les Grecs, vivent dans les
memes villes , de dans les
memes villages , .mais avec
des boifTons differentes :* les
Turcs qui boivent du Café,
du Sorbet , du Boza qui eft
un breuvage fait avec le mil-
let, de point de vin , font des
gens gras, frais, difpos , vi^
goureux , le tein bon, l’air'
posé , beaucoup de fanté , de*
nont parmy eux que peu de
gros ventres. Les Grecs au
contraire , qui fe foucient peu
du Café, qui boivent du meil-
leur vin tout pur, & de l’eau
de vie en abondance , font
maigres , fecs , le tein jaunâ-
tre , bilieux de prompts.
Les perfonnes dont le fang
eft trop abondant de trop fub-
cil > ne doivent pas fe fervir
« -* '■ •
i9o Trait e'
du Café dans les maladies de
la poitrine , de peur qu’il ne
le volatilisât encore davanta-
ge , &. ne le fît répandre dans
le poumon. On a veuen cette
ville un homme de qualité ^
qui étoit en cét état , avec
une grande difficulté de refpi-
rer. Il crut être foulagé par
Tufage du Café , mais bien
loin de là , il luy attira une
inflammation de poumon, qui
finit en peu de jours fon mal
avec fâ vie. U y a auflî eu
des Phtiflques confirmés, qui
ayant voulu fe hazarder de
fe fervir du lait Cafeté , en
ont avancé leur mort. Ce
qui fait voir qu’il eft de necef-
fité de prendre quelque pré-
caution quand ôn veut ufer
du Café par remede , foit en
s'informant de ceux qui ont
* * . , ^ *
du Café 191
** été guéris par l’ufage qu’ils
en ont fait , des indiipofitions.
femblables à celles que Ton
fent , fbit en confultant quel-
que habile Médecin.
En un mot , on doit con-
fiderer que les liqueurs qui
roulent dans nos corps , 6c
qui font les mouvemens des
1 refforts de nôtre machine,
. peuvent être altérées en deux
maniérés oposées : fçavoir
lors quelles fe trouvent trop
épaiffies , £U lors quelles lé
trouvent trop fubtilifées. Au
• premier cas n’y furvenant
d’ailleurs aucun obftacle , le
- Café fera bon : au dernier
il feroit mauvais , à moins
que d’ailleurs il ne comba-
tît quelque mauvais levain,
qui pourroit être la caufe
de cette raréfaéiion , par
TR AI TE'
les fermentations qu’il excite.
}e finirois icy ce que j’avois
à dire du Café , n’étoit que
je dois fatisfaire , à l’engage-
ment ou je me fuis mis dans
le huitième Chapitre de ce
Traité , d’examiner le fenri-
ment de Monteur Simon Pauli ^
qui condamne cette fève, par-
ce , dit-il , que l’ufage qu’on
en fait , enerve les hommes
& les rend inhabiles à la gé-
nération : erreur qu’il fonde
fur le récit d’une Hiftoire par-
ticulière & Ole artus Secrétaire
0
de l’Ambafïade que le Duc •
de Holftein envoya en Mof-
covic & en Perfe , qui du-
ra depuis l’année 1633. juf-
ques en 1639. Je vais impor-
ter mot à mot cette Hiftoi-
re , avant que de la com-
batte.
Olearius-
'.DU C A F F.'. I?>3
Olearius parlant des Per- £C
Tes : dit qu’ils boivent de la £C
Cahua ( qui eft nôtre- Café ) £C
ou de l’eau noire qu’ils font £C
d’une forte de fruit qui leur £C
vient d’Egypte, qu’ils apellent £C
Myfler , qui rejGTemble pour £C
la couleur au froment , ayant £C
le goût du bled de Turquie , £C
& qui eft de la grolfeur d’une £C
fêverole. Ils le font , dit-il *
frire ou plutôt brûler dans £C
une poiie , le reduifent en cc
poudre &; le font boüillir £C
dans de Peau , elle fentle brû- £C
lé &; n’eft point agréable à £C
boire. Ils s’en fervent pour £C
modérer la chaleur & la ver- £C
tu d’engendrer : parce qu’ils £C
n’a y ment pas à le voir char- £C
gez de beaucoup d’enfans £C
ainli qu’ils avouent eux- £C
mêmes, venant fouvent con^j
I
*■ <*.
i$4 Traite'.*
5 ,fulter notre Médecin , pour
?> des remedes de cette na-
ture. .
,, On dit, pourfuit-t’il , que
,, 1 ’ufage frequent du Cahue
„rend les hommes tout à fait
„incapables d’engendrer > ôc
„à ce propos ils racontent
„d’un de leurs Rois nommé
„ Sultan Mahomet Kafum , qui
;,regnoit devant le tems de-
^Tamerlam , Ôc qui s’é toit tel-
„ lement accoutumé àcebreu-,
„vage , qu’il en prit une aver-
„fîon inconcevable pour fa
3, femme : laquelle voyant un
3, jour un cheval que Ion avoit
„ jette à terre pour le châtrer >
3,6c ayant demandé pourquoy
„ on le traitoit de la forte : com-i
5 , me on luy dit en paroles cou-;
vertes , que c’étoit pour luy
*>6 ter la vertu generative , 6c
du Café'. i?$.
îe courage qu'ont. les cheyaux tc
entiers : elle répondit que"
Ton n’a voit que faire de pren- tc
dre cette peine, puis que l’eau"
noire faifoit le même effet ; ôc"
'N.,
que fi on en donnoit à ce"
cheval , il deviendroit bien-"
tôt auffi froid que fon mary."
Sur ce récit Mon (leur Simon
Pauli, dans fon Traité de l’abus
du Tabac Sc du Thé , prend
fujet de déclamer aufli contre
le Café, & luy impute.de diflî—
per les principes de la généra-
tion , par l’abondance de fes
parties fulphureufes. Je ne
doute pas que d’autres épou-
vantés de cét effet n’ayent a iiffi.
bien que luy de l’horreur pour
le Café : mais pour en dire
mon fentimentavec le refpect
que je dois à fes Mefîieursj
j’ozeaflurer qu’ils n’ont jamais
r
*
.196 Traite'
bien connu cette graine , de
que quand même cette mau-
vaife qualité feroit dans l’ex-
cez de Ton ufage ( ce qui n’eft
point ) on ne devroit pour-
tant pas le renvoyer aux In-
des de aux Garamantes com-
me fait ce Médecin Danois.
Qui ne fçait que les excez du
vin produisent des effets bien
plus pernicieux : la paralyfie,
î’hydropifie , l’apoplexie de la
mort même ? Cependant juf-
ques à prefent , nous n’avons
pas fçû qu’il y ait eu de Juge
affez fevere pour condamner
à l’exil fon ufage modéré de
raisonnable.
Il eft vray que le Café
abonde fort en fouffre , mais
dans la torréfaction , on ne
pouffe pasaffésle feu pour le
developer des autres princi-
-1 ' K
k ♦-
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D U C A F e\ lÿj
pes:car on a deu voir par l’ana-
ïyie , q ii il ne fortoit qu’âpres
1 efprit , quand on continue le
feu : ainfi ce qui efl dans Je
Café de fidfureux onde buty-
reux , refie enfeveJy dans fon
marc. D’ailleurs quand on fu-
poferoit qu’on prendroit avec
le Café beaucoup de parties
fulfureufes , il efl évident que
ce foufre lié de fon propre
flegme , de fon marc 5c de
l’eau dans laquelle il efl dé-
layé > quand on Je boit ne
peut etre que fort proportion-
ne aux efpnts animaux 5c pro-
lifiques, aufquelsil efl con-
fiant par 1 expérience qu’il ne
donne pas des mouvemens
irréguliers , ny -qu’il ne les
diffipe pas comme fait le vin
par fon fouffre l qui efl plus
agité , plus inflammable 5c
1 3
î$>8 Traite'
pins facile à fe feparerde fon
phlegme 6c de l’eau meme.
Mais pourquoy apeller à
mon fecours les raifonnemens
de la Médecine pour comba-
tte 6c pour détruire l’opinion
de {JAton fleur Simon Pauli ÔC de
ceux qui font dans le même
fend ment que luy pour le Ca-
fé : eft ce qu’il faut pour cela
d’autres raifons que celles que
fournit l’cxperience ? En quel
endroit du monde eft ce que
l’excez de l’ulage du Café eft
plus immodéré qu’en Tur-
quie: 6c cependant d’où vient
que l’on ne s’y eft jamais
aperçu de ce mauvais effet
qu’on luy reproche 5 6c qu’au
contraire les endroits où l’on
en boit le plus abondamment
comme le Grand Caire , font
ceux qui font les oins peuplez?
I
Pigitized
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/
du Café'. 199
D ailleurs, d’où vient qu’O-
Icarius eft le feul qui nous ait
parlé jufques a prefent d’une
particularité fi cohfiderable ,
ôc que Figueroa Am ballade ut
du Roy d’Efpagne auprès de
Schach Jbbai Roy de Perfe ,
qui a demeuré des années en-
tières à Hifpahan avant qu’O-
1 cari us y allât, n’en dit rien
du tout ? La chofe n’étoit pas
indigne de la curiofîté d’un
auïïi habile homme qu’il étoit :
pourquoy l’auroit-t’il tcuë,!uy
qui dans la belle &c exa&e
Relation qu’il a donnée au
Public de fon Ambafïade, par-
le du Café en ces termes, dans
„ la page 307. Les Perles fe
„ fervent du Cahua , pour là
„ fanté & par delice , & ils le
,, croyent très- propre pour
l’eftomac. N etoit-ce pas là un
I 4
*
çpi ;
100 Trait e ;
endroit fort naturel , apres
avoir marqué comme il fait >
les vertus favorables de ce
breuvage , de parler de cette
pernicieufe qualité qu’Olea-
rius lu y impute, 6c particuliè-
rement fi les Perfans en euf-
fent été convaincus par une
expérience auflî generale que
la remarque de cét Auteur l’in- ,
linuë. Peut être que dans le
tems que Figueroa fut en Per-
le , qui-étoit plus de quinze
ans avant Olearius , on ne s’y
ctoit pas encore ap perçu de
cette faculté du Café. Cela
pourroit bien être , car de pa-
reilles découvertes ont leur
tems prefïx , aufli bien que
toutes les autres qui arrivent
dans le monde. Mais par quel
cas fortuit feroit - t’il arrivé
cjue Monfunr Tavernier ce fa-
$
du Cap e\ ior •
menx Voyageur , ruiifïe de
nôtre Siècle , qui a fait de il
frequens voyages en Perfe &C
qui à fejourné fi long-temj
après Figueroa ôc après Olea-
rius , ne fe feroit pas avifè de
nous en dire quelque chofe ,
lu y qui a remarque avec tant
de foin jufques aux moindres
fingularitez de tout ce qui Iuy
a paru tant foit peu extraordi-
naire : feroit ce qu’alors on
s’étoit dèfabufè de l’opinion
que l’on avoit fur cela duranc
le lejour d’Olearius. Il n’y a
nulle apparence, caries (im-
pies n’ont pas des propriétés
dans un tems pour les perdre
peu après.
Si la chofe dont il eft que-
{lion n’ètoit pas d’une extrême
importance , ce que j’ay déjà
avancé , pour juftifier le Café
i i
ï
Digitized by Google
3r °
m *oi Traite'
contre 1 opinion de Simon Pm*
\ I " ffi * olt pour faire voir
quelle e/l mal fondée , mais
ia confequence coofiderable
du fujccm oblige dinfiftcr en-
core plus que je n’ay fait à /a ,
defcnce.Dans cette vuëi'aioû-
tc a mes rai/ons precedentes >
que II quelqu un de nos Euro-
peensqutaeté en Perfe.adeu
uTn ts ‘A7 erkaîI, s iie ^
t Y rT r c UH > on t attribuée
«’eft a5 C V fanS Conteft ation ,
C eft Monfieur Bernier : fon t( t_
moignage pour cela vaudroir
Cetuy de cent autre,. Il v a fe
journé a fies de tetns /po^
? u " ne cc,Je particularité ne
r c V tpasec ^> iur wut
u elle avoitcté auiîi uni verfel-
onem connuc quele Serre»
Wuc ûes Ambailàdeurs dut
rr
du Café', £o$
Duc Je Holftein la écrit. Il
cft grand Philolophe r extrê-
mement curieux ôc très- bon
Médecin , par la juge compe-
tant dans une pareille ren-*
contre. Il femble même que
fa profeflion l’engageoit plus
quun autre , à examiner la
iource de cette malignité du
Café r fupofé qu’il eut apris
qu’elle luy étoit naturelle. Ce-
pendant il eft tres-probable
qu’il n’en a jamais ouy parler,
puis qu'il n’en a point parlé
luy même dans les Relations
qu’il a données au Public de
fes longs voyages. Bien loin
de là > il nf allure par une de
les lettres , dont on verrra la
Copie à la fin de ce traité , que
le Café n’eft gueres connu
dans la Cote maritime de Per-
ie de encore moins en l’erre
I 6 j
So4 Traite'
Ferme : ce gui prouve à mon
avis afTez clairement qu’Olea-
rius n’a pas examiné avec afles
d’exa&itude ce qu’il nous en
a dit.
D’ou vient enfin que de
tous ceux qui ont parlé de la
Perfe , foit avant quedes Am-
bafladeurs cfu Duc de Holftein
y fufient , Toit depuis qu’ils
en font partis, aucun n’a dai-
gné nous dire un feul mot
d’une circonftance aufli nota-
ble qu’efl: celle dont il s’agit.
Cela fait voir infailliblement „
^ue cette opinion n’a jamais
été fi commune parmy les Per-
fàns qil’Olearius l’a marqué 5,
& fuppofé qu’ils devin fient
non feulement infenfiblesaux.
plaifirsde l’amour, mais même .
tout à fait impuifians , pour-.
quoy n’en imputeroit-onpas
DU C À F E'. 10J
plutôt le fet à leurs grandes dé-
bauchés 6c à l’excez avec le-
quel ils prenent de l’Opium >
de l’eau de vie 6c du vin
meme, qu’ils ne font pas fcru-
pule de boire , comme le font
les Turcs, qu’au Café donc
l’ufage n’eft pas fort commun
parmy eux. Ne prenons donc
pas le change , 6c n imputons
point au Café une qualité
nuifible qu’il n’a pas , pour
luy dérober une partie des élo-
ges que tant d’autres proprié-
té advantageufes que per-
fonne ne luy concerte , méri-
tent h bien.
Dans la vingt-neuvième
page de ce traité , j’ay promis
de donner au Public une Let-^
tre que le fameux Monfieur
dernier a eu la bonté de m’é-
crire au fujet du Café. Je fa-
2.06 Traite'
tisfaits à ma parole : la voicy,
Ôn verra parmy les particula-
rités qu’elle contient - que je
ne me fuis pas trompé , lors
que j’ay dit qu’affurement
cette graine perdoit beaucoup
de fa vertu, en s’évantant dans
la longueur du tems qu’il faut
pour la tranfporter du Pais
d’oii elle vient jufques icy :
outre q u ordinairement on fe
fert de li méchante toile pour
l’emballer , qu’il eft impoffible
que fe fechant extraordinaire-
ment , la plus grande partie
de fa force ne s’exhale..
' ’ i!T i y . 1 > (' * V » - . )
•*- > *7 r*
S . •
i •• * * r. ■ V, ‘
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A
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Vf U C A F H. 2QJ
* /
LETTRE.
I\Æ Onsieur,
“ J - •
Je vous écris puis que vous
le voulez tout ce que j’ay apris
du Café fur les lieux même
d’où Ton nous l’aporte où j’ay
fait quelque fejour_ U n’eu
vient que dans un feul petit
canton du monde , à fçavoir
dansrYeman,ou Arabie Heu-
reufe.. Onl’aporte des Monta-
gnes du Païs à Moxa , à Lou-
haïa 6c autres Ports de mer
qui font le long de la Côte de
la mer rouge, doù on le char-
ge fur de petites barques pour
Gidda ou Zeyden , qui eft un
port de mer de l’Arabie Petrée.
dans l’Etat du Chen f de k
108 T R A I T £'
Meque, qui n’en eft éloignée
que de fept ou huit lieues. Les
Arabes en tran (portent beau-
coup fur leurs Chameaux à la
Meque pour cette efpece de
foire qui s’y tient tous les ans
à la Pâque des Mahometans :
c’eft là que toutes ces gran-
des & differentes Caravanes
qui s’y trouvent alors , s’en
chargent à leur retour cha-
cune pour leur païs > mais la
plus grande partie eft tranfpor-
tée de Gidda à Suez , Port de
mer à la tête delà mer Rouge,
éloigné du Caire d’environ
vingt-deux lieues , tant fur •
deux Galeres , que fur fept ou
huit groffes Barques, qui vien-
nent là exprez d’Égypte tous
les ans. Les Caravanes le tranf-
portent enluite de Suez au
Caire 3 d’où il fe répand par
■v» " T ".
DU C A F E*. 209
tonte la Turquie ôt ailleurs
julques à Marfeiile.
P re fente ment les Anglois
&; les Holandois , qui tous les
ans viennent des Indes Orien-
tales à MoKa dans la mer Rou-
ge, à deux lieues du détroit de
Babel-Mandel , en chargent
beaucoup lur leurs Vaifféaux
depuis que cette boilïon s’eft
introduite en Europe.
. L’on n’en ufe’ que très peu
dans les Indes Ôt dans la Per-
fe > il ne paiTe prefque pas les
Ports de mer , & n’entre que
peu ou point dans les terres >
mais il fe répand , comme je
viens de dire , par toute la-
Turquie & tous les Turcs ne
manquent pas d*en prendre
tous les matins &; fur le foir
ou chés eux , ou dans des
lieux publics deflinez pour
*
no Traite'
cela , deux où crois tafTes , fans
conter ce qu’ils en prennent
çà & là le long du jour ï car
dans toutes les bonnes maifons
l’Ibriq ou Coquemard de cui-
vre où on le fait cuire eft ordi-
nairement auprès du feu , êc
ce feroit une grande incivilité
dans les vi fîtes de ne pas pre*
fenter le Café.
Pendant un an &; demy que
je démeuray £n Egypte , je ne
m’accommodois pas fort de
cette boifTon , mais lors que
je fus dans les ports de l’Ara-
bie Heureufè , à Louhaïa & à
Moiea où je fejournay cinq
•ou fix femaines : je la trou-
vois excellente, quoy qu’on
ny mift point de Sucre non
plus que dans toute la Tur-
quie, & j’en beuvois tous les
jours avec plaiflr les cinq ou
♦
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w-
fWJJWPI
i •' du Café' m
| /îx taftes. Il eft hors de doute
qu’il eft incomparablement
meilleur là qu 'ailleurs , parce
qu’il y eft plus frais. Il eft de
ce petit fruit comme de nos
Amandes 6c de nos petites fè-
ves , qui à les garder perdent
beaucoup de leur bon goût,
fe fechent 6c s’évaporent :
aufti eft ce pour cela que les
Turcs le tiennent bien enfer-
mé , & qu étant pilé , ils le
eonfervent bien ferré dans des ’
fàcs de cuir.
Je ne fçaurois vousidire Cl
c eft une efpece de fève qui fe
feme tous les ans comme les
nôtres , ou le fruit de quelque
arbrifteau : je ne trouve point
cela dans mes Mémoires , ce
que je puis vous dire de plus
aftiiré , c’eft que ce doit être
quelque efpece de Volvulus »
\
Die
lll T R A I T B'
parce qu’il me fouvient tres-
bien qu’on me dit qu’on le
plante proche du Mouzé con-
tre lequel il s'apuye 6c s’a cro-
che. Or le .Mouzé eft ce que
les Portugais des Indes apel-
lent le Figuier d’Adam, à cail-
lé de Tes feuilles qui ont quel-
quefois une demie brade de
long* 6c la moitié autant de
large.
, Pour ce qui eft de fes pro-
prietez , je difois autrefois
en Egypte qu il en étoit du
Café comme du Tabac, que
ce n’étoit qu’un amufement
des Turcs , qui la plufpart du
tems ne fçachant que faire,
non plus que la plufpart de nos
Marchands qui font dans ces
Pais la, s’en vont une ou deux
fois le jour pour fe divertir
& pour caufer , s’afteoir aux
Digitized by
D IJ Ç A P tj t
Ba 2ars Publies & ’ ir ?
* a “é,po tlr fumer uîe 0 S l,C
P'pes de Tabac X ? X
c!eux 0l > trois rafles dttc r
la" taffe^ 0 " mardlé > que
pris <>ouc &■ n -, \ a y avoir
mé & ^ ctre acoutu-
nient J qu’i/ tr0UVe - : P^miere-
quand^ n0Urnt bc aucoup.
qua n da„ fflatlndansJcsv o P-
«4\ «la v r n r^ ,ne bonne
^Ptoulmirk US °j tlenc pour
c r C“Kr*‘
courrier nv L 1 ! 1 )' a,, y
re qui j ’air r me de & uer -
Cafô \c t Z PC " C *
Secondement 1 a fcte , t ,' 1 e -
* 2,14 Traite'
ôc étourdiflemens, ôcc. Trei-
zièmement, qu’il efl: générale-
ment meilleur aux gens froids
6c flegmatiques comme fontv
la plufpart des Turcs qui man-
gent peu 6c qui ne boivent pas
d’ordinaire de vin , qu a ceux
qui font d’un tempérament
chaud 6c maigres : car quoy
qu’il ferve fouvent à ces der-
niers , nçanmoins comme il
efl: un peu aftringent 6c fec , il
les échaufe 6c leur nuit à'ia
fin , principalement s’ils en
font un grand uiage.
Voila àpeu prés, Monsieur,
tout ce que je fçay du Café 5
cardeluy aller donner toutes
ces grandes vertus que la. nou-
veauté plutôt que la vérité ou
l’experienée lu y atribuë > je ne
fuis pas homme a cela , 6c je
ne fuis plus Médecin qui aye
-t « y 1 f t
.4
du Café'. zi$
befoin de quelque amufcment
nouveau pour Tes malades :
ce n’eft pas là ce Quinquina ,
ce miraculeux Fébrifuge , ce
divin remede que les Hipo-
crates auroient pour ainfi di-
re adoré s’ils l’avoient connu.
Jamais les anciens n’ont pu
afïurer à un malade ce que
nous pouvons faire prefente-
ment , apres trois ou quatrç
pri fes de ce remede , vous
n’aurez plus la fièvre, vous
mangerez avec appétit , vous
ferez guery > mais laiffons là
le Quinquina , ce n’efl pas
ce que vous me demandez &
revenons au Café. J’oubliois
à vous dire qu’il doit y avoir
une adreife particulière à le
torréfier 5 car je me fouviens
que dans le tems que j’étois
au Caire , qui eft le lieu du
t -
Digitized by Google
V
i \6 Traite'
Levant où il s’en boit le plus , .
il n’y avoit que deux hommes Y
qui fu lient en réputation pour
cela. Je voudrois pour votre
fatisfaétion vous pou voir four-
nir des éclairciflemens plus
précis , h j’avois cru qu’un
jour le Café eut pu me pro-
curer le plaifir de vous en fai-
re , j’en aurois fait de plus
grandes recherches. C’eft de
quoy vous devez- être forte-
ment perfuadé , aulîi bien que
de la palfion avec laquelle je
fuis &c.
Tin du Traite du Café ;
AVIS
✓ Sur les Traitez
DU THE',
ET DU
C H OG-0-t AT E. ■«
Prés avoir fini le
Traité du Café} —
pour fatisfaire à
t engagement ou je
me finis mis par le titre de ce
Livre , je dois encore parler
du Thé ft) du Chocalate . Pour
reujfir dans ce dejfiein , il me
K
Digitized by CjOOqIc
r*i8 avis
faudroit faire me courfe en la
Chine ftj en l'Amérique , qui
nous fourmffent l'un fê) l'au-
tre. Mais comme ces Pais ta
font des terres auflrales pour
moy y je crois que fans mex-
pofer aux foins fê) aux nfques
des ^voyages de fi long-cours ;
je feray mieux de confulter
fur les chofes que je njeux
fça<voir , des gens habites qui
ont été fur les lieux. Ils pour-
ront minflruirc de tout ce qu'ils
y ont apris 3 touchant la natu-
re fè) les qualitez.de cette feuil-
le fg) de cette compofition 3 fjtfi
me donner par la le moyen d'en
inflruire auffi les autres. Le
R. P, de Rhodes , & Nieuhojf
AVIS. 119
m qui ont ^voyagé fg) fejourné
long-tems à la Chine > réap-
prendront tout ce que je pour-
rois apprendre du Thé , quand
même firois men informer à
Peking ; fé) Thomas Gage qui
a couru î Amérique pendant une
douzaine d'années , me dira
fur le Chocolat , tout ce que
men pourraient dire çeux qui
en connoijfent plus parfaitement
les propriété^, fi fallois les en
quejiionner à Mexico . T) ailleurs
Marradon 3 Colmenero 3 Mede-
cins Efpagnols qui en ont écrit 3
fê) Moreau Médecin François ,
qui a traduit commenté leurs
Ouvrages , me communique-
ront ce quils en fça^vent. Par le
K x
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210 AVI S.
fe cours des uns ÿ) des autres *,
je me tireray de la necejjîté d al-
ler aux Indes Orientales &) Occi-
dentales . Ce fl fans doute un
grand foulagement pour moy >
de trouver des aides fl favo-
rables , qui me fournirent fans
fortir de mon Cabinet , dequoy
. donner au Public ce que je luy
ay promis . Mats ce foulage -
ment a fes peines : il faudra
que je voye les chofes de leurs
ytux , que fen juge comme ils
en ont jugé , que j’en parle
comme ils en ont parlé : en un
mot > il faudra que je fois pla-
giaire en la plufpart des chofes
que je diray. le préviens par
l ingénuité de cét aveu , le re-
Digitized by Google
AVIS. tu
proche quon pourroit ni en fai-
re. Ce que fajouteray dans les
fujets que je traite , à ce que nom
en ont déjà dit les Auteurs qui
en ont parlé 9 ne fera pas confi-
derahle : mais du moins on y
trouvera un ordre quaucun
d eux ne s'ejl encore a<uisé de
leur donner , fë) peut être mê-
me quon gryoïtera que de ces
matériaux qui fe trouvent ail-
leurs difperfe^ ft) tout à fait
hors diceu^vre , fen ay fait un
batiment afés régulier .
K 3
Digitized by Google
-d by Google
4 Æ 4
Jl . -
?J9 . æStM
--5
D U T H E'.
Chapitre I.
JDe la nature du The\ de fin nom ,
des lieux d'où il vient & de
f ancienneté de fin ujage.
— %vf ! E Tître que
p g ' j’ay donné à
MJ '‘ce Livre , 8c
y a entre le
Café 8c le
, m’invite après avoir
K 4
124 T R A I t'e'
examiné exactement jufques
icy la nature 6e les vertus du
premier , de traiter mainte-
nant de l’effence 6e des qua-
lités du dernier. Les Pais
étrangers nous ont donné 4’un
6e l’autre. C’eft à l’Arabie que
nous devons le Café 6e à la
Chine que nous fommes re-
devables du Thé. Leur goût
eft également amer. Ils ont été
connus en Europe prefqueeft
même tems : on les boit tous
deux auffi chaudement qu’on
le peut foufFrir , 6e l’experien-
ce aufli bien que les récits
que nous en font ceux qui
en ont écrit , leur attribuent
a peu prés les mêmes effets.
Il y a pourtant entre eux cette
notable différence que le Ca-
fé eft une graine , 6t le Thé
O 7
une feuille. La Méthode donc
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Du The'. 115
je me ferviray pour parler de
celuycy » fera la meme que
celle que j’ay obfervée pour
parler de l’autre , quoy que
nos decouvertes pour le Thé
ne foient pas encore allées fi
loin que celles que nous avons
faites pour le Café , dont l’u-
fage nous eft bien plus fami-
lier que celuy du Thé.
Le Thé eft une feüilie qui
vient dans la Chine St dans
le Japon. Les Chinois l’apel-
lent Thée , les Japonois St les
Indiens Cha ou Tcha y les Tar-
tares St les Perfans Tay ou
Tz>ay , St les Européens Thh '
On la fait fecher pour la tranft
porter en Alie St en Europe.
L’Arbrilfeau qui le porte, dont
la figure eft au commence-
ment de ce Traité , eft fi peu
connu de nos Botaniftes > qu’il
K j
ut Traite'
eft ce me femble de la pru-
dence , avant que de dire au
Public les lentimens que j’en
1 ay , de leur apprendre ce
* que les Voyageurs nous en
ont raporté.
L’Auteur du Livre intim-
ité j l’Ambaftade des Provinces
unies * vers l’Empereur de la
Chine, imprimé à Leyde i 6 y 5 .
* Nieu . * dans la defcription qu’il fait
iiC)J * de cet Empire, parlant du-Thé
aidansla page 74. dit. Les plus
* «excellentes feuilles de cha.
5 >ou de Thé, le trouvent dans
»h Province de Kiangnon, 6c
spécialement prés la Ville
«Hœicheu. Cette feuille eft
«petite & toute femblable à
«celle qui produit le Sumach
«des Conroyeurs ; je croy
«prefque, que c’en eft même
' «une efpece ; toutesfois el te
Digitize
î) u T h e\ iiy
n c ft pas fauvage, mais do-«
meftique 6c cultivée > ce«
n’eft pas aulli un arbre , mais«
un arbrifleau qui s’étendent
diverfes petites branches 6c t
jolis rameaux. Sa fleur apro-<c
che fort de celle de Sumach«
hormis que celle de Cha tiret
davantage fur le jaune. Ellet
pôufle en Eté /a premières
fleur , qui ne fent pas beault
coup , 6c fa baye de verte £c
devient noirâtre > fes bran-t
ches (ont vêtues de fleurs^
blanches 6c jaunes , dente-“
lées 6c pointues depuis le bas cc
jufques au haut. . «c
Pour faire le breuvage de tc
Cha tant eftimé par les In- tc
diens , on ne recherche que« c
la première feuille qui naît tc
au Printems , qui eft àuifl la 4 *
plus mole > & la plus doit- **
K 6
xi8 Trait e'
„ca te. Ils la cueillent avec
«beaucoup de foin, l’une apres
«l’autre de feparement , puis
«ils la font chauffer tout aul-
«fi- tôt un peu de tems dans
«un coquemard à petit feu
«& lentement , de l’envelo-
«pent dans un matelats de
«toile de coton bien fine , de-
«liée de unie, la pouffant de
«remuant avec les mains : ils
«la remettent fur le feu , étant
«ainfi envelopée , de la fro-
«tent pour Ja fécondé fois ,
«jufgues à tant qu’à force de
«de s’entortiller de de s’apelo-
«toner , elle foit enfin tout
«à fait feiche. Après ils la
«ferrent pour la plufpart en
«des vaiffeaux d’étain , qu’ils
«bouchent de feellent très-
«bien, de peur que la fubftan-
«cc de qualités trop fubtifes
V
■ - -^rgy-
N
du The'. 229»
ne viennent â s’évaporer : cc
car après l’avoir gardée fort 44t
long-tems, fi on la jette en 44
1 eau bouillante, elle reprend 44
/à première verdure , s’étend 44
ôc fc dilate, Ôc fi elle eft bon- 4 *
ne , elle donne à l’eau un 44 -
go ùt <k une odeur agréable 44 -
ôc une teinture verdâtre. «•
- Les Chinois luyont don- 44
né divers noms félon la di- 44
verhte des lieux où elle croit 44
ÔC des vertus quelle peut 44 :
avoir. Comme celle de Hœr- cc
chcu eft la plus excellente, 44
aulîi 1 ont-t ils nommée Slun~ Ci
gocha & ils la valident par 4c
fois 150. francs la livre. Sa 44
femence noirâtre jettée en 44
terre , produit au bout de 44
trois ans de jolis arbrifleaux 44 -
de la hauteur de nos^groi-^
feliers ou rolîers > dont on.<<-
1
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Traite'
,,faic tous les ans unetres-rî-
„che recoke : les neiges 6c les
«grêles n’étant point capa-
bles de l’empêcher parleurs
«rigueurs i de forte que je
«me perfuade qu’ûn pourroit
«ai fe ment cultiver cette plan-
ète en notre Europe fî on
«femoit de fa graine en quel-
«que lieu ombrageux 6c fer-
tile. --Ov
Le Pere de Rhodes dans fes
voyages qui! a donnez au
jour en fait cette defcription:
«Le Thé eft une feuille gran-
«de comme celle de nos
«grenadiers , elle vient en
«des arbnfleaux femblables au
«Myrte. Il n’y a dans tout le
y monde que deux Provinces
«de la Chine ou elle fe trou-
«ve : la première eft celle de
«Nanquin > ou vient le. meil-~
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r J*? »
*> ; » Th b'. 131
leur Tire , qu ils appellent»
ch a : 1 autre eft la Provin-»
ce de Chincheau. La recol-»
te de cette feuille de fait en»
ces deux Provinces avec le»
même foin, que nous faifons»
nos vandanges : l'abondance»
en eft fi grande , quelles»
en ont allés pour fournir le»
refte de la Chine , le Japon , 1 *
le Tunquin , la Cochin-»
chine &; plufieurs autres».
Royaumes^ où fufage du».
Thé efl fi ordinaire , que»
ceux qui lien prennent pas*
trois fois^jour , font les»
plus modérez. Plufieurs en»
prenent dix ou douze fois ,»
ou pour mieux dire à toutes
heure.
Quand cette feuille efi» c
cueillie, on- la fait bien fe-« .
cher au four r puis on la fax*
i.n Traité'
*
«me dans des vales d’étain
«bien bouchez , parce que Ci
«elle s’-é vante elle eft perdue
0 > c r .
«et n a aucune force , comme
«le vin qui eft é vanté. Je
«vous la 1 lie à penfer Ci McC-
«fieurs les Holandoivont bien
«loin de cela quand ils la yen- >
dent en France,
Tulpiui Médecin d’Amfter-
dam dans les Obfervations- '
Medecinales livre 4. chapitre
j p. parlant de cette herbe en
«dit cecy de particulier. Il n’y
«a rien de plus ordinaire aux
«Indes Orientales, que lebreu- j
«vage qui Ce fait d’une de- *>
«coclion de cette plante que \
«les Chinois nomment Thé,ôc |
«les Japonois Tchia , de la-
«quelle je ne feray pas diffi-
«culté de donner à la Pofte- . %
«n:é 3 toute la connoiiTancç 1
^ . v «
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Du Th e'. 135
que m’en ontapris ceux quiet
ont eu le fouverain com-«
mandement dans ces païs-là.cc
Comme donc cette plante a«
fes feüilleslonguetes , poin-«
tues êc dantelées en fa cir-ec
conférence, aufli a t’elle d’au-«
tre part fes racines fibreufescc
& partagées en très petitesec
particule s, & ne croît pas feu-cc
lement dans la Chine 6cdans«
le Japon 5 mais aufli dans«
chiam , ou Siam : cepen-<c
dantil y a cette différence ,«
que les feuilles de la Chi-«
noife font d’un verd brun,«-
tirant fur le noir 5 & celles**
de la Japonoifc font d’un, verd «•
plus pâle ou décoloré , &<c
d’un goût plus agréable. Ce<«
qui eft aufli caufe que le< c
Tchia du Japon efl de beau-«
coup plus eftimé que Je Thé«
te
^34 Trait e'
«de la Chine , de forte qu’il
«arrive fouvent qu’une -feule
«livre de ce Tchia fe vend au
«prix de cent francs.
Il paroît quelque différence
dans les fentimens de ces Au-
teurs fur le Thé , car Nieuhoff
qui nous a donné la Relation
de l’AmbafTade de la Chine ,
dit qu’il n’en croît que dans
deux Provinces de ce Royau-
me là , ôc point du tout ail-
leurs. Le Pere de Rhodes affure
au contraire , qu’il en croît
aufli au Japon £ Sc Tulfitis
écrit qu’il en vient encore du
Royaume de Siam. Cela eft
de peu d’importance , le prin-
cipal feroit de fçavoir fous
quelle efpece de plante le Thé
doit être rangé , ôc cela eft tres-
dificile , parce que nous n’en
avons encore veu que la feüil-
du The' Z35
le feche , fans graine , fans
fleur 6c fans racine. Nieuhojf
panche à la ranger entre les
efpeces de Sumach , qui eft un
arbrifleau connu dans ces pais.
Gafpard Bauhin dans Ton Pi-
nax , le met entre les efpeces
de fenouil. Bonttws dit que le
Thé , efl: une petite herbe ,
dont les feüilles dentelées ref-
femblent à la petite confoude.
Simon Pauli dans fon Traité de
l’abus du Tabac 6c du Thé ,
tâche d’établir que ce dernier
n’effc pas particulier à la Chine
6c au Japon , mais que c’efl
une plante connuëdans toute
l’Europe : fçavoir celle que
l’on appelle en Latin Chama-
leagnm ou Myrtus Brabantica »
en Allemand Poft » en Fran-
çois Piment Royal , en Danois
P or s y 6c en Flamand GageL
13 <> T R A I T E'
La differtation qu’il fait la
deiTus , eft trop longue pour
la raporter dans un petit Trai-
té : j’y renvoyé les particu-
liers qui voudront être in-
formez de ce qu’il en écrit ,
me contentant de dire que
peu de perfonnes ont été de
fon avis , parce que ce n’effc
pas afTés d’examiner la relfem-
blance extérieure des feuilles
d’une plante pour en établir
l’efpece 5 mais qu’il faut en-
trer dans des autres conlide-
rations pour en juger avec
plus de fureté. Sur le prin-
cipe de ce Docteur , on pour-
roit bien aufîi mettre le Thé
fous le genre du Sumach ou
de la Betoine , parce qu’il leur
refTemble. Mais je crois que
iniques à ce qu’on en ait pris
de plus grands éclairciire-
Digitized by Gogglej
du Th e'. 137
mens, la chofe doit demeurer
indecife. D ailleurs cet Auteur
fe détruit luy meme parce
qu’il raporte que les Païfans
des Pais Bas mettent de ce
Chamæleagnus dans la biere
pour la rendre plus forte 6c
plus propre à enyvrer 5 ce qui
eft entièrement opofé au Thé,
dont une des principales qua-
lités eft de defenyvrer.
Maginus dans fes commen-
taires Géographiques, dit que
les petits Tartares qui fe nour-
riftent mal , qui boivent de
l’eau , du lait , 6c d’une boif-
fon qu’ils font du millet, ôc
qui s’abandonnent à l’excez
du vin quand ils en peuvent
avoir : pour remedier à tou-
tes les facheufes fuites que
pourroient produire leurs ali-
mens 6c leurs breuvages, fe
.2,38 Traite
fervent de differentes herbes
qui crolifent le long du Ta-
naïs , 8c entr’autres d’une dont
ils font grand état , quils
apellent Baltracan. Elle les
nourrit 8c leur donne de la
vigueur. Dés que fon fruit
paroit , ils abandonnent leurs
campagnes incultes 8c * vont
chercher cette plante , dont
ils font la plus grande provi-
lion qu’ils peuvent. Ils en font
un fi grand cas, que quand
ils n auraient antre chofe à
manger , elle feule leur fuffit.
Simon Pauli qui s’eft imaginé
que le Thé croiffoit parmy
eux comme à la Chine , a cru
qu’ils n’en faifoient point d’é-
tat, puis que Maginu» ne nous
dit point qu’ils s’en fervent.
Mais ce n’eft pas- dans cette
Tartane qu’il le faut cher-
Digitized
du The'. 239
cher : la Tartane elt d’une
prodigieufe étendue, Sc con-
tient plufieurs Climats diffe-
rens. Ceux qui ont écrit qu’il
y croifloit du Thé , 'l’ont en-
tendu de la Tartarie Septen-
trionale , voifine de la Chi-
ne , d’où font fortis les Peu-
ples qui ont conquis ce vafte
Royaume. Nos Géographes
anciens apelloient ce Pais là
le Cattay , mais nos Moder-
nes ont découvert , que ce
qui s’apelloit ainfi en Alie ,
n’étoit autre chofe que la
Chine Septentrionale. Il eft
donc encore incertain fi le
Thé croît en quelques en-
droits de la Tartarie , puis
que ce Pais là nous eft fort
inconnu.
Plufieurs de nos Ecrivains
doutent fi- c’efi: un arbrifleau
D
140 Traite'
ou Amplement une plante qui
nous donne le v Thé. Il y en
a qui croient que c’eft une
herbe médiocre , puis que fes
feüilles ne font point épaif-
fes , qu’elles font odorantes ôc
qu’elles communiquent tres-
facilement leurs qualités à
l’infu Aon qu’on en fait : mais '
ceux qui ont été fur les lieux
nous ayant alluré que c’eft un
arbrilTeau nous bayant dé-
peint tel dans la figure qu’ils
nous en ont donnée , ce feroit
à mon avis s’éloigner de la
raifon que de ne le pas
croire.
L’ufage du Thé femble
n’être pas fort ancien dans la
Chine * puis que leurs vieux
Livres n’ont point de Caraéte-
res pour en exprimer le nom ,
domine en ont toutes les autres
chofes
\ .
\
Digitized by Google
rrf- Tl '*?'**•"
du Th eV 2.41
chofes qui leur font connues
depuis long- teins. Simon Failli
croit qu’il y a feulement été
introduit depuis que les Tar-
tares s’en font rendus les maî-
tres : ce qui arriva en l’an-
née 1644 dequoy il y a bien
peu d’apparence , puis que
nous le connoiflîons en Euro-
pe même déjà dez le com-
mencement de ce Siecle. Bau-
hin que j’ay cité en fait men-
tion dans ion Pinax imprimé
dez lan 1613. Ce font les Ho-
landois qui nous l’ont aporté
par leur commerce dans le
Japon &. dans la Chine. Sur-
quoy il efb curieux de remar-
quer une œconomie qui leur
ed ordinaire pour ce négo-
ce, qui nous fera compren-
dre , qu’ils nous le pour-:
roient laiifcr en Europe à aulli
L
Digitized by Google
24L Traite'
bas prix qu’on le vend fur les
lieux d’où il vient , & ne pas
laiffer d’y gagner beaucoup.
C’eft qu’ils ne l’achetent que
rarement argent contant,* mais
qu’ils le troquent tres-fou-
vent contre des marchandifes
qu’ils portent de l’Europe &c
qu’ils font paffer à des prix
qui leur donnent des profits
extraordinaires, entr’autres de
la Sauge , qui ne croit pas
à la Chine. Ils en font l’élo-
ge comme d’une herbe dont
les vertus font extraordinaires
pour une infinité de maladies
aufquelles les Chinois font
liijets. Et en effet ils s’en
trouvent parfaitement bien ,
tellement que perfuadez par-
tie par ce qu’on leur en dit ,
& partie par leur propre ex-
périence , ils ne fe font aucu-
* t * ‘ * * '
du Th je\ 243
ne peine de donner ordinai*.
rement deux livres de Thé
pour une livre de Sauge. Ce
qui fait connoître les avanta-
gesconhderables que leur pro-
cure ce négoce & les moyens
quils auroient de faire grand
marché ,du Thé s’ils le vou-
loient.
^ - Chapitre IL
Du choix du Thé , des Pays ou
il cfl en ufage & de lu ma-
nière de l'aprêter,
y •
U Ne des précautions la
plusnecelfaire pour avoir
du bon Thé , eft de le choifir
le plus recent qu’on le pourra
trouver : pour être recent , il
faut qu’il foit verd obfcur. Si
nous en recevions de celuy
\
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' ) -
244 Traite
que les Chinois tiennent pour
excellent , il donneroit à l’eau
dans laquelle on le fait infu-
fer une couleur verdâtre , à
ce que dit Monfieur Taver -
nier dans fa Relation du Tun-
quin 5 mais il ne nous en
vient point de cette*qualité *
6e celuy qu’on nous aporte
ordinairement teint fon infu-
fion en jaune. Il faut qu’il
foit amer 6e qu’il ait une
odeur douce 6e agréable-, fort,
aprochante de celle de la vio-
lette. Dans les Païs même qui
le produifent on fait grande
différence de Thé à Thé,
6e le prix s’y réglé par fa
qualité. Il y en a dans le Ja-
pon , à ce que nous difent les
Auteurs , qui s’y vent cent
francs la livre. Monfieur Ta-
ycrnicr porte la chofe bien
Digitized by
. du The'. i4f .
plus avant , car je fçay de luy-
même , de fi je ne me trom-
pe Tes Relations le marquent s
quil en a veu vendre jufques
à cinq cent francs la livre : il
efl; vray qu’il dit que ce n’efl
pas de la fcüille , mais de la
fleur , qui efl: refervée pour
la bouche des Princes , à
. caufe dequoy quelques-uns
l’apellent The Impérial. Ap-
paremment nous ne fçavons
en Europe ce que c’eft de ce-
luy de cette forte , du moins
chés les particuliers. Sa cou-
leur efl: d’un verd beaucoup
plus clair que le commmun.
Il ne faut pas douter que fes
effets nefoient aufli beaucoup
plus fenfibles de fon goût plus .
agréable. Ceux qui veulent
conferver le Thé , doivent
bien prendre garde qu’il ns
L 3
Traite' -
s’évapore , s’il le fait il pert
tonte fa vertu aufli bien cjue
le Café. C’eft pour cela qu on
a grand foin de le renfer-
mer dans des vafes d’étain les
mieux bouchez qu’il eft pofli-
ble, afin qu’il ne prenne point
d’humidité 6c qu’il ne s’éven-
te pas.
Le Thé eft en grande ré-
putation 6c en grand ufage
dans la Chine , dans le Japon %
•dans le Tunquin 6c dans la
Tartarie , d’où il a pafle dans
les Indes 5 dans la Perfe 6c
dans la Turquie , pù pourtant
il s’en faut bien qu’il foie d’un
ufage aufli commun que le
Café. Pour ce qui eft de nô-
* tre Europe , il eft en grande
vogue 6c en grande eftime
en Angleterre : on peut en
juger par le nombre des lieux .
. D U T H E'. 147
publics deflinez à en vendre ,
qui à Londres feulement vont
au delà de trois mille. On a
été obligé quelquefois de les
faire fermer , parla mêmerai-
fon qui fit que Ton défendit
il y a quelques années les Ca-
barets à Café : ce que je ne re-
dis pas pour éviter une répé-
tition inutile 6c par confe-
quent ennuieufe. On fait
aufli ailes de cas du Thé en
France , en Holande , en Ita-
lie : mais peu ou point en Efpa-
gtie 6c en Alemagne , où les
Peuples ne font pas fi curieux
des nouveautés , 6c fe tien-
nent à leurs anciens ufages.
Les Al'emands au vin 6c à la
biere , 6c les Efpagnols aa
Chocolaté 6c au vin : le Thé
ny le Café n’étant pas beau-
coup connus parmy eux.
A T 1
i- 4 *
4
* Digitized by Google
V •
248 Traite'
Pour ce qui eft de la ma-
niéré d’aprêter ie Thé & de
le prendre , elle n’eft pas fort
differente de celle du Café ,
ft ce n’eft que le Thé étant
line feüille & par confequept
1111 corps plus ouvert & moin*
folide que le Café qui eft
une fève , donne plus facile-
ment fa teinture a l’eau
& a moins befoin d’êtrp
boüilly.
Voicy la maniéré dont les
Chinois fe fervent pouracom-
moder le Thé 3 à ce que dit le
n Vere de Rhodes. Vis font bouillir
„de l’eau dans un vafe bien
pet , quand elle bout bien ils
3,1a retirent du feu & y mettent
„de cette feiiiile félon la pro-
portion de l’eau 5 c*eft à di-
„re le poids d’une demy dra-
? ,gme de Thé , fur un bon
4
1
s
Ÿ
J
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Google
Diç
V ^ ; :
* . "
• ; j
* du The 7 . 14?
verre d’eau. Ils couvrent biencc
* le vafe , 6c quand la feüillecc
va au fonds de l’eau , c’efttc
pour lors qu’il eft tems de<c
la boire > parce que c’eft Iors<c
que le Thé luy a communi-t«
que fa vertu , 6c la rendues
rougeâtre. Ils la boivent la^
plus chaude qu T ils peuvent >< c
ft elle eft refroidie elle ne«
fera pas utile. La même feiiil-cc
le qui eft demeurée au fond«
/ du vaze peut fervir une fe-< c
conde , fois 5. mais alors on<<
la laifte bouillir avec l’eau, cc
Les Japonnois dit enco-^
re le même Pere , acommo-«-
dent autrement le Thé , carte
ils le mettent en pouffiere } «c
puis le jettent en Peau boüil-tc
lante * avec laquelle ilsava-tc
lent tout. { Je ne fçay pas fi<*
cette maniéré de le prendre *
L S
D
» r
1)0 T R A I T E*
5 ,eft plus falutaire que la pre-
mière : je me fuis toujours
fervy & bien trouvé de cel-
le qui eft commune parmy
3 ,les Chinois : les uns & les
3 , autres mêlent un peu de
Sucre avec le Thé , pour
en corriger l’amertume , qui
p, pourtant ne me femble pas
defagreable.
Oleariu* dans fon. Voyage
de Perfè , remarque qu’en ce.
Païs la on y ajoute quelque
fois en le préparant un peu
d anis , ou de fenouil, ou bien
quelques doux de Girofle.
Suivant ces avis &. les
5Î
3>
3 >
épreuves frequentes que y en
ay faites, pour faire deux bon-
nes taffesde Thé, il faut pren-
dre une chopine d’eau que
l’on fera boüillir dans un co-
quemar d’argent , de cyivre
V **
du The'. 251
étamé ou de terre vernilfée >
& lors c] ue l’eau bout on y jet-
tera environ une dragme de
Thé , 6c en même tems on re-
tirera le coquemar du feu pour
le laifler un demy quart d’heu-
re couvert , qui eft le tems
necefTaire pour que la feüille
foit allée à fonds , 6c que leau
ait bien pris la teinture. Alors
on la verfera doucement dans
des tafles de Porcelaine ou de
fayence , ou on aura -mis la
grolTeur d’une noifette de Siw
cre commun ou de Sucre can-
dy > ou bien on tiendra le
Sucre dans la bouche , com-
me on a acoutumé de faire
aux Indes, 6c l’on boira aulîî
chaud que l’on pourra gorgée
à gorgée , comme je la y dit
du Café.
On peut prendre le Thé à
L 6
~ l“l l!BT'
ijt Traite*
jeun , immédiatement apres. .
le repas 6c à toutes heures x
félon le but qu on fe propofe.
Si c’eft pour abatre les va-
peurs qui caufentles maux de^
tête, on peut en ufer avant que-
d’avoir rien mangé. Si c’eft
pour fortifier l’eflomac 6C pour
ayder à la digeftion,on doit le
boire immédiatement après le
repas. 6c à moins qu’on ne
veuille dormir, à quelque heu-
re^ u’on le prenne, il ne fçau-
roit être malfaifant..
Les Chinois ont leurs va-
fes d’une efpece de Bol rougp
ou de terre figillée > dans lef- '
quels ils font leur infufion *
6c ils croyent quelle y e£b
bien meilleure que dans d’au-
tres : je ne fçay pas fi celaeft*
mais je fçay bien que la figu-
re m’en paroît. fort jolie ; on
Digitized by Google
du The':
en jugera par le delfein que
j en ay fait graver au com-
mencement de ce Traité. Au
defaut d’en avoir de cette for-
te ce qui feroit affés difi-
cile en ce Pais r on peut fe
fervir de to u ce autre forte de
pots* pourvoi qu’ils ne puif-
fent point communiquer de
mauvaife odeur y ny de mau-
vais goût à l’infufion , 8c qu’ils
foienn bien couverts. Je dis
le même de leurs taffes de Por-
celaines , quoy qu’à la véri-
té fort jolies & fort propres
à foufFrir les liqueurs toutes
boüillantes fans échauffer les
bords , quand on ne les rem-
plit pas tout à fait , ce qui eft-
commode pour ne fe pas brû-
ler les lèvres : à quoy fe bon-
nent tous les avantages qu’orr
en peut recevoir , puis que
!
154 Traite'
d’ailleurs , elles ne communi-
q uent aucune vertu particu-
lière à la decochon. Il ne faut
préparer le The que dans le
te ms qu’on le veut boire , car
fon infufion étant réchaufée
pert beaucoup de fa bonté.
On fe fouviendra aufTi que les
mêmes feuilles peuvent fer-
vir deux fois de la maniéré
que le Pere de Rhodes l’a ob-
fervé. Il y en a qui préten-
dent qu’il peut encor être bon
plufieurs autres fois > en le
laiflant relTecher : mais il eft
certain qu’aprés la fécondé r
route la force en eft diffipée ,
& qu’il ne vaut plus rien. Si
ceux qui s’en font fervis en
veulent tirer la derniere quin-
teffence , ils peuvent l’emplo-
yer en falade comme font les
Holandois aux Indes , en y
. v
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du Th e'. 255:
mettant de l’huile ôc du vi-
naigre.
Quand on le laide fecher
après avoir fervy à une on
deux infufions , il fe replie
comme il etoit avant que d a-
voir été mis en ufage. Ce qui
me fait croire que les Chi-
nois , qui luy donnent le pre-
mier aprêt pour le garder 6c
l’envoyer hors des lieux où il
croît , ne le font.qué legere-
ment bouillir dans l’eau , ôc
tju’aprés ils le laiflent fecher à
1 ombre , fans prendre la pei-
ne , comme difent quelques-
uns de nos Auteurs , de le
rouler feüille à feuille , puis,
que fe feehantilleur évité ce
foin , fe roulant de foy- me-
me. U me fembleque s’ils le
pafloient dans le four , ils en
^mporceroient tout le meii-
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** *.'>■*: -t
Traite"
leur , comme nous le remar-
quons dans les plantes que
nous voulons conferver fe-
ches , qui confervent bien
mieux leurs propriétés ,, lors
que nous les fechons à 1 om-
bre , que fi nous les expofons
au Soleil , ce qui feroit bien
encore pis fi nous les pallions
au four. Il ne faut pas s’éton-
ner fi ceux qui nous donnent
les Relations de leurs Voya-
ges manquent fou vent de nous
informer de quantité de par-
ticularités 6c de circon fiances
qui fe palfent dans le com-
merce ou dans les Arts des
Païs étrangers’: la plufpart des
Voyageurs négligent de s’in-
ftruire de leurs propres yeux
de plufieurs chofes des Pais
ou ils palfent : outre qu’il peut
bien arriver que les Peuples
du The 1 .* 2,57
tiennent fecrets leurs petits
tours de métier , 6e n’en par-
lent qu’en termes obfcurs , ou
même contraires à ce qu’ils
pratiquent efFeélivement , par
la politique qu’ils ont d’empê-
cher les étrangers de profiter
de leur fcience.
Pour ce qui regarde la dif-
ferente maniéré d’aprêter le
Thé pour le réduire en boif*
fon , entre les Chinois & les
Japonais : voicy ce qu’en dit
'Tuipius M:decin Hollandois
dans fes Obfervations Mede-
cinales.
„ Quand a la façon de fe«
fervir du Thé > il faut re-«
marquer que les Japonois &cc
les Chinois font bien difFe-«
rens les uns des autres fur<c
ce fujet j.veu que les pre-«.
miers mettent le Thé eu«
i 5 8 Traite'
^poudre , la broyant fur une
«pierre ferpentine , Ôc après
«la démêlant bien avec de
«l’eau chaude : mais les Chi-
«nois la font boüillir dans
«quelque liqueur , y ajoutant
«feulement quelques grains
«foit de fel , foit de Sucre 9
«laquelle deco&ion encore
«chaude , ils prefentent en
«fuite fort courtoifement tant
«a ceux qu’ils ont conviés
«à manger , qu’ils \ traitent
«chés eux , comme à tous
«ceux qui leur viennent ren-
«dre vifite : ce qu’ils font avec
«tant de foin 6c une fi gran- |
«de application d’efprit , que
«même les perfonnes de la
«plus haute qualité parmy
«eux , ne s’en dédaignent
«pas , au contraire ils pren-
«lient à honneur de faire par
Digitized by Google |
du The' 2.59
leurspropres mains la deco-ct
dion de cette herbe pourcc
leurs amis , ou tout au moins<c
de s’aider à la mêler 6c pre-«
parer comme il faut, tenante
expreffement pour cét effettc
là dans le milieu de leurs«
Palais , des chambres de re-«
ferve , efqu elles il y a de«
petits fourneaux faits aveccc
des pierres les plus precieu-«
f es & du bois le plus exquis, «
le tout dédié en particulier^
à la fufdite préparation , gar-<c
dant auffi curieufement danstc
ces lieux là , les pots , tre-«
pieds , entonnoirs , gobelets ,«
cueilleres de autres pièces de«
vailTelle de cette forte de<c
cuifine , parfaitement bienct
travaillées , à quoy ils de-«.
penfent librement quelquescc
milliers de eus , les tenante
i6o Traite'
^proprement envelopées 8 c
„pliées dans des étofes de
3 ,loye , &: ne les faifant voir
5 ,qu’à leurs plus intimes amis.
3 , Audi n’en îbnt-t’il pas moins
5 , d’état que l’on feroit parmy
3,nôus des diamans , des pier-
res precieulês , 8 c des rangs
3,ou colliers de perles de plus
3,ha uts prix.
Monjicur Tcncke ProfelTeur
en Medecine a Montpellier,
raporte dans Tes Formules de
Medecine quelques autres ma-
niérés non communes d’ufer
„du Thé. L’on fefert * dit-il , |
3, de cette herbe en plufieurs j
„façons.Premierement en fub-
„flàhce,quand étant fechej’on
„ en donne une demy dragme
„ ou une dragme* entière dans
3, un verre d’eau tiede. Secon-
dement endecoétionjl’on en
Du The'. 161
donne jufques à une dragme«
de demy , en y ajoutant du £C
fucre pour le prendre avec tc
plus de plaifir , de on la boit«
chaude. Troifiémement , en< c
la diftilation dans le bain«
Marie j avec les' eaux apro- cc
Î >riées. Quatrièmement, l’on< c
a met infufer jufques à une tc
once de demi dans quelques
*eau cordiale ou de bon vin«
délicat, dont Ion en prends
jufques à trois ou quatre^
cueillérées , en y ajoutant un«
peu de Sucre. Cinquième-^
ment, ion en fait des extraits»
que l’on met en pilules , la»
doze eft jufques à dix grains.»
Siziémement, l’on en fait des»
parfums de la même façon»
que l’on le fert du Tabac >«
dans des tuyaux ou pipes,»
pour les maladies froides de»
i 6 t Trait e'
„la tête , de la poitrine, ôc
„pour la fluxion qui tombe
„îurles narines.
Chapitre III.
i
Des qualité z, du Thé four empê-
cher le fommeïl.
O N peut remarquer dans
le Thé , aufli bien que
dans le Café deux fubffances*
differentes fur lefquelles rou-
lent les effets qu’il produit ,
l’une volatile 6c fpiritueufe,
qui fe reconnoic par fon odeur
douce 6c agréable, qui fe com-
munique par la moindre cha-
leur à l’eau dans laquelle on
l’infufe , 6c l’autre fixe 6c ter-
re ftre , qui fe remarque par
fon goût amer , âpre 6c aftrin-
geant. Mais ce n’eft pas icy
comme dans le Café , que la
du Th e'. 263
torréfaction excite les efprits
&c les debarralfe du terrcltre.
Dans le Thé il n’elt point be-
loin de cela , la moindre Tor-
réfaction le bruleroit : le Soleil
qui elt le Pere des Plantes ,
a déjà fait fur cette feuille ten-
dre , ce qu’on elt obligé de
faire par le feu fur une graine
telle que le Café. Il en exal-
te fuffifamment les efprits,
pour pouvoir les communi-
quer à l’infulion qu’on en fait,
èc en dilîipe autant qu’il elt
neceflaire le phlegme , pour
procurer de l’amertume a la
partie terreltre , fans qu’il foit
befom de fe fervir du mini-
Itéré du feu. Ainfi il ne faut
pas s’étonner s’il convient
dans prefque toutes fe s quali-
tés avec le Café , comme nous
le remarquerons par l’examen
1^4 Traite'
• que nous ferons en fuite.
Yoicy cependant les fentimens
que Monfieur de la Chambre
avoit du Thé , comme je l’a-
prens par le Mémoire fui-
vant , que l’on m’a commuai- .
qué, * ...
3> Comme il y a deux fortes
„de vertus dans les drogues »
„Iesmanifeftes Ôc les occultes,
>,& que celles cy ne fe con-
5 ,noilTent que par l’experien-
„ce : nous pouvons aiïurer
„ que le Thé n’a point de qua-
ntité fecrete qui foit perni-
3,cieufe , puis que dans l’u-
3,fage ordinaire qu’en font
„tous les peuples de l’Orient,
„ ils n’ont point reconnu qu’il
,, en eut aucune , & qu’au
„ contraire ils croyent qu’ils
„&>nt exempts de la plufparc
5 ,des grandes maladies donc
nous
Digitized by Google
du Th e'.
nous fommes ataq ués , par le«
bénéfice de cette plante fa-“
lutaire. «
Quand aux qualitez ma-cc
nifeftes , elle eft à mon avis«
chaude au premier degré ,
féche au commencement du«
fécond : car puis que nous«
ne pouvons connoître les«
premières qualitez des dro-‘ c
gués que par le goût ,
que la faveur amere , la falée<c
de l’acre , {ont les faveurs^
chaudes 5 il faut que le Thécc
qui eft amer foit chaud : maiscc
parce que toute l’étendue de<c
1 amertume n’eft que depuis^
le premier degré inclufive-cc
mentjufques au troifiéme
fi l’on en excepte les Chi-«
coracées : il s’en fuit que«
le Thé , ayant la plus foible«
amertume que l’onpuifle fen-««
M
Traite'
3 >tir , a au fiî le moindre de-
35 gré de chaleur. Il eft vray
3J qu’il peut échaufer davanta-
3>ge par lagitation qu’il donne
jjaux efpnts pour les rai Ton s
jjque je diray : mais de foy
3>il eft certain qu’il n’a pas plus
3 >de chaleur que ce que je
ajviens de marquer.
Pour ce qui efl de la fé-
3)cherefiTe, quoy qu’elle fui-
3 jve les degrés du chaud dans
3 îles chofes ameres qui font
33 d’une fu bilan ce terreflre , 6c
3 >que le Théfoit par confe-
3} quent fec au premier degré ,
33 neanmoins j’eflime qu’il va
jjjuf'ques au commencement
a>ou au milieu du fécond par-
afe qu’il efl un peu aflrin-
3jgent,& que cette qualité
sjdemande un furcroit de fé-
vicherefTe.
Digitized by Gpogle
D U T H e', 16 7
Mais je ne confidere pas«
tant le The par ces qualitezcc
* a 5 que parce qu’il efl fortcc
fpiritueüx Ôc qu’il a quelques
conformité avec les efprits.«
C eft pourquoy on fe fentcc
tout réjoüy quand on l’a prisse
& il fortifie toutes les partiescc
où fe font les efprits , & c’efhc
de là que je crois qu’il tire<c
toutes fes vertus admira-<c
blés j parce que toutes lescc
fonctions du corps fe faifantcc
par le moyen des efprits ,«
il eft impofîîble qu’elles ne<c
fe fafTent plus parfaitementcc
quand les efprits fe font ren-<c
dus plus puiflants. ce
La chaleur ôc la fecheref.ee
fe , outre que ce font des«
qualitez imbecilles , commet
dit Hippocrate , elles y fonte*
en fi bas degré ôc font cor-««
M z
* - ’ *• -TT*
xtâ T R A I t e'
„rigées par une fi grande
^quantité d’eau , qu’il n’y a
3) rien à craindre de leur part :
fi le Thé caufe quelque
„chaleur par l’agitation des *
3 ,efprits , c’eft- une chaleur
3, douce , conforme à la natu-
relle, & qui n’eft point acom-
5 ,pagnée des vapeurs, comme
3 , celle que le vin a de coutu-
J'.me de caufer.
Ce qui a beaucoup fervi à
mettre en réputation le Thé
en Europe , eft la qualité qu on
luy atribue d’empêcher le fom-
meil , & de reparer les forces
que la veille diflipe : car cela
le fit rechercher par les gens
d’affaires , par les Agens , les
Ambaffadeurs , &: autres per-
fonnes qui font obligées de
veiller fou vent. On trouva
qu’il ne manquent gueres de
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du The'. i6$
produire cet effet s’il étoit re-
cent & bien choifî. Les Voya-
geurs qui nous donnèrent des
Relations , confirmèrent ce
que la renommée enavoit dé-
jà publié 6c que l’experience
juflifîoit.
Le Perc Alexandre de Rhodes y
que j’ay déjà cité en parle de
cette maniéré. Si on prends
le Thé après le fouper , ordi-«
nairement il empêche le fom-“
meil : il y en a pourtant quel-«
ques. uns que le Thé fait<c
dormir , parce que n’abatànt«c
que les vapeurs les plus grof-<c
Tes , il laiffe celles qui fontte
propres au fommeil.Pourmoy^
( continue -t’il ) j’ay experi-<c
menté tres-fouvent , quecc
quand j’étois obligé d’oüircc
toute la nuit la confeffion decc
mes bons Chrétiens , ce quic<
< I
170 Traite'
varrivoit fréquemment , je
m avoisqu’à prendre du Thé
l’heure que j’eulfe com-
mencé à dormir , je demeu-
5 >rois toute la nuit fans être
îJprefle du fommeil , &: le len-
5 >demain jetois aulli frais que
5’h j’eulTe dormi à mon ordi-
naire. Je pouvois faire cela
«une fois la femaine fans en
>îêtre incommodé. Je voulus
»une fois le continuer pen-
dant fîx nuits confecutives y
jjmais à la fixiéme je demeu-
5>ray entièrement épuifé.
Tulpius allure de même que
la boilfôn du Thé , entre fes
autres qualitez à celle d em-
pêcher de dormir. Voicy ce
qu’il en dit. Le Thé rend les
„corps vigoureux & preferve
des douleurs du calcul , ( auf-
, 3 quelles on allure que dans
l M y .
Digitized by Google
du The', ïji
tes lieux d’où il vient perfon-c<
ne ne Ce trouve fujet , ) 6c de«
plus il guérit les douleurs de«
tête , les enrhumûres , les«
fluxions fur les yeux 6c fur lace
poitrine , la courte haleine ,c«
la débilité d’eflomac , leste
tranchées de ventre , lalafli-ic
tude , 6c le fommeil lequel ilte
reprime fi évidemment , quecc
l’on voit les perfonnes quitc
boivent cette deco&ion , paf-cc
fer quelques fois les nuitscc
toutes entières fins dormir ,u
6c vaincre fans aucune peinetc
ny ennuy la necefîité d’ail-cc
leurs prefque infurmontabletc
du fommeil : car elle échauf-«
fe modérément , 6c referrantcc
l’orifice fuperieur de l’efto-u
mac , elle bride 6c retient fnc
bien les vapeurs neceflairesec
à former le fommeil , qui«
M 4
z jl vTrait e'
^s’élèvent d’embas, que ceux
„qui défirent "d’employer les
,, nuits a écrire ou à méditer,
„ n’en reiTentent aucun em-
barras ny empêchement.
Oicar/us 6c plufieurs autres
Voyageurs afl firent tous la
même chofe , &. principale- '
ment en ce qui regarde fa ver-
tu de tenir éveillé. La raifon
de cela eft que le fommeil
vient principalement de deux
caufes , de l’épuifement des
efprits & de leur repos. Par
la prémiere , les efprits étanç
difîipez , il n’y en a pas une
quantité fuffilante pour tenir
, en action les mufcles d u corps 5
& c’eft de là que vient le fom-
meil après la fatigue èc la lafïi-
tude. Et par la fécondé , les
efprits étant arrêtez dans leur
mouvement par les vapeur?
Digiti.
j by Goog
•v
du Th e'. 2.7$
qui s’élèvent du bas ventre
dans le cerveau , comme les
rayons du Soleil font arrêtés
par les nuages qui s’éleventdc
la terre , il doit arriver necef*
fairement , que les fens exté-
rieurs où ces efprits ne bril-
lent plus , celTeront de faire
leurs fonctions & l’abandon-
neront au fommeil .-.delà vient
que la rofée la fraicheur
d’un nouveau chyle entrant
dans le fang , on s’endort fans
peine, 6 1 principalement (I
la première caufe eft jointe à
la fécondé , comme il nous
arrive à la fin de la journée
après notre louper. Le Thé:
empêche le fommeil en s’op-
pofant à ces deux caufes , car
par fa partie fpiritueufe > vo-
latile & odorante il repare les
efprits dilfipés , & par fa ver-
174 Traite'
tu diurétique il emporte par
les urines une partie de la
ferolité des alimens, en même
tems que par fon amertume ÔC
par fa féchereffe , il en diffipe
8c abforbe l’autre partie. Peut-
être aulfi que la chaleur actuel-
le avec laquelle il eft beu con-
tribue à cét effet. Un de mes
amis ma alluré qu’il avoit re-
marqué que quelques plantes
de ce pais bouillies 8c bues
chaudes produifoient le même
effet : 8c entr’autres la Pulmo-
naire de chefne , qu’on peut:
accommoder comme le Thé >,
mais elle elt beaucoup plus
defagreable 8c plus aftringen-
te , 8c à peine en pourroit on
boire , fi après l’avoir fait
boüillir on n’en jettoit la pre-
mière eau.
Du Th E r . 175
Chapitre IV.
De la vertu du The' , four la
guerifon des maux de tête „
I L efï facile à préfumer que
le Thé tenant éveillé en ra-*
barantles vapeurs qui mon*»*
tent naturellement au cer-
veau, il doitaufli être bon aux
maux de tête, qui fouvent ne
viennent que de ces vapeurs
ou des humeurs abondantes
armées de pointes acres , qui
dilatent par trop les vaiffeaux
du cerveau , ou qui en pico-
tent trop les membranes. Auf-
fi eft ce un des principaux
effets que nos Auteurs iuy
atribuent.
La Principale vertu du^
Thé , dit Le Pere de Rhodes
cft de guérir de d’empêcher^'
, M 6
Digitized by Google
tyè Trait e'
„les douleurs de tête. Pour
7) moy , continue - t’il , quand
3 ,j’avois la migraine , je me
„fentois fi fort foulage en
^prenant du Thé , qu’il me
3,fcmbloit qu’on me tiroit tout
„mon mal avec la main : par-
3, ce qu’une de les principales
„qualitez , eft d’abatre les va-
leurs grolîieres qui montent
>,à la tête êc nous incommo-
dent. Ole aii u* &; Tulpitu en
conviennent auffi. Simon Pauli
même qui a fait un Traité
exprès pour le décrier , ne
îuy contefte pas cette préro-
gative.
Il eft mêmecerrain que non
feulement l’accez de la dou-
leur ou la douleur prefente en.
doit être foulagée , mais aufïi *
quelles retours en doivent,
prévenus h puifque l'a.--
D H T H E r . Ijj
mertume legere de ce breuva-
ge & Ion aftridion , ne peu-
vent manquer de reiferrer les
fibres de l’eftomac , & de per-
fedionner fa fond ion pour
empêcher qu’il n’engendre
plus de crudités y qui font les
fources de ces vapeurs groflie-
, res àc acres. Pour ces deux fins
il eft bon d’ufer du Thé , non
feulement après le repas, mais
auffi à jeun &; quelques jours
de fuite : car on n’a pas remar-
qué comme du Café , qu’il fût
neceflaire de manger avant
que d’en prendre..
Le Thé par la même* rai-
son r a encore cecy de com-
mun avec le Café qu’il defen-
yvre &; repare les defordres
que l’cxcez du vin. a fait dans
le corps.
Ûn dit que le Vue d'ALbt
vi 7 S Traite'
avoit a coutume de boire a la
fin du repas un grand verre
d’eau cju’il apelloit le Cafligœ-
dor , parce que cela châtie les
fumées du vin. On pourroic
à plus } ufte titre donner cette
épithéte a une tafte de The.
Mon fleur de Bourges dans fa
Relation de l'Evêque de Ber y-
the à la Cochinchine dit que
durant leur fejour à Sia?», après '
leurs repas , qui étoient pour
l’ordinaire depoiflon, ils pre-
noient du Thé, quon boit
tres-chaudement avec un peu
de Sucre , 8c qu’ils s en trou-
voient fort bien, 8c comparant
avec les effets du vin ceux
que produit le Thé 5 quand
on s’en ferten ces Païs-là , ou
leftomac eft afoibly par la
chaleur , 8c fa force combatuë
par la qualité de la nourriture s_
Digitized by Google
• •
Tt U T H 275?
on peut douter qui des deux
doit obtenir la preference
tant eette feuille , dont l’ufage
efi fi commun de delà , a d’ex-
cellentes proprietez , dont 1&
plus remarquable efi: celle de
defenyvrer. En quoy elle efi:
bien differente de la plufpart
des autres liqueurs dont u fie ne
les hommes qui étant prifies
avec excès leur ôtent ou leur
affoibiifient la raifion , &; le
Thé la fortifie &; la dégagé
des vapeurs qui empêchent
fes fondions.
L’Auteur de rAmbaffade
de la Chine , que j’ay déjà
cité au commencement de ce
Traité , afiure la même choie,.
Le Pere Martiniu* dans fois
. Atlas Chinois en convient
aufïi. Antonio* Mufa Médecin
de l’Empereur Augufie 3 atri-
±8o T R A I T b'
bue à la Betoine les memes
propriétés que nous atribuons
au Thé 5 6c fi on l’en veut
croire elle guérit jufques a
quarante 6c fept maladies ,
qu il nomme. En effet Tes con-
formités avec le Thé fonttres-
conliderables , 6c peut-être Ci
nous en avions bien étudié les
qualités y trouverions- nous
des fu jets de nous repentir
d’aller chercher fi loin ce que
nous avons chés nous. Du
.moins nôtre pareffe n’eft pas
excu fable d’examiner fi peu
les plantes de nos Païs 6c d’y
faire h peu de decouvertes ,
comme h le Ciel 6c la terre ,
étoient plus avares icy que
dans l’Arabie & dans la Chi-
ne , 6c comme fi la nature qui
leur a donné le Café 6c le
^Thé j n’avoit pas pu nous ac-
Digitized by
du The'. 281
corder aufli quelque fimple ,
avec les mêmes vertus qu’ont
ces deux arbrifTeaux. Nous en
avons fans doute , & s’ils nous
font cachez ,, c’ejft parce que
nous n’avons pas pris afTés de
foins pour les rechercher , &
en cecy nôtre befoin eft une
jufte punition de nôtre négli-
gence : ce qui nous devroit
porter pour nos propres inte-
rets , à examiner plus que
nous ne faiions les produ-
- étions de nôtre climat , qui
pourroit bien nous fournir li-
béralement ce que nous allons
chercher ailleurs avec tant de
dépence &; tant de rifque. En
atendant que cela foit, je m’en
vais continuer à traiter des
proprietez remarquables du
The. .
„ Le dégagement du cerveau
Di
±8 L T R A I T £*
contribue fans doute à ren-
dre la mémoire de l’efprit fer-
me. Un cerveau trop humide
eft comme une cire trop mole,
qui reçoit bien le cachet, mais
n’en retient pas l’emprein-
te. C’eft pourquoy les per-
fonnes phlegmatiques *6c les
enfans mont pas de mémoire ;
il faut une fé cher elle médio-
cre dans les organes de de la
pureté dans les humeurs, pour
retenir de ne pas confondre les
idées. Le Thé defleche mo-
dérément & épure le cerveau,
en le dégageant des images
importunes qui l’afîîegent, de
par confequent il doit fortifier
la mémoire de épurer l’efprit.
On remarque que les Chinois
ne crachent de ne fe mou-
chent prefque point : ce qui
fait voir que leur cerveau ell
‘ D U T H V.
délivré de ces fuperfluités qui
appefantiftent le fiege de la
raifon. Les Anciens apclloient
les gens d’efprit homines {mun-
ît*. naris : c eft a dire , qui
n’ont pas befoin de fe mou-
cher : aufîi convient-on au-
jourd’huy que les Chinois
font /pi rituels , fins de adroits.
Les Médecins font perfua-*
dez que leur Art n a été por-
té en partie au point oùil eft
que par lanalogifme , c’eft
a dire par les concluions que
1 on cire de îarefTemblance des
maladies de de leur commune
fource, de par la conformité
d une drogue avec une autre.
Suivant ce que j’ay déjà fup-
pofé des operations du Thé ,
je puis conclurre de fon ex-
cellence pour la plufpart des
maladies de la tête , ou il v a
Digitizei
2.84 Traite'
afloupiflement, fluxion Scéle-
vation de vapeurs : par exem-
ple pour prévenir 6c guérir
l’apoplexie , la léthargie , la
paralyiie , les vertiges 6c l’epi-
lepSie , qui ne viennent Sou-
vent que d’un regorgement de
SeroSités dans le cerveau , les
catharres , les maux des yeux ,
les bruits d’oreilles , 6c Sem-
blables indilpofitions , princi-
palement lors qu’avec le Se-
cours d’un Médecin expéri-
menté , on en aura diftinde-
ment pénétré la cauSe : car qui
ne Sçait que les meilleurs re-
medes du monde employez
Sans ordre 6c Sans connoiffan-
ce , ne Sont capables de faire
du bien que par hazard , 6c
ne peuvent preSque pas man-
quer de faire du mal.
Que Si quelqu’un s’étonne
du Th eV 185
qu’une infufion legere d’une
hmple herbe , foit capable de
produire de fi bons effets , ôc
de guérir des maladies que
d’autres puifTans remedes ont
de la peine d’emporter : je les
prie de confîderer deux cho-
ies : l’une que les remedes
ufiiels , tels que le Thé ou le
Café , impriment infenfible-
ment &: îurement leurs bon-
nes qualitez , plutôt que les
autres remedes , comme les
juleps > apozemes emul-
fions , parce qu’on en ufe
plus long-tems : l’autre qu’ils
agiffent fans violence , fans
afoiblir l’eftomac , comme les
émetiques &c les purgatifs :
fans epuifer les efprits ôc les
forces , comme les fudorifi-
ques , les faignées , &c fans
dégoûter les malades comme
ite Traite*
les drogues ordinaires de la
Pharmacie. D’ailleurs com-
me la plufpart de nos maladies
doivent leur naiflance aux
erreurs du régime de vivre , il •
eft certain qu’un breuvage fa-
milier ôc propre à une in-
difpofition , foulagera bien
plutôt- un malade qui en. eft
ateint , que quelque medica- i
ment dont on pût fe fervir ,
puis que l’ufage n en fçauroit
être fi frequent, ny fi amy
de la nature.
yr K y T|V 7 '
DU The'. 187
Chapitre Y.
De la vertu du The' four les
maux d'eftomac , four la
goûte , la grave lie , //* «>//-
. que , les maux de rate , les
> rhumatifmes , & autres ma-
ladies , à* du The' avec le
lait .
L E Thé ne fert pas feu-«
lement à la tête *, dit le*
Tere de Rhodes , il a une«
merveilleufe force à foulager«
l’eftomac & à aider à la«
digeftion; Audi d’ordinaire«
plulieurs en prenent aprés«
le dîner. Apres le fouper once
n en prend pas fi on veut«
dormir. On n’aura pas de cc
peine à concevoir pourquoy
il cil ftomacaLTous les amers
le font , ôc particulièrement
*88 Trait e"
quand avec cela ils font aftrin-
gens , comme eft le Thé : l’a-
mertume corrige la trop gran-
de acidité du levain de i’efto-
mac , la ftipticité , c’eft à
dire , la vertu qu’il a d’être
aftringent , refïerre les fibres
dont le relâchement caufe la
foiblefle. C’eft une vérité con-
fiante. Il eft à remarquer que
quand on en veut ufer à ce
deffein il eft bon de ne le
pas faire feulement infufer,
mais de le faire un peu boüii—
lir , parce que de cette ma-
niéré il prend mieux fon amer-
tume, &; fon âpreté , qui tien-
nent à la partie terreftre , &
non à la fpiritueufe. En ce
cas la je préférerais la mé-
thode des Japonois , de le
prendre en fubftance , à celle
des Chinois qui ell celle dont
nous
9
Digitized by Google
du The'.
nous nous jfervons dans ces
Pais. Un. célébré Médecin de
Grenoble* ordonné à Tes ma-
lades de le mâcher pour les
aigreurs d’eftomac, 6c il trou-
ve qu’il reüffit mieux de cet-
te maniéré qu’en boilTon pour
cette forte d’indifpofition. Les
c Efpagnols ont au lieu de cela
leur Cachou , qui eft auffi con-
nu en France depuis quelques
années. C’eft un fuc âpre 6c
amer qui vient des Indes:
q uelq lies- uns di fe nt du Japon.
Ils le croyent être le fuc d’une
efpece de Prundla ou bien de
l’herbe appelle e Arec a , fort
commune dans les Indes. On
en fait des petits grains avec
du fucre ambré , 6c l’on en
mange quelque peu après le
repas. Cela ne s’accorde pas
mal avec le Thé , 6c avec le
N
M* Monin
Digitized by Google
*5>o Traite'
Café , 6c peut merveilleufe-
ment aider à fortifier l’adion
de ces deux breuvages fur
Teitomac.
Les erreurs de la digeftion
étant corrigées, on ne tom-
bera pas dans plulieurs indif-
pofitions qui en dépendent ,
telles que font- les douleurs
d’eftomac , les coliques cau-
fées par des glaires 6c par des
vents renfermés dans le ven-
tricule ou dans les inteftins ,
6c les diarrhées qui viennent
fouvent de la corruption du
Chyle , 6c des indigeftions.
Monfieur Mmàelfio , dans fes
Voyages aux Indes, attribué*
au Thé non feulement cette
propriété d’échaufer 6c de
fortifier l’eftomac , 6c les en-
trailles , mais il le confirme
encore par i’experience qu’il
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DU T H e'.
en a faite , alTurant qu’il en
fut guery dune diarrhée im-
portune dont il avoir été tour-
menté depuis long-tems. Olea-
yima t Guillaume Lcyl Danois
cité par Simon Pauli , de pla-
ceurs autres, ne luy contellenc
pas les mêmes vertus. Mais il
n’y en a point qui lu y foin plus
univerfellement attribuée par
les Auteurs, que celle de pre-
ferver de la gràvellc , de la
pierre , de de la goûte > de un
des préjugés qu’ils en ont, eft
que Jes Chinoi qui en ufenc
C fréquemment ne font point
fujets à ces maladies. Un^ c . c
des chofes que fait le Thé
dit le Pere de Eludes , eil de tc
purger les reins de de prefer- cc
ver le corps de la goûte de de cc
la gravclle de e’eft peut être cc
la vrave caule pourquoy ces tc
•N z
- ‘Jfl'
192, Traite'
5, fortes de maladies ne fe trou-
vent point en ces Pais là. Sur
ce même fujet , le Pere CMar-
tin Mar tintu* dans fa defcri-
ption Géographique de l’Em-
pire de la Chine parlant du
breuvage des Chinois dit :
„Ils boivent toujours chaud ,
„foit que ce foit de l’eau , du
3 ,vin on du ris boüilly. Ils font
toujours tremper cette herbe
3 >fi célébré , qu’ils nomment
^Cha , dans ces liqueurs , ou
3 ,en de l’eau bouillante , ôc la
3, boivent toute chaude. Quand
5, j’y ay été acoutumé , j’ay
3,fortdefaprouvé ceux de l’Eu-
a, rope qui aiment tant à boire
„ froid : car les Chinois en
3,beuvant chaud, apaifent leur
3 ,foif, fe delalterent &: deife-
„ client les humeurs. C’eft
„pourquoy ils nç crachent
du Th e'. 193
prefque jamais Se ne font <c
point in jets à la gravelle, ny cc
aux crudités d’eftomac com- cc
me les Européens , ne fouf- tc
frent point tant de maladies <c
ny de fi grandes que parmy cc
nous , de ne fçavcnt ce que cc -
c’eft que de gravelle, de goû- cc
te aux pieds de aux mains , cc
ny d’autres femblables indif- £C
pofitious. s " c
'Tnipïtfi dit aufli que la com- cc
mune opinion qu’on a dans la u
Chine, eit qu’il n’y a rien de fi ££
fouverain que cette plante £C
qu’ils croyent fortement que tc
le Ciel leur a donnée par une £C
bonté linguliére , tant pour £C
prolonger les jours jufques à £C
l’extrême vieillelTe, quepour cc
empêcher tout ce qui peut‘ c
faire ombrage à la faté .ôc que £C
non feulement elle rend les"
N 3
Digitiz
ÏP 4 Traite'-
«corps vigoureux 8c prefer ve-
ndes douleurs de la pierre,
«aufquelles on alTure que per-
sonne dans ces lieux là ne
Se trouve fujet , mais de plus
«qu’elle guérit les douleurs de
«tête , les enrumures , les
«fluxions fur les yeux & lue
«la poitrine , la courte halei-
«ne , la débilité d’eftomac, les
«tranchées de ventre 8c la laf-
*>fîtude.
On tombera d’accord de ces
effets du Thé , quand on coh-
fidérera que tout ce qui tienc
les reins nets 8c qui diminue
les ferofités , pourveu que
d’ailleurs il ne laifle point
d’impreiïion dans les reins ôfi
de foiblefle dans le corps ,
doit être par confequent ex-
cellent pour empêcher qui!
ne s’engendre du gravier 8c
Du Th e'. 195
des phlegmes , 6c qu’on ne
foie ateint de la goûte 6c des
rhenmatifmes , puis que le fa-
ble 6c le calcul font caufez
par le fejour des matières vif-
queufes dans les reins 5 6c la
goûte 6c le rlieumatifme par
le regorgement des ferofités
qui ne trouvant pas leur fortie
libre par les voyes ordinaires ,
fe jettent fur les jointures ou
dans les mufcles. C’eflcequi
fait que prefquetous les diu-
rétiques font bons dans ces
maladies. Or il efl confiant
que le Thé l’efl beaucoup ,
. jufques là que .quelques Au-
- teurs ont obfervé que des per-
lonnes par l’ufage trop fre-
quent du Thé avoient pris de
grands flux d’urine que les
Médecins apellent diabètes , oit
on rend des urines copieufes
Digitized by Google
,w-
• \<)6 Traite"
& femblables à ce qu’on a bett.
Je m engagérois un peu. trop
dans la Medecine fi je vouloir
rechercher les raifons pour-
quoy il efi: diurétique j je me
contente d’emprunter ce qu’un
de mes amis a remarqué fur
MrSpon un pafiage d’Hippocrate*^/^
nov^&é ^ cs chvfis odorantes J ont àiurcti-
4 aph. 14. ques , parce qu’étant compo-
sées de parties pénétrantes ôc
volatiles , elles fondent les hu-
meurs vifqueufes & les con-
vertifient en ferofités , qu’el-
les rendent ainfi plus capables
d’étre vuidées par les urines.
On remarq u e q u e 1 es di ure -
tiques font aufli parfaitement
bons pour les maux de rate ,
comme les capes , les poix
chiches , le tamarifc 6e le vin
blanc 5 c’eft pourquoy Hip-
pocrate les recommande dans
Aph< 9,
feft* j.
Digilized t
d u The' 2.97
ces maladies. Ainfi le Thé
qui a cette qualité & qui ou-
tre cela- par Ion amertume peut
adoucir les humeurs acides
qui fermentent dans la rate,
n’y doit pas être d’un léger fe-
cours.
Je pourrois ajouter plu-
heurs maladies aufquellès le
Thé e fl très-propre auïïi bien
que le Café : comme les vers ,
les vapeurs , les palpitations ôc
quelques autres , mais cela’
ni ’obligeroit à repeter bien des
chofes que j’ay déjà dites : ce
qui feit que je me contente de
remarquer qu’un de nos Au-
teurs l’a mis auffi entre les fé-
brifuges , èc qu’il en a rapor-
te des obfervations qui font
connoître qu’il eft utile aux
febricitans. Je pourrois aniîî
haire les mêmes conjectures
N s .
Digitized by Google
2.98 Traite'
fur le Thé préparé avec le
laie , que fur le lait cafeté ,
car il ne doit pas être moins
bon pour les maladies de poi-
trine.
Nous en devons l’inven-
tion aux Chinois , qui en ré-
galent quelques fois les étran-
gers , comme nous faprenons
de l’Ambafïade des Holandois
la Chine. Les Tartares de
3îles Chinois les plus quali-
tés , dit l’Auteur qui l’a
jîdonnée au jour , prennent
3 îune poignée des feuilles de
?>Thé , le jettent dans .l’eau
jjboüillante 5 puis ayant pris
ajquatre fois autant de cette
3îeau j que de lait boüilly , de
s 5 y ayant mis un peu de fel , ils
^remuent le tout enfemble de
^l’avalent avec plaihr. Ceux
qui au lieu de fel y mettront
du Th e'. 29^
du Sucre en feront un breu-
vage , non feulement utile,
mais fort agréable , &: il un
malade s’en fert il aura le
plaifir de guérir par un re-
mede délicieux : ce qui eft
fi rare dans la Medecine.
Surquoy Meilleurs les Méde-
cins 6e Meffieurs les Pharma-
ciens me permettront de leur
dire qu’un remede rebutant
qu’on fait prendre à un mala-
de , eft fouvent pour lu y une
nouvelle maladie. Je fçay bien
que trop d’indulgence pour-
roit augmenter le mal 5 mais il
eft des rencontres ou ils pour-
roienc eux mêmes mieux ob-
fervcr qu’ils ne font l’aphorif-
me qui dit , quun rcmede ou un
aliment moins bon , mais p-tus
agréable a un malade , eft préfé-
rable a d'autres meilleurs , mais
r 3oo Traite'
flus defagreables. C’eft pour
cela quon me doit fçavoir bon
gré de ce que j’enfeigne la.
maniere.de fe fervir du Café
£c du Thé , non feulement
avec profit , mais même avec
agrément.
Il efl: des indifpofitions de
la poitrine , ou le Thé au lait
doit être plus propre que le
lait Cafeté , entr’autres aux
crachemens de fang & à la
toux de quelque caufe prefque
qu’ils dépendent. Car le Thé
par fon aftriction eft favora-
ble à fermer les extrémités des
vai ffeaux entr’ou verts ou le-
gerement corrodez dans le
poumon , 6c n’étant pas em-
preint comme efl: le Café
par fa Torréfaction de parties
ignées , il ne volatilife pas le
iang autant queluy, 6c Le rend
tr n The' 1 . 30Ï
moins fujet a fe répandre fur
le poumon de à échaper des.
veines.
Par la même ration le Thé au
lait doit être parfaitement bon
pour les dyfenteries de longues
diarrhées, où il eft queftion
d’adoucir Les humeurs, de for-
tifier & de refterrerles parties
deftinéesà la nutrition, de de
confumer les ferofites acres de
fuperflues, qui caufentou qui
accompagnent ces- maladies..
Yoicy la méthode dont on
peut en ufer fi on veut s’en fer-
vir pour la lanté.. Après s’être
purgé , s’il eft neceftaire , fui-
vant l’avis d’un Médecin , on
prendra une tafte de lait de *
vache que l’on fera legere-
ment bouillir pour l’efcremer
de en ôter les parties butÿ-
reufes qui chargent i’eftomac
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3 oz Trait e'
embarraflent la poitrine ,
on mettra en même tems in-
fufer une dragme de Thé dans
deux verres d’eau chaude, puis
on mêlera le -tout avec une
cuillerée de Sucre , Sc on en
avalera une bonne écuellée
chaudement: continuant ainfi
pendant un mois 6e même
deux fi on s’en trouve bien ,
avec la précaution de fe pur-
ger doucement 6e agréable-
ment de quinze en quinze
jours , foit avec deux onces
de Cafle confite , en beuvant
après les avoir prifes le The
au lait 5 Toit avec le Tel Poly-
Seignete > dont la
réglée à fix dragmes ,
verres d’eau >
demi heu-
Oi^itizcd by (
du The': jo j
far l’iilage du Thé , dont je
ne pretens pas autorifer l’abus?
ce qui le met à couvert de tou-
tes les déclamations qu’a fait
contre luy Monfeeur Simon Pau-
li, puis qu’il convient de bon-
ne Foy que toutes les mauvai-
fes qualitez qu’il luy impute
ne font que les effets de l’ufage
excefïïf qu’on en peut faire»
Surquoy on peut voir ce que
j’ay dit en parlant du Café»
La chaleur naturelle eft com-
me la flamme d’une lampe qui
s’éteint quand l’huile eft con-
fumée. Tout ce qui la confia -
me trop vite eft dangereux ,
6c je nedilconviens pas qu’un
ufage immodéré du Thé con-
fumant trop promtement l’hu-
midité naturelle , n’éteignit
la chaleur 6c la vie. Ce n’eft
pas feulement dans la Morale
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504
que les excez font vicieux :
ils le font aufli dans la Méde-
cine , ce qui fait dans l’une un
vice, fait dans l’autre une ma-
ladie , &: dans toutes les deux
le bien fe trouve dans la mo-
dération : heureux eft celuy
qui s’y içait tenir.
Fin du Truité du ihi. ■ I
[le
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D U
CHOCOLATE-
C h A P I T R E I.
Ce que cefl que le Chocolaté , & Vexa~
men des ingrédient qui le cowpofent.
■
du
~ nocoiate efl
uficom-
Eu-
en
rope, pn ner-
vi - tr~ . * paiement en
Efpagne & en fuite en Angfe-
1
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306 T R A I T E'
terre , en France 6c en Ita- —
lie , que nous ne le devons
plus confiderer comme un
breuvage particulier à l’Ame-
rique ou il a pris n ai flan ce , . (
mais comme une boiflon qui
s’efl: naturalifée parmy nous.
Cela m’oblige d’en examiner
la compofition 6c les vertus ,
comme j’ay fait du Café 6c
du Thé dans les Traités prc-
cedens , pour fçavoir au vray
s’il mérité tous les eloges
qu’on luy donne , 6c à quel-
les perfonnes il peut étire pro-
pre. C’efl: ce qui a déjà fait
mettre la main a la pluiiie a
deux fçavans Médecins Efpa-
gnols , Barthélémy Marraàon
de la Ville de Marchena , 6c
Anthoine Colmenero de Ledef-
ma de la Ville d’Ecija , dans
l’Andaloufie 5 6c après eux à
Digitizjjj'by Google
du Chocolaté. 307
Monfieur René Moycm , Pro-
feifeur Royal, en Medecine à
Paris , qui n’a pas jugé les
deux Traités de ces Meilleurs
indignes de Ton eftime, puis
qu’il s’efb donné la peine de
les traduire , 6e de les com-
menter- Depuis encore un cu-
rieux Voyageur Anglois, nom-
mé Thomas Gages qui a de^
meuré long-tems en Améri-
que , nous en a donné une
Relation fort longue. Legrand
ufage qu’il en a fait fur les
lieux , luy ayant facilité les
moyens d’en prendre une par-
faite connoiflance. Jenepre-
tens pas d’encherir beaucoup
fur ce qu’en ont dit ces Mef-
fieurs qui paroiflent en avoir
été tres~bien informez. Je me
contenteray d’être comme leur
Echo ou leur Truchement,
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*.7='-
3o8 /Traite'
fans m’arrêter pourtant fcru-
puleufement à Leurs termes ,
quand je croiray d’en avoir
trouvé de plus expreffifs , 6c
fans me rendre efclave de
leurs fentimens , lors que
des raifons fortes m’en déta-
cheront.
Le mot de chocolUtl ou com-
me nous l’appelions Chocolaté y
eft purement Américain. Il
vient , à ce qu’ont écrit quel-
ques-uns , du bruit qu’il fait
quand on le préparé dans la
chocolatière avec le molinet ,
qui aproche fort du fon de
Choco choco , & du mot Atte ,
ou Atle , qui dans la langue
des Mexicains fignifie eau.
C’eft ainfi que ces peuples
grofliers nomment les chofes
par certains noms qui donnent
quelques idées fenhbles de ce
Digifeed by Google
du Chocholate.' 309
qu’ils veulent exprimer, com-
me lors qu ils apelloienc au-
trefois les Européens les en-
fins du Tonnerre , à caufe du
bruit de no< armes à feu , &c
une lettre miffive, une chofe
blanche qui a de l’eiprit , par-
ce quelle inftruit celuyqui la *
reçoit. Il pourroit bit n être
auiîi que le Cacao étant la baze
du Chocolaté , de ce mot joint
à celuy d 4tle , on auroic for-
me celuv de Chocolatc , comme
qui diroit eau de Cacao , cela
me paroit alfés vray fembla-
ble , mais la chofe n’eft pas de
f grande importance qu’il l’eil
de fçavoir ce que c’eft que
Chocolaté.
Le Chocolaté eft une ma-
niéré de Pâte folide compo-
fée de differens ingrediens
dont le principal eft Te Cacao .
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310 Traite'
laquelle decrempée avec une
liqueur fait un breuvage fore
agréable au goût 8 c très utile
à la fanté. Voicy le dénombre-
ment 8 c la dolè des drogues
qu’on employé pour cette
compofition fuivant le fenti-
ment de Barthélemy Mar ra-
don.
„Sept cens Cacaos .
„Vne livre & demy de Sucre v
„Deux onces de Cane lie,
» Quatorze grains de Poivre
3, , de Mexique , apellé cht •
,, le ou Pimiento.
„ Demi once de Cloux de
3, Girofle.
„Trois goufles de Vanille ,
3, ou en fa place deux onces
3, d'Anis.
„Le gros d'une noifette dl A-
t 3, chiote .
«Quelques uns , ajoûte-t’il , y
du Chocolaté. 31 i
mettent un peu d’eau de«
fleurs d'O range , un grain«
de Mufc ou d’ Ambre gris
ou de la poudre de Scolo-«
pendre. De ces choies Colme- te
nero en bannit les doux de«
Girofle , le Mufc , l’Ambre^
de les eaux . de fenteur ,
il y ajoûte les Amandes , les«
noifoces , de la poudre des«
rofes d’Alexandrie. Delaet dit«
qu’en Amérique on y met«
encore la fleur d'un arbre refi-«
neux , odorante comme celle de«
l y Oranger , de unegoufle apel- tc
lée Tlixochitla. Il y en a qui 4C
y font entrer le May s ou le tc
Panis , de l'Orejevala.
Ces Auteurs comme on
vient de voir , ne convien-
nent pas en toutes chofes pour
la compofition du Chocolaté.
Examinons maintenant toutes
Dulaet
hift. Occi-
dent. liv.7*
chap. x. &
Ximenes
après luy
dans fa
deferiptio
des plan-
tes & d' s
animaux
de l’ Amé-
rique.
fit T R A I T E'
des drogues les unes apres les
autres avant que de parler de
leur préparation 8c de leur
meflange. (
DU CACAO.
L’arbre qui porte le Cacao
eft apellé par les Américains
Cucahuagudhnitl à ce que dit
Dulaet ou Cacaotal , comme
le remarque Thomas Gage.
Il eft de la grandeur de nos
Orangers 8c a Tes feuilles
aftes fèmblables aux tiennes,
mais plus grandes. Herrerales
compare à celles du Cha-
taigner. On peut en voir la
figure que j’ay fait mettre au
commencement de ce Traité «
tirée de la defeription des cu-
riotités qui font au Cabinet
d 'Olatts Vormius. Cét arbre
eft
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du Chocolaté. 313
eft fi délicat- , de le terroir
où il croit, efl fi chaud , que
pour le garantir des ardeurs du
Soleil , les Américains plan-
tent des autres arbres qu’ils
apellcnt Atlinam : de quand ils
font crus à une hauteur capa-
ble de faire ailes d’ombrage ,
ils plantent au defibus ceux
qui portent le Cacao , afin
que les Atlinam leur fervent
d’abry de les défendent des
rayons brulans du Soleil, com-
me une mere ou une nourrice
tendre de fon enfant le pour-
roit faire, ce qui fait qu’ils
donnent à cet arbre l’epithéte
de mere du Cacao, car il n’effc
deftiné purement de unique-
ment qu’à cela.
Le fruit du Cacaotnl ne vient
pas au fli tout nud , mais cou-
vert de envelopé dans une
. O
é ■*
314 > Traite';
grande goulfa canelee , ôc
rayée à peu prés comme un
de nos melons , ils 1 apellent
Cacahuacintlï . Cette goulfe ren-
ferme quantité de noix de
Cacao , qui font comme de
grolfes amandes : mais plus
compactes 6c de meilleur goût.
Il s’y en trouve jufques à vingt
ou trente , 6c même quelque
"fois jufques à quarante. Cha- ’
que noix fe partage en deux
parties égalés , bien jointes ,
6c ferrées enfemble , couverte
d’une peau blanche, pleine
d’un jus que les femmes du
Pais fuccentavec delice parce
qu’il eft rafraichilfant 6c qu’il
hume&e agréablement la bou-
che.
Colmencro Sc Gage né font
que deux fortes de Cacao.
„ll y a , dit ce dernier, deux
f
•« r *x
«7 ^ i
du Chocolaté. 315
foi tes de Cacao : 1 un eft com-«
mim dune .couleur obfcureu
tirant fur le rouge , rond &<c
picote au bout : l’autre eft<*
plus large , plus gros & pluscc
• plat. Il s apelle Patlaxc , blanc«
àc plus defîccatif que l’autre ,cc
aulîi eft-t il a meilleur mar-cc
ché de beaucoup. Celuy-cycc
empeche bien mieux le (om-«
meil que l’autre. C’eft pour-u
quoy on ne s en fertpas tantcc
que de l’ordinaire , & il n’ycc
a gueres q ue le commun peu-cc
pie qui en ufe.
Mon fleur Moreau marque
qu il y a de quatre efpeces
d arbres qui portent le Cacao.
La première, dit-il, eft apel-«
lee Cacahuaguahuitl , qui eft cc
la plus grande de toutes, ôc £C
porte grande quantité de“
fruits. La fécondé eft de tc
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3I<> T R A I T e'
unième nom , de moyenne
«grandeur, pourtant feslêüilles
«êc fes fruits beaucoup plus-
«petits. La troifième efî apel-
«lée Xuchtcacahuaguahuitl en*
«core plus petite , les fruits de •
«laquelle (ont plus rouges au
«dehors , au dedans du tout
«femblables aux autres. La
«quatrième eft la plus petite
«de toutes , c’eft pourquoy oa
«lapelle Tlalcacahuaguahuitl ,
«ceft à dire petit , ou bas
«arbre de Cacao , laquelle
«porte un fruit plus petit
«que tous les autres , com-
«bien qu’il n’en différé en
«rien quand à la couleur.*
«or tous ces fruité font de
«mêmes quâlitez & ont même
«ufage, encore qu’on fe fer*
«ve du dernier, principale-
«ment en breuvage, les autres
du Chocolaté. 317
lont plus propres à trafiquer.
,^ es ^°i x de Cacao font
a un goût moyen entre doux
amei , tirant fur la faveur
a P re & aftringente. Pour ce .>
qui efl de fies qualités , voicy
comme en raifonne Thomas Ca-
5 que je copie mot à mot
comme il a copié Colmcnero .
Quoy que le Cacao , com -<<
nie tous les autres fimples
participe des qualitez des«
quatre elemens, neanmoinscc
*■ I opinion qui eft la plus re-<c
çuë entre les Médecins , eflec
quilefl froid ôc fieccommecc
lelement de la terre , & parce
confequent de qualité aftrin-cc
gente. Mais comme il par-cc
ticipe aufii des autres ele~<c
mens , &: particulierementcc
de Pair qui efl: chaud & hu-«
mide : delà vient qu’il a des«
O 3
Digitized by Google
318 Traite'
«parties onctueufes , en forte
«qu’on en tire une maniéré de
«beurre , dont j’ay vu que les
«femmes des Crioles fe fro-
«toient le vilage pour fe ren-
«dre le teint plus un y.
« L’on ne doit pas trouver
«incroyable ce que 1 on dit du
«Cacao qu’il eft -froid 6c fec ,
5 îôc puis chaud 6c humide :
«car quoy que l’experience
«vaille plus que tous les rai-
«fonnemens du monde, nean-
«moins les exemples fervjront .
«à éclaircir cette vérité.
« Premièrement dans la Rhu-
«barbe, q uoy q u’elle ait en foy
«des qualités chaudes 6c pur-
«gatives , elle en a neanmoins
«d’autres qui font froides ,
«féches 6c aftringentes , 6c
«propres à fortifier leftomac
«6c guérir le mai de ventre.
O
Digilized by Googfe
Du> Chocolaté.' 319
Cela paroît encore dans«
l’acier , qui bien qu’il parti-«
cipe de la nature de la terres
en ce qu’il efl pefant , re(Ter-«
ré, frqid ôc fec, &; qu’on«
l-’eftimeroit contraire à la<«
gueriifon des opilations du“
foye & de la rate : on s’en«
fert neanmoins comme d’un«
remede fpecifique propre^
pour les guérir. «
L’Authorité de Galien peut“
encore éclaircir cecy , car il«
enfeigne au troiliéme Livrer
des quaiitez des fîmples que tc
la plufpart des medicamens^
qui paroi {Tent fimpîes à no s«
fens, font naturellement com-«
pofez &c contiennent en eux«
des quaiitez contraires, com-«
me une qualité expulfive«
ôc une qualité retenti ve
une qualité qui groflît ,
V O 4
•>"
v ’l
310 T R A l T B;, t
«l’autre qui atténué , ou qui
«raréfié &; qui condenfe. Et
«dans le quinziéme Chapitre
«du ‘même Livre , il raporte
«l'exemple du boüillo.n d’un
«coq qui lâche le ventre , ôc
«fa chair à la vertu de le refi-
«ferrer.
* « Et pour montrer encore
«que cette qualité differente
«fe trouve en diverfes fub-
«ftances ou parties des medi-
. «camensfimples* il raporte au
«dixfeptiéme chapitre dupre-
«mier livre des Amples medi-
• «camens , l’exemple du lait ou
3’1’on trouve trois fubftances
«differentes que l’on fepa-
, 3 re les unes d’avec les autres.
«Sçavoirla fubftance froma-
«geufe qui a la vertu d’arrê-
«ter le flux de ventre , la fub-
«ftance du lait qui eft pur- •
Digitized by Google
-% •
du Chocolaté. 31 1
gative, de celle du beurre qui<t
eft anodine. «
Nous trouvons aufTi trois«
fubftances dans le mouft
1 ça voir lafubftance du marc,«
qui eft terreftre de la plus«
abondante , une autre qui«
en eft comme la fleur , qui«
eft l’écume ou la lie , 5c fina-«
lement une troifiéme fub-«
fiance plus pure qui eft: pro-«
prement le vin 5 de chacunes
. de ces fubftances contient en«
foy diverfes qualitez de pro-cc
prietez , foit dans la couleur ,cc
foit dans l’odeur , ou autres^
femblables accidens. <c
Ce qui s’accorde aufïi à«
la raifon , fi nous confide-«c
rons que les alimens que nouscc
prenons , quelques flmples«
qu’ils foieilt ne biffent pas«
d’engendrer ou de produire**
O s
\
Digitized by Google
fcïi ' Traite'
»>les quatre humeurs dans les
*>foye,qui different non feule-
ornent en température , mais
«aufîi en fub fiance } 8c félon
«que l’aliment participe plus
»ou moins d’une de ces hu-
«meurs , l’humeur fe trouve-
ra aufli plus ou moins prédo-
3>minante.
« D’où nous pouvons con-
«clurre , que lors que le Ca^
«caoefl moulu 8c remué, les
«diverfes parties que la natu-
re luy a données fe mêlent
«artificiellement 8c intime-
raient les unes avec les autres*
«de forte que les parties on-
rélueufes , chaudes 8c humi-
«des fe trouvant mêlées avec
«celles qui font terreflres , les
«répriment 8c les temperent ;
«en forte qu’elle? ne font
h aflringentçs qu a.upa- *
Digitized by Google
• » 9 *
. . » »
du Chocolaté^ 323
ravant, mais deviennent pluscc
temperees 6c plus conformes^
au tempérament chaud 6c hu-<c
mide de l’air , qu’à la froi-«
deur 6c fecherefTe de la ter-«c
rej comme il paroît lors qu’ont
le rend propre à le prendre encc .
breuvage , qu’à grand peines
a-t’on donné deux tours de«c
molinet , qu’il s’élève une«
ecume grade , pat ou l’on‘<
peut remarquer combien il<c
participe de cette partie on-«
élueufe. ce
De maniéré que par ce< c
qui a été dit cy-deflus , l’oncc
peut voiraifément l’erreurdecc
ceux qui parlant du Choco-ec
late , difent qu’il engendre«
• des opilations , parce que lecc
Cacao eft aftringent , com-«
me fl fa faculté adringentea
«etoit pas corrigée 6c tem-«
O 6
\
Digitized by Google
3*4 Traite'
j,perée par le mélange intime
„de Tes parties les unes avec
5 )les autres lors qu’il eft mou-
lu , comme j’ay déjà dit , ou-
3 >tre qu’il y entre tant d’autres
odngrediens qui font naturel-
3>lement chauds » qu’il faut par
3,neceflité qu’il ait la faculté
3, d’ouvrir 6c d’attenuer , &C
»non pas de reiTerrer.
3> Mais laiflant à par toutes
3>ces raifons , cette vérité pa~
3 5 roît évidemment dans le Ca-
3>cao même : car s’il n’eft ny
3jmoulu , ny remué , ny com-
3îpofé, comme il eft dans le
3 5 Chocolate , mais feulement
3 >mangé comme il eft dans le
3>fruit , ainft que font plu-
ssfieurs femmes des Crioles
3)ôc des Indiens j il caufe de
sjgrandes obftrucHons ÿ & leu
«rend le teint pale 6c blême
. * &
Digitized by
du Chocolaté. 315
comme celles qui ont les pâ-*<
' les couleurs', &: qui man-**
'•/ gentde la terre de pots ou du**
L plâtre de murailles , comme**
font, fouvent les femmes Ef-**
pagnoles pour faire venir le**
teint de cette couleur , qu’el-**
les efliment par deffus tou-**
te autre 5 quoy que cela leur**
caufe des obftruélions fà-«*
cheufes. De forte qu’on void**
■ par là , qu’il n’y a point**
t d’autre rai Ion que le Cacao**
étant mangé tout crud pro-<*
duife les mêmes effets , f-*<
non que les parties difFe-**
. rentes n’étant pas affez me-**
lées en le mangeant , ont**
befoin de ce mélange arti-**
fîciel dont nous avons parlé**
, cy-devant.. *«
■ Tout ce long rationnement
£erc à établir que le Cacao
$2.6 T R A I T E'~
efl temperé, fa partie terre-
ftre 8c froide étant corrigée
par celle qui eft'huileufe 8c
chaude : car toutes les huiles
font des liqueurs fouflfrçes 8c
inflammables.
DU SUCRE. " ^
Le Sucre entre dans la com^
pofition du Chocolaté , non
feulement pour temperer la-
prêté naturelle qui fe ren^
contre à la plufpart des in-
grediens qu’on employé pour
cette compofltion j mais en-
core pour l’aider à fe confer-
ver, comme on s’en fert pour
les confitures ordinaires , ce
qui n’empêche pas que deve-
nant vieux il ne fe remplifle
de petits vermiflTeâux , qui
le percent comme un frema--
du Chocolaté. 527
ge vieux & fur tout fi on le
tient dans un lieu humide *
& s’il efi: furchargé de Su-
cre. >
DE LA CANELLE. ,
La Canette qu’on employoit
pour -la compofition du Cho-
colaté dans l’Amerique avant
que les Efpagnols s’en fufienc
rendus les maîtres , ne pou-
voit pas être celle que les In-
des Orientales nous fournif-
fent , puis qu’elle n’étoit pas
connue dans cette partie du
monde. Sans aucun doute , ils
y mettoient celle d,e leur Païs
décrite par Monaràes dans Ton
Livre des Plantes chapitre
vingt-cinquième , qui dit que
c’eft un arbre de moyenne
grandeur dont les feuilles apro-
'32.8 Traite'
client de celles du Laurier,'
6c qui porte un fruit fait com-
me un petit chapeau de la
grandeur d’une reale , de
couleur de violette : 6c c’eflr
ce fruit qui a le goût 6c l’o-
deur de la Canelle d’Orient J
l’écorce n’en ayant point. On
s’en fèrt en poudre dans le
Pais pour mettre dans les ra-
goûts. Il fortifie l’eftomac,dif-
fipe les vents , corrige la mau-
vaife odeur de la bouche , af-
fermit le cœur 6c apaife les
douleurs de ventre : ainfi ce
n’eft pas mal à propos qu’il
eft employé dans le Chocola-
té , puis qu’il eft propre à
atténuer 6c fubtilizer les par-
ties terreftres des Cacaos , 6c
a fortifier leur vertu ftoma^
cale : en fà place on peut
fubflituer la vraye Canelle de
du Chocolaté. 329
Ceylan dont les qualitez font
du moins femblables j mais
en ce cas il faudra fe fouvenir
d’en diminuer la dofe , parce
que fans doute étant plus pé-
nétrante que l’autre , deux
onces fur celle de toute la com-
pofition pourroient être trop
fortes.
DU CHILES, OU POI-
VRE DE MEXIQUE.
Pour ce qui eft du chilles
ou Chilli , il y en a de deux
fortes , l’un d’Orieïit. , qui eft
le Gingembre, & l’autre d’Oc-
cident qui eft le Poivre de
Mexique , qu’on apelle poi-
vre de Tabafco , parce qu’il
croit en abondance dans cette
Province de la nouvelle Ef-
pagne. Colmcnero dit qu’il y ea
330 T^r aite'
a de quatre fortes : il apelle’
les premiers Chilcotes , les fé-
conds qui font fort petits Chil-
teepn , lefqirelles deux efpe-
ces , ajoute- t’il, font fort mor-
dicantes &. picantes 5 les troi-
fièmes font nommez Tonachi*
les , qui font chauds modéré-
ment , puis que l’on les mange
avec du pain ainfi qu’on fait
les autres fruits , bien qu’ils
foient modérément amers , ôc
ne croiffent en autre lieu
qu’aux marais de Mexique >
les quatrièmes font apellés
Chilpatlagua , qui font fort lar-
ges, mais qui ne font pas h pi-
quans que les deux premiers ,
ny fi peu piquans que les troi-
fièmes , ^ ce font ceux qu’on
met dans la compofition du
:GhocoIate.
Le Bere Jem JEnfebe de Nie -
- f. *«**'* * * -*■
du Chocolaté. 331
remberg en fait bien davanta-
ge d’efpeces au chapitre qua-
tre-vingt du quinziéme li-
vre de fon Hiftoire naturelle.
Dulaet dit au dernier cha-
pitre de fon cinquième livre ,
que ce fruit vient d’un arbre
domeftique apellé Xocoxochitly
( lequel eft fort grand, ayant
les feuilles d’oranger fort odo-
4. rantes. Ses fleurs font rouges
comme grenats, de la même
i odeur que celle des oranges ,
agréables et douces , les fruits
en font ronds ôt pendans par
grapes , qui font au commen-
, cernent verds, & puis apres
roux j ôt-à la fin noirs , d’un
goût acre 6t mordicant , de
bonne odeur , chauds £t fecs
au troifiéme degré , de forte
I qu’il peut être mis au lieu de
poivre.
33i Traite'
Il y en a plulîeurs qui veu-
lent bannir le Poivre de cette
compofition , parce qu’il eft
trop piquant ôc trop échaul
fant. Les plus habiles Méde-
cins n’ofent prefque jamais
employer le poivre rond qu’en-
tier , parce que de cette ma-
niéré il eft capable d echaufer
&: de fortiher l’eftomac fans al-
térer le fang ny les entrailles où
il ne pénétré pas,au lieu qu’en
poudre il excite une chaleur
& une foif intolérable. En ef-
fet plu heurs perfonnes ayant
remarqué que le Chocolaté les
échaufoit éc leur faifoit venir
des boutons au vifage , fefont
abftenus de faire entrer le poi-
vre dans fa compofition , luy
imputant ce mauvais effet.
. '• r
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du Chocolaté. 335
DES CL'OUX DE
GIROFLE.
Les Cloux de Girofle font^
aufli rebutez de cette compo-
fition par la plufpart de ceux
qui fe piquent de faire de bon
Chocolaté , fondez peut-être
fur ce qu’ils referrent le ven-
tre , quoy que d’ailleurs ils
fortifient l’eftomac, ôc ayent
d’autres bonnes qualités , fur
lefquellçs je n’infilte pas, puis
que c’efi: une chofe connue
de tout le monde,
DE LA VANILLE.
La Vanille que d’autres apel- Thomas
lent Mecufuchil , cft une gouf- Ga S es .
fe d’une odeur tres-agreabie
&d d’un goût acre.. Elle forti-
*fie i’eftomàc & le coeur : elle
Liv. f.
chap. 4,
Liv. 14.
chap. 6f .
Eufebe <îe
Nurem-
berg , lib.
Jf. chap.
48 .
354 Trait bSi* .
atténue le s humeurs épaiftei
de vifqueufes, êc eft un excel-
lent remede contre les venins.
Mêlée avec le Tabac , elle
corrige l’odeur defagreable de
fa fumée. Cette plante eft dé-
crite au long dans de Laet\
de dans Eujebe de Nurem-
berg.
DE L’ACHIOTE. -
* "S
L’Achiotê eft un fuc épaif-
fi : cette teinture eft tirée
d’un arbre fruitier de l’Amer
rique , que les uns apellent
slchiotl , d’autres Chancuarica ,
de d’autres P arnaqua. Voici
comme il eft décrit par Fran*
fois Ximenes au raport de Laèt
«livre - 5. chap. 3. C’eft uu
«arbre femblable en grandeur^
«tronc 6c forme à l’O rangers,*
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du Chocolaté. 335
fes feüilles font comme cel~ u
les de l'Orme en couleur 6c cC
âpreté, l’écorce, le tronc 6c £C
les branches font roux tirant £C
fur le verd , fes fleurs font tC
grandes, diftinguées en cinq £C
feuilles â la façon des étoil- cc
les , d’une couleur blanche tc
pourprine , le fruit efb fem- £ *
blable aux premières écorces £C
de Châtaigne , de forme êc tc
grandeur d’une petite aman- £C
de verte , quadrangulaire 6c £C
qui s’ouvrê étant meur, con- ££
tenant certains grains fem- £C
blables à ceux des raifins , £C
mais beaucoup plus ronds.**
Les Sauvages l’ont en gran- £<
de eflime , & le plantent**
auprès de leurs maifons : il cc
verdit toute l’année, 6c por- £C
te fon fruit au Printems , £C
auquel tems.on a coutume*?
du Chocholate. 33 7
6c belle couleur. Gage nous
aprend que c’efl des grains
contenus dans les goufles de
cet arbre qu’on fait l’Achiote,
L’Achiote, dit-il, croit fur«<
un arbre dansdesgoufTes ron «
des , qui font remplies de<c
grains rouges avec quoy l’once
fait l’Achiote , qu’on réduite
premièrement en pâte , puisse
apres l’avoir fait feclier, l’on<e
en forme des boules ron des, ce
des gâteaux ou des petitesec
briques, que l’on vend en fûi-«c
te à un chacun. L’Achiote ,cc
a t’il dit un peu auparavant ,<«
a une qualité qui pénétré 6c«
atténué , comme il paroît parce
la pratique ordinaire des Me-«c
decins des Indes qui experi-«e
mentent tous les jours fes ef-i«
fets , 6c l’ordonnent à leursu
malades pour incifer 6c atte*«
P
\
Hift.Nar.
llv.4,chap.
» 5 >.
338 T R A I T e '1
»nuer les humeurs crafles 6c
>jgroflîeres qui caufent la dif-
sjficulté de la refpi. ration , 6c
3?la rétention de Farine 5 de
3>forte qu’ils s’en fervent pour
jjtoute forte d’opilations , 6c
sïl’ordonnent auffi aux difÇcuh?
3stés de la poitrine, aux obftru^
avions des vifceres, 6c autres
ajfemblables incommodités»
DES AMANDES.
Colmenero croit qu’on ne
feroit pas mal d’ajouter les
Amandes aux autres ingre-
diens qui entrent dans cette
composition , mais il entend
les Amandes des Indes Occi-
dentales décrites par Acofla.
Voicy ce qu’en dit ce dernier
«Auteur.-- Il y a une autre ef-
„pece de Cocos , qui ont dans
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du .Chocolaté. 339
leur noyau une grande quan-«
tiré de petits fruits comme»
des amandes à la façon des«
grains de Grenade. Ces A-«c
mandes font trois fois auflicc
grandes que celles de Câftil-w
le de leur reflfemblent an goûta
encore qu’elles foient un peuce
plus âpres : elles font auflicc
humides de huileufes. C’efhc
un aflfés bon manger, aufli«
s’en fervent- t’il s aux Indes<c
en place d’Amandes, pourcc
faire des mafles-pains de au-«
très telles friandifes. Il lesc<
apellent Amandes des Andes, <c
parce que ces Cocos croif-c<
fent abondamment és Andes«
du Pérou , de font fi forts
fi durs , que pour les ou-«
vrir il les faut fraper rude-cc
ment avec une groflfe pierre.ee
S’ils rencontroient la tête de«
P a
340 Traite’
^quelqu’un quand ils tombent
jsde l’arbre , il n’auroit pas
asbefoin d’aller plus loin. C’eft
3>une chofe qui Terrible in-
jscroyable , que dans le creux
>'de ces Cocos qui ne font pas
3)plus grands que les autres ,
3)0u gueres d’avantage , il y a
3>neanmoins une telle quanti-
3)té de ces Amandes. Elles font
3 )pourtant bien éloignées de
3’la bonté de celles qui vien-
j 3 nent de Chachapoyas j c’eft
sde fruit le plus délicat , le
sde plus friand 6c le plus fain
5 )de tous ceux qu’il y a aux
jjndes. Jay même connu, dit-
3)t’il encore , un docle Mede-
jjcin , qui afluroit qu’entre
sîtous les fruits qui font en Ef-
j pagne , il n’y en avoit aucun
55 qui aprochât de l’excellence
»’de ces Amandes. Il y en a
du Chocolaté.' 341
de plus grandes 6c de plus«
petites que celles que j’ay dittc
des Andes , mats toutes font<c
plus grofles que. celles de<c
Caftille. Elles font fort ten-«c
dres à manger , ont beau-ic
coup de fuc 6c de fubftan-cc
ce 5 elles font fort onétueu-u
/es , 6c croiffent en des ar-<c
bres tres-bauts 6c de grande
feuillage 5 6c comme c’eft unccc
chofe precieufe , la natures
luy a donné une bonne cou-<c
verture, 6c une bonne defen-<c
ce, veu qu’elles font dans unetc
écorce un peu plus gran-cc
de r , 6c plus piquante quecc
celle des Châtaignes : tou-cc
tefois quand cette écorce eftcc
feche , 1 bn en tire facile-u
ment le grain. On dit que leste
Singes qui font fort friandsc c
de ce fruit , 6c dont il y a«
P 3 ^
34^ T R A I T E'
j, grand nombre en*> Chacha-
5 ,poyas du Pérou ( qui eft la
jjfêule contrée du. monde où
„il y ait des arbres qui le por-
tent ) pour en tirer l’amande
,/ans fe piquer , en jettent
^rudement du haut de l’arbre
3) le fruit fur des pierres pour
,,les rompre , Sc les aiant ain-
5 ,fi rompues, les achever dou-
^rir pour les manger à leur
„plaifir. Il y a apparence que
ces amandes font meilleures
pour donner corps à la com-
pofition que le May s 6c le
Panis , que quelques-uns y
mettent qui font trop ven-
teux, au lieu que les Amandes
font modérément chaudes , 6c
ont un fuc délicat, principale-
ment les feches > les vertes 6c
les nouvelles n’y étant pas
propres.
s .
> du Chocolaté.' 343
DES NOISETTES.
Chrijlofle Acofla décrit les
Noifettes des Indes Occiden-
tales en cette forte. Le Noi-«
fetier eft un fort erand ar-«
bre , droit , délié , rond 6c «
d’une matière fongueufe. Il a«
les feüilles plus longues &:«
plus larges que la palme qni<«
porte le Cocos , 6c qui for-c'
tent de la fommité de l’ar-cc
bre , entre lefquelles fortent«
de petites verges déliées plei-<«
nés de* petites fleurs blan-<«
ches prefque fans odeur ,«
d’ou s’engendre le fruit ap-<«
pelle Areca , grand commet'
des noix , qui toutesfois n’efttc
pas rond mais en ovale , ente
forme d’un petit œuf de pou-<<
le. L’écorce extérieure e& c
P ,4
344 Traite'
„merveilleufement verte de-
vant que d’être meure, étant
,, meure elle devient grande-
j ment jaune à la façon des da-
„tes bien meures. Cette écorce
, eft d’une fubftance mole Se
, velue , qui contient un fruit
„gros comme une grolfe cha-
5> taigne , blanc , dur , plein de
j, petites veines rouges, que les
,,habitans mangent. Etant en-
,,core verd., ils le mettent fous
„le fable pour le rendre meil-
leur Se plus agréable : quel-
„ques fois ils le mangent avec
„les feüilles de Bethel', autre-
fois ils le rompent Se le font
fecher au Soleil , Se puis
j, s’en fervent ordinairement en
„leur manger , Se en leur po-
rtions adftringentes : pour l’é-
3 ,corce , ils s’en netoyent les
„dents. Il y a une autre efpe-
du Chocolaté.' 345
ce de Noifette , qui croît en«
rifle de Saint Dominique ,cc
qui efl: purgative , mais cecc
n’efi: pas celle qu’on mêlecc
avec le Chocolaté : elle eft<c
décrite par Oviedo en fonte
Hiftoire des Indes livre 2.«
chap. 4. 6c en fuite par Mo-
nardes.
Ce font ces premières Noi-
fettes que le Médecin de Le-
defma demande:elles font delà
qualité des amandes, mais plus
feches 6e plus bilieufcs : elles
.fortifient l’eflomac bien fe-
chées au feu 6e comme gril-
lées , 6c empêchent que les
vapeurs ne montent au cer-
veau. C’eft pourquoi elles
font tres-utilcs à ceux qui ont
des vents 6c des fumées qui
montent des hypocondres àu
cerveau , 6c qui caufent des
p 5
J
■$4* Trait e '
ïongês turbulens, & mettent
k raifon en defordre.
DU MAY S.
• r
’ y
J, Ceux qui mêlent le Ma ys
jjou le Panis dans le Choco-
, 5) late fonttres-mal r dit Çolme-,
„nero, parce que ces deux dro-
„gu£s engendrent Thumeur
^melan colique , 8c que l’un
9) &c 1 autre font venteux*
3 ,Ceuxqniles font entrer dans
„cette compofition , ajouter
3î t il , ne le font que par œco-„
j,nomie, parce qu’ils font à
„tres-bon marché.
Mon fleur Moreau qui a com-
menté Colmenero , afliire que
ce que les Américains apel-
lent Ma*ys , eft le même grain
que nous apellons Bled dTn-
de , ou froment de Turquie »
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du Chocolaté. 547
afTez connu en France, & dé-
crit par Ximenes au raport de
Laët , en ces termes.
La différence du Mays fe«
prend de la couleur de fest,
épies ( que le commun appel
le Mazoycm ) laquelle varier
grandement, car les uns font«
de couleur blanche , les au-çc
très de rouge : il y en a«
de prefque noirs , d’autres<«
pourprés , bleus Sc bigarrez**
de diveries couleurs , ( ce<c
qui fe doit entendre de le-<c
corce de defïus , car la fari-«c
ne en eft blanche , ) &c. Au<c
refte, s’il y a aucun bled que<*
Dieu ait fait qui foit de qua-*c
lité temperée , &; de grande c
nourriture , c’eft fans douter
le Maf s ( que les Mexicains**
apellent ' TUolli ) car il n eff««
n’y chaud n’y froid ,
P 6
* 348 Traite'
«moyen entre les deux , com-
j,me aufli ny humide ny fec ,
3 >mais du tout temperé entre
5, les deux , bien loin d’être de
^grofTe 6c vifqueufe fubftan-
3 ,ce. Voila pourquoy ceux
3 , qui l’ont jugé être de vif-
jjqueûfe 6c grofîiere nourri-
ture, &. d’engendrer des ob-
,’ftruétions fe font fort trom-
5 ,pés 5 on a trouvé le contrai-
nt es Sauvages qui en vi-
„vent ordinairement , parce
5 >que jamais ils ne font tra-
vaillés d’obftruéiion, 8c n’ont
3 , jamais mauvaife couleur ,
33 mais au contraire ils aflurent
35 qu’il fe digéré aifément , 6c
«ayguife l’appetit , que même
savant la venue des Efpagnols
jîils ne fçavoient ce qu^c’étoit
5 >des douleurs néphrétiques. r
j»enf n il ne fe trouve aucun
j
f
du Chocolaté. 3 49
plus excellent remede entre*
les Sauvages contré les mala-*
dies aiguës. Ce que l’expe-**
rience témoigné incontelta-*
blement , car le Mays boiiill y çc
en l’eau nourrit fuffifamment*
le corps y 8c fe digéré faris cc
aucune difficulté ny domina-*
ge : il adoucit la poitrine , <c
tempère la chaleur des fié-** /
vres, principalement la pou--*
dre de fa racine trempée dans*
l’eau 8C expo fée au froid du*
foir, 8c puis après bue. Or*
ce Mays boüilly n’eft pas*
feulement une viande faine*
8c louable , mais peut être c s
auffi donné fans crainte aux « :
malades auffi bien qu’aux* ^
fains , aux jeunes qu’aux*
, vieux , aux hommes qu’aux*
femmes 8c de quelque con-<«
duion qu’ils foient , enfaq
350 Traite'
«en toutes maladies , fans au-
ijcun rifque. On dit d’ailleurs
jjqu’il provoque l’urine 6c net-
3)toye les conduits. Puis donc
î>que le Mays pris avec pré-
caution apporte mille com-
«modités fans aucun danger
5î( fi ce n’efl qu’on veüille dire
3’qu’il augmente par trop le
3’fang 6c la bile ) on ne doit
èpoint écouter ceux qui affil-
èrent qu’il efi: plus chaud que
«le froment , qu’jl fe digéré
èplus difficilement 6c qu’il en-
tendre des obftru&ions : fui-
èvons plutôt les Médecins
^Mexicains, qui ayant rejette
3>la ptifane comme ennuyeu-
se aux malades-, ont mis en
Sa place l’Atolle.
Le Paniz des Indes eft dé-
crit par Dodonee , par Dale-
thamjt 6c par Lobel que les
. i
\ *“ ■
■ «t • * '
Digitized
du Chocolaté.’ J51
Curieux pourront confulter
là deflus.
DE L'OREIE VAL A.
L’Oreievala eft une fleur
apellée par les Efpagnols , Flor
de U Orein , à caufe de la
reiïemblance qu'elle a avec
l’oreille. Elle a des feuilles,
pourprées en dedans , & ver-
tes au dehors. Elles font odo-
rantes , aromatiques & chau-
des , & viennent d’un arbre
que les Mexicains apellent
Xuchimacutzli , ou Hucbœa-
cutzlt.
^35^ Traite'
» X*
DE LA PLEUR D’UN
ARBRE RESINEUX,
ET DE LA GOUSSE
DU TLIXOCHITL.
i ; ■ _ ;
Monjïenr Moreau fait voir
dans fes Annotations fur le -
Traité de Colmenero , qtî’il a
obmis quelques ingrediens
necefFaires pour la compofî-
tion du Chocolaté. Pour
5> montrer , dit-il , que notre
» Auteur fe peut abuferyje .
j> vais produire deux ingrç-
j> diens du Chocolaté , def-
5) quels il n’a fait aucune men-
5>tion : l’un eft la fleur d’un
?> certain arbre refi lieux qui
jj jétte une gomme comme le
y> Styrax, d’une plus belle cou- -
» Leur , fa fleur eft femblable
« à celle de l’Orenger, d’une
’■* Bigitized by Google
• r
du Chocolaté. 353
bonne odeur qu’ils mêlent «
avec le breuvage de Cacao , u
qui eft le Chocolaté , de ils «
eftiment qu’elle eft bonne cc
pour l’eftomac. L’autre in- «
gredient eft la goufte du «
Tlixochitl , qui eft une herbe te
rampante ayant les feuilles «
femblables au Plantin , mais «
plus longues de plus épaif- ce
les. Elle monte le long des ce
arbres, les embrafle de porte te
des coftes ou gouftes Ion- «
gués de étroites , de qualité
rondes , qui Tentent le bau- <c
me de la nouvelle Efpagne : te
ils mêlent ces gouftes avec te
leur célébré breuvage de te
Cacao : leur pulpe eft noire, rc
pleine de petites femences te
comme celles du Pavot. On te
dit que deux d’icelles trem- <c.
pées dans l’eau de l’eau beu&>
354 Traite'
, .provoquent puiffamment l’u-
„rine.
Cesdiverfités font voir que
la eompofition du Chocolaté
iveff pas fixe , que les uns y
ajoutent , &: que d’autres y
diminuent ou y changent ce
y • 1 \
qu ils trouvent a propos pour
le goût ou pour les intentions
differentes qu’ils ont. Le com-
mun peuple des Negres & de»'
Américains n’y met ordinale
rement que du Cacaos , de
l' A chiot e & un peu de Chilts 8c
d'Anù. C’eft la caufe qu’on en
void de diverfes^ couleurs , &
de different goût. C’efl aufli
par cette même raifon , qu’il
y en a de bien plus cher l’un
que l’autre * Ôt cette diyerfité
n’eft pas feulement au prix,
elle l’efl encore dans fes effets.
Le Chocolaté que nous faifons
du Chocolaté. 355
en Europe feroit trop fade
pour les Américains qui de-
mandent que le Piemento do-
mine , 8c celuy que ces Peu-
ples compofent feroit infupor-
table à nôtre goût , parce qu’il
piqueroit trop nôtre palais. Si
j’ofois décider la chofe , je
dirois avec bien de perfonnes
raifonnables , que de tout ce-
luy qui fe fait parmy nos Eu-
ropéens , le meilleur nous
vient de Cadis , principale-
ment lors que l’on fe fert de la
précaution qui m’eft ordinai-
re , qui eft d k y envoyer à ce-
luy qui le doit faire la dofe que
je fouhaite qu’il obferve dans
fa compolition : encores faut-
il que ce foit quelque perfon-
ne qui foit extraordinaire-
ment affidée 3 8c que fi elle
n’eft pas du métier , elle fe
3 5 6 T R A I T e'
donne du moins la peine de
le faire compofer fous Tes
yeux , pour prendre garde que
le tout fe dilpenfe avec fideli-
té. Sans ces foins on court rif-
que d’être mal fervy , & bien
plus mal fi on le fait acheter
chés ceux qui en vendent
ordinairement , qui n’en ont
que très- rarement d’aprochant
du bon. Ce qui efl fi vray ,
que tous ceux de Cadis même
qui en veulent avoir d’excel-
lent , le font faire dans leurs
maifons & en leur prefence.
Il efl: du Chocolaté comme des
autres boifîons : a peine en
pourroit on trouver qui plût
a tout le monde — Il y a des
gens qui ne l’eftimeroient pas
s’il n’étoit piquant. Il y en a
qui n’en voudroient point s’il
n’étoit doux. Les uns veulent
Digitiz
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du Chocolaté. 357
qu’il fente un peu la Canelle ,
éc plufieurs n’en fçauroient
boire fi cela étoit. Je fuis de
ce nombre. D’autres fans dou-
te en jugeront autrement : je
n’en feray pas furpris 5 car qui
eft-ce qui eft en droit d’ôter
au goût de chaque particu-
lier, le privilège de juger par
foy-même des differentes fa-
veurs ? S’il en étoir d’autre
maniéré , que deviendroit le
proverbe qui dit qu’il ne faut
jamais contefter fur la diver-
fité des goûts.
358 Trait b' v
Chapitre II.
Préparation & mélange des dro-
gues pour faire le chocolaté ,
& manières de le boire.
> • ** -
«T E Cacao , & les autres
JT 1 > drogues qui doivent en-
trer dans la compofitïon du
«Chocolaté fuivant la dofe
«que l’on fe fera preferite , dit
^Colmenero , fe pilent, & fc
«broyent dans un mortier ou
«fur une pierre large ôc unie ,
«qu’on apelle dans les Indes
^Occidentales CMetatl , ou
„Metate faite tout exprès»
«mais avant que de les piler
«pn les doit faire griller U
«bien defiecher au feu afin
«qu’ils fe puijQfent piler plus
«aifément, excepté l’Achiote,
«mais il faut les faire griller
Dig
du Chocolaté. 359
avec grand loin , 6c les re- «
muer fans difcontinuation «
en les grillant , afin qu’ils «
ne fe brûlent , 6c devien-«
nent noirs, ce qui leur fe-«
roit perdre leur vertu , 6c «
les rendroit amers. La Ca-«
nelle 6c le Poivre de Mexi-«
que ( pour ceux qui les veu- u
lent employer ) doivent être“
pilez les premiers , 6c ce«
dernier le doit être avec T A- “
nis, 6c le Cacao le dernier 5 «
mais peu à peu jufques a«
la quantité fuififante , 6c
chaque fois il faudra luy«
donner deux ou trois jours
dans la pierre afin qu’il foit«
mieux broyé. Chaque cho-<c
fe fe broyé feparément, 6c «
puis après on met les pou-«
dres de tous les ingrediens«
dans le vaifleau , ou eft le*»
3<ro Traite'
3) Cacao où on les mêle avec
„ une cueillier , 6c aufli- toc ..
5, apres on prend de cette pâte,
„ qu’on recommence à broyer /
„ fur la même pierre , fous
„ laquelle on met un peu de
„ feu, apres que la confection
„ eft faite , en évitant que le
„ feu ne fut pas allés grand
„ pour la chaufer exceflive-
„ ment de peur de refoudre .
„ 6c de dilïiper la partie bu-
„ tyreufe. Il faut aulïi obfer- •
„ ver qu’en broyant le Cacao ,
„ il faut l’Achiote afin que
„ la couleur s'y prenne mieux.
„ Les poudres de tous les in-
„ grediens, à la refervede cel-
„ le du Cacao , fe doivent paf- •
„ fer par le tamis. Si on ôte
„ la coquille j ou l’écorce du
„ Cacao , la confection en fe-
„ ra plus délicate 6c plus deli-
cieufe
— , r-r s r»
non pas
celuy de
l'Europe.
Or le Pla-
tanus des
Indes à été
ainfi no:n-
du Chocolaté. 3^1
cieufe. Lors que letoutpa-“
roîtra être bien broyé, & in- te ^ 3
corporé ( ce que l’on recon- <t le plane
noîtra lors qu’on n’y verra « dInde&
pas la moindre petice paille ) «
on prendra avec une cueil- te
lier de cette ma de , qui fera «
prefque toute fondue 6c li-«e
1 ni 1 r 1 «mu no;n-
quefiee, dont on fera des te m / parls
tablettes qu’on mettra dans et Efpagnols
des boetes où elles devien- te ^uî
dront dures à mefure que « nous font
la ma Ife fe rafroidira. O11 ^ on . u ' s - ’
car il n a
obiervera cependant que pour rien de co-
faire ces tablettes , il faut m A un ^ cc
jetter une cueillerée de cet- ne , mais
te made fur du papier , ou
fur quelques grandes feuilles palmeAât
d’arbres comme ed le Plane, * en , f° r n-e
qu\n gri-
deur de feuilles , qu’il a fi grandes qu'elles couvrent un
homme depuis la têce jufqucs aux pieds. Il eft meme
remarqué au lecond Tome de l’Amérique, que ces
feuilles fervent à écrire , comme anciennement celles
du papier.
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> 1,TW!IIJPPIPJ I
562, Traite'
qui efl la façon qu’on le pra-
tique aux Indes : mais comme
le Plane nous manque en ces
Païs , on la verfe fur du pa-
pier , où elle s’étend , 6c étant
mife à l’ombre , elle s’endur-
cit , 6c après en pliant le pa-
pier j ils en tirent les table-
tes , qui pour être grades fe
feparent aifément du papier ,
6c fi on la verfe en quelque
vafe de terre ou fur un ais
on ne fçauroit les détacher
aifément ny les retirer en-
tières.
Il n’y a pas moins de di-
verfïté dans la maniéré de boi-
re le Chocolaté , que dans la
méthode de le compofer. Les
Mexicains le boivent ordinai-
rement avec l’Atolle. C’eft
ainfi qu’ils apellent une efpece
de bouillie claire faite avec la
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du Chocolaté.' 363
farine de Mays detrempée &
cuite dans l’eau qui efl leur
breuvage le plus ancien & le
plus commun. Il y a plufieurs
maniérés d’aprêter l’AtolIe,
comme on peut le voir dans
du Laet , * ou je renvoyé les *ii y. 7 .
Curieux. Car comme c’eft un clup.8.
Breuvage inconnu en ce païs
icy , & d’ailleurs venteux ôc
mal fain , ii n’efl pas necef-
faire d en parler plus au long.
Je diray feulement que ceux
qui s’en fervent pour prendre
îe Chocolaté , en font diffou-
dre une tablette dans de l’eau
chaude , & puis la remuent
avec le moulinet dans la taffe
ou l’on le veut boire,& quand
ü .efl en écume * ils rem- *Ona pe u
pliffent le refie de la taffe Iee ”F' n-
d’Atolle tout chaud , ôc puis écume" 6 '
ils le boivent chaudement Moufle.
Q. *
Digitized
3^4 T R À I T E'
gorgée à gorgée,
i- Il y a encore au raport de
>> Thomas Gage , diverfe^ autres
s? maniérés de prendre leCho-
33 colate 5 qui eft qu’aprés que
33 Ion l’a diflout dans de l’eau
33 froide ôc remué avec le mou-
33 linet l’écume en étant ôtée
33 & mife dans un autre vafe ,
33 on met le refte fur le feu
33 avec autant de Sucre qu’il
33 en faut pour le rendre doux,
,3> &. lors qu’il eft encore
.33 chaud , on le verfe deftus
33 l’écume qu’on en a fepare ,
33 &: puis on le boit.
33 Mais la façon la plus com?
33 muneeftde bien faire chauf-
33 fer l’eau , puis en remplir la
33 moitié de la coupe ou l’on
33 veut boire Ôc y diftoudre'une
>» tablette ou deux , ou plus ,
wjufques à ce que l’eau foi^
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du Chocolaté. 365
aftes épaiflie , puis le bien «
remuer avec le moulinet, 8c «
quand il eft aftes battu 8c < c
converti en écume, de rem- <«
plir la coupe d’eau chaude «
8c de le boire , après y «<
avoir mis du Sucre ce qu’il «
en faut 8c manger un peu «
de conferve ou de mafle- «
pain trempé dedans le Cho- «
colate. ; «<
Il y a encore une autre ma- «
niere d’en ufer, qui fe prati- «
que principalement en rifle te
de S. Domingo , qui eft de <c
mettre le Chocolaté dans un «
vafe où il y a un robinet «
avec un peu d’eau, puis le «
laifter boüillir jufques à ce«
qu’il foit diftout , dey mct-%
tre de l’eau 6c du Sucre fuf- «
fîfamment félon la quanti-»
té du Chocolaté , 8c puis «
a 3
K77
^64 Traite
9>le faire bouillir derechef,
» jufques à ee qu’il fe fafTe
i> une écume on&ueuf'e par
ajdefFus ôc le boire après
« cela.
» Les Indiens fe fervent
55 auffi dans leurs feftins ,
3) &. dans leurs réjouifTan-
33 ces d’une façon de boire
33 le Chocolaté froid , afin de
* 33 fe rafraichir , qui fe fait
33ainfi.-
>3 On- prend- le chocolaté
33 dans lequel l’on n’a mis que
33 peu ou point d’autres ingre-
33 diens, 6c l’ayant difïbut dans
33 de l’eau froide avec le mou-
ssiinct , l’on en ôte lecumè
33 avec la partie graffe qui s’é-
3^ leve par defTus «n grande
33 quantité , principalement
33 quand le Cacao eft vieux
- 33 éc commence a fe cor rom-
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1 ^ T t"
du Chocolaté^ 3^7
prc. On met l’écume dans «
un plat à part , & on met du «
Sucre avec celuy d’où l’on a «
tiré l’écume , qu’en fuite «
l’on verfe de haut fur l’êcu- «c
me & puis on le boit ainf te
tout froid. Ce breuvage eft «
iî froid qu’il y a peu de gens «
qui s’en puiftent fervir : car «
l’on a juftifié par l’experien- «
ce qu’il eft nuifible de qu’il «
caufe des douleurs d’efto- «
mac,ôc particulièrement aux «
femmes. «
La troiféme maniéré de«
le préparer, eh: celle de tou- «
tes qui eft la plus en ufage , «
parce qu’en cette maniéré là «
il ne fait aucun mal 5 de je te
ne vois pas de raifon , pour- «
quoy l’on ne s’en doive aufli te
bien fervir en Angleterre , «
comme on fait en d’autres «
0.4
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568 Traite'
„ païs, dont les uns font chauds
» ôc les autres font froids ; car
3> dans tous les endroits ou fori
3j s’en fert le plus , foit dans
?» les Indes, foit en Efpagne
» foit en Italie ôc même en
3 >plandres qui eft un païs
3 ï froid , l’on trouve qu’il s’ac-
3) corde au tempérament d’un
chacun.
3> Il y a encore dit Colmcnercr 9
3> une autre façon d’acommo-
3> der le Chocolaté , plus b rie-
33 ve pour les hommes d’affaï-
33 res qui n’ont pas le loifir
33 d’attendre une longue prepa-
33 ration , laquelle eft bien fai-
33.ne ; &: c’eft celle dont je me
33 fers. La voicy. Tandis qu’on
33 fait chauffer de l’eau , on
33 prend une tablette deCho-
33 colate,ou bien on en râpe ce
v donc on a befoin , que l’on
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du Chocolaté. 3^
mêle a v c c du fu cre <i pro- ti
portion du Chocolaté que te
I on y a mis , le tout dans un te
petit pot, l’eau étant chaude ce
On le verfe dedans , 8c on t«
le défait avec le moulinet s «c
on le boit enfuite fans avoir cc
feparé lecume comme on a <e
de coutume de faire aux au- <c
très préparations-. ««
A Livorne 8c en d autres
endroits d’Italie où l’on a ac-
coûtumé de mettre à la gla-
ce ou à la neige prefque tou-
tes-le> boilTons, pour chercher
des temperamens contre les
exceflives chaleurs qui ré-
gnent en ces pais là , 011 boit
fou vent le Chocolaté à la çla-
, o
ce : cette maniéré de le boire
n’efl point defagreabie * en
quoy il différé parti culieremêe
du Café 8c du Thé qui ne font
CLs
'tfô Traite'.
bons que chauds. Cependant
je m’aflure que c’efl plutôt le
goût ôc le plaiflr qui l’ont in-
troduite &: authorifee , que la
taifon &: la fanté.
Après avoir fait un afles
long & afles exad détail des
differentes maniérés dont on
aprête ailleurs le Chocolaté
pour le boire , il efl: tems que
je die de quelle forte nous
1 accommodons en France. Or-
dinairement on met dans la
chocolatière ou dans le co-
quemart où l’on veut le faire
cuire, autant de gobelets d’eau
qu’il y a de perfonnes qui
en veulent prendre : enfuite
on fait bouillir cette eau , &c
dez qu’elle bout , on y jette
dedans ( fl le Chocolaté efl
excellent ) une once 6c un
quart de la poudre qu’on ea
dû Chocolaté.' 371
a râpée 6c mêlée avec du
moins une once de Sucre pour
chaque gobelet d’eau. Sans
aucune perte de tems , on lè
remue dans la* chocolatière
avec le moulinet pendant
quelques momens pour le dé-
layer : ce que l’on continue
apres l’avoir retiré du feu juf-
ques à ce qu’on l’ayt bien fau
moufler. Alors on verfe de
cette moufle dans le gobelet
qu’on achevé de remplir du
refte de la décoction : on re-
commence après de le remuer
dans la chocolatière avec le
moulinet,jufques à ce que l’on
ait fait revenir de nouvelle
moufle : ce que l’on continué?
jufques à ce que la chocol$- ■
tierc foit entièrement vu idée
6c les gobelets entièrement
pleins. il faut le humer auflï
. Q.«
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n*
372, Trait &
chaudement qu’on le peut:
fonfFrir. Il y a des perfo'nnes
qui prennent avant , un demi
verre d’eau fraiche , des au-
tres qui mangent un couple
de bilcuits qu’ils trempent
dans le gobelet , mais je trou-
ve que de cette manière on
en enleve ce qu’il a de plus
fucculent , & que le relie pert
quali tout fon bon goût y
tellement qu’à mon gré il
vaut mieux le boire comme
il fort de la chocolatière. Si
le Chocolaté n’étoit pas de
toute bonté , il faudroit en
augmenter la dofe à propor-
tion de fa qualité , ôc pour
ce qui eft du Sucre on en
réglé la quantité fuivant que
cê^ix qui en veulent boire
ai, trient plus ou moins la dou-c
ceur. Les voluptueux ajoutent
do Chocolaté.' 375
à cette préparation quel-
ques goûtes d’effence d’Ambrc
qu’ils jettent dans la chocola-
tière , ou quelque petite por-
tion dePaftillesambrées^u’on
met dans le gobelet, ce qui en
releve extraordinairement la
bonté. Il y a même des gens
qui pour en augmenter la de-
Iicatcife r au Jieu du Sucre
iubftituent le Sorbet d’Egypte,
qui étant bon, le rend 1 infini-
ment plus agréable, Enfin il
s en trouve d’autres qui rafî-
nant fur cét aprêt , mettent
du lait chaud à la place de
1 eau , & y ajoutent un jau-
ne d œuf, à quoy je n ’a y ja-
mais"pu m’accomoder.
Il faut maintenant dire
quelque chofe des précautions
necelfaires pour le choix du
bon Chocolaté. L’experience 1
\ . ,
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$74 Trait e'
pour cela fert beaucoup plus
que tous les avis que l’on
pourront donner pour y reüfîir.
Cependant il n’y a pas du mal
de fçavoir que cette compofi-
tion fe faifant en pâte , on
peut luy donner toutes les fi-
gures que l’on veut. J’en ay eu
du long, du carré, du rond,
en gros en petits morceaux ,
& de plufieurs autres formes î
ce que je dis parce que j’ay
veu bien des gens, qui d’ail-
leurs me paroiüoient ailes rai-
fonnables , ne pouvoir fe laif*
fer perfuader qu’un Choco-
laté fut bon par cette feule rai-
lon qu’il n’avoit pas la figure
qu’ils fouhaitoient comme fi
cela contribuoit de quelque
chofe à fa qualité. Il faut
prendre garde qu’il ne fente
point le moifi , qu’il ne foie
i
du Chocolaté. 375
point trop vieux > ce qui f e
connoît s’il eft percé ou pi-
que par de petits vers qui s’y
engendrent tant foit peu qu’il
fou furanné , & principale-
ment lors qu il eft furchargé
du Sucre. Jl doit n’avoir rien
en le mâchant qui répugné au
goût , ny qui fente les épi-
ceries qui entrent dans fa com-
pofîtion. Voilà fi je ne me
trompe , tout ce qu’on peut
obier ver pour le choifir , lors
qu’on n’a pas la liberté d’en
boire : mais lors qu’on peut
porter la chofe jufques là,il eft
afte s difficile de s’y tromper
tant foit peu que l’on ait ac-
coûtumé d’en ufer , & fur tout
^ fi on en a bu du bon. Un des
grands defauts que puifte avoir
le Chocolaté à mon gré , c’eft
lors que quelque forte d epi-
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376 Trait e'
cene domine, car fi cela eft,en
le beuvant il pique direcle-
ment lï fort le go fier, qu’on ne
fçauroit l’avaler avec plaifir.
Pour ce qui eif des taffes
dans lefquelles on boit le Cho-
colaté , les Américains & les
curieux de ce païs fe fervent
de celles qui font faites de Co-
cos, & cela non pas feulement
parce qu’elles font extrême-
ment propres 5 mais parce que
les bords ne s’en échauffent
pas fi fort qu’ils puiffent brû-
ler les levres quand on le veut
boire bien chaud , comme fe-
roit l’argent ou l’étain. Ces
taffes de’Cocos s’apellent dans
le païs d’où elle viennent 7>-
comates. Ils font aufîi des go-
belets des fruits d’un autre
arbre , nommé par les Efpa-
gnols higuero. C’eft un grand
du Chocolaté. 377
arbre qui a les feüilles fembla-
blés en figure 6c en grandeur
à notre meurier , & qui porte
des fruits comme des petites
citrouilles , que les Sauvages
creufent pour faire des gobe-
lets. Je ne diray rien ici des
palmes qui portent les Cocos y
puis que cét arbre a été dé-
crit par plufieus Auteurs. Il
faut feulement remarquer, que
le Cocos eft couverts de deux“^
, écorces , dont l une eft velue
ôc fibreufe , & fort à faire des
cordages : &c l’autre qui eft in-
térieure, eft unie & folide ,
propre à être travaillée en
* gobelets. L’opinion commune
eft qu’ils ont quelque vertu
contre l’apoplexie, ce qui leur
a donné la vogue pour s’en fer-
vir à boire le Chocolaté : à
leur defaut on peut fe fervir
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$7 8 Trait e' ■*
de talfes de porcellaine ou de
fayence.
On peut prendre le Cho-
colaté en maniéré folide , car
Ü s’en fait des dragées , des
bifeuits , du maffepain 6c plu-
£eurs autres fortes de friandi-
. fes , & s’il n’efl pas £ utile a
la fanté de ces façons , du
moins il eft aufli agréable
cju’en liqueur.
"f Si on boit le Chocolaté pour
la fanté feulement » il faut fe
contenter d’en prendre deux
K tafles par jour pour le plus,
& plutôt le matin qu’autre-
jnent. Ceux qui font bilieux
au lieu de le prendre avec de
l’eau commune , le peuvent
. prendre avec de l’eau d’Endi-
ve , &. principalement en Eté ,
•quand on en voudra ufer par
forme de médicament contre
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du Chocolaté. 379
les intempéries chaudes du
foyej 6c au contraire ceux qui
auront le foye froid 6c plein
d obftru&ions , le pourront
prendre avec la teinture de
Rhubarbe. On en peut ufer
regulierement jufques au mois
de May , 6c fur tout fi l’air efi;
temperé. Colmcncro n’en aprou-
vepasl’ufage pendant les jours
Caniculiers, fi ce n’efta ceux
à qui il ne fçauroit nuire, par-
ce qu ils y /ont habituez. Si«
quelqu un , dit-il , à befoinu
d u fer du Chocolaté aux j ourse*
Caniculiers, 6c qu’il foie d’un«
tempérament chaud , il le«
prendra aflaifonné avec 1 eaucc
d’Endive de quatre joursa
l’un , fpecialement s’il fe fent«
le matin avoir l’eftomac foi-c«
ble 5 6c encor qu’il foit veri-<«
table qu’aux Indes , qui
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t •- f *. ■sp« ■
ÿ8o Traite'
» un Païs tres-chaud, on le
?> prend en route Saifon,6c que
J» par confequent on pourroit
>î faire le même en Élpagne.
» Toutesfob je repondray pre-
» mieremcnt qu’il faut donner
» cela à la coûtume.En fécond
» lieu , que l’exceflive chaleur
J? de ce Païs- là , fe trouvant
îî conjointement avec une ex-
j> ceflive humidité , laquelle
5) ayde à. ouvrir les pores du
» corps , il arrive qu’il fe fait
» une fi grande diffipation de
» la propre fubftance du corps,
5> que l’on peut, non feulement
j> le matin , mafs auffi à tou-
j) te heure prendre du Choco-
j) late fans aucun préjudice : Sc
jî il eft tellement vray que par
>> la chaleur exccfHve du Païs
55 la chaleur naturelle fe difîipe
>y 6c s’exhale , 6c que celle de
r-
fi-r-'y
rr-*,"'.7Tv’ r "vr?: rr
• * " »
du Chocolaté.' 381
,1’eftomac 6c antres parties «<
interieure^du cofps,s’épand <c
de telle façon aux exterieu- <«
res j que nonobflaut ces ex- «
cez de chaleur, les eftomacs <«
en demeurent rafroidis : en <<-
forte qu’ils tirent du profit «c
6c de l’utilité, non feulement «
du Chocolaté , lequel félon «
que nous avons prouvé , eft cc
modérément chaud , mais «c
auffi du vin pur, lequel com- «
bien qu’il falTe bien chaud , «
ne leur fait aucun mal , au <<
contraire il conforte l’efto- ce
mac : que fi parmy cescha- «
leurs excefïives les Indiens <
viennent à boire de l’eau , <«
ils en reçoivent un notable <c
dommage par le rafroidifle- ce
ment de leur eflomac parle- «<
"quel la coction vient à fe <e
corrompre, ce qui leur caule ««
Digitized by Google
$8i / Tuait eJjo
»beaucoup d’autres maladies.
>îll faut remarquer aulîi que
»Ies fubftances terreftres que
j>nous avons dit être dans le
jjCacao , tombent au fond du
3>gobelet quand on le reduic
5>en breuvage , 6c qu’il y a
«des perfonnes qui croyenc
. que ce qui demeure en ce
jjfond eft le meilleur, 6c le plus
jjfubftantiel , 6c ainfi ils le
sîboivent avec beaucoup de
^préjudice. Car outre que tei-
lle fubftance eft terreflre ,
îîcraffe 6c opilative , elle pro-
duit l’humeur melancholi-
?5que i de forte qu’il la faut
«éviter tant qu’on pourra , fe
jîcontentant du meilleur qui
le plus fucculent.
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r^îi »ï’V‘î <r
J*"— ; T "î ^TT 3
du Chocolaté. 383
* - * *
Chapitre III. ^
Des qualité z qui refultent du
mejlunge des ingreàiens qui
entrent dans lu comfofition
du Chocolute.
s ' 1
N O us avons examiné en
particulier dans le pre-
mier Chapitre chacune des
drogues qu’on employé pour
faire le Chocolaté , Sc expli-
qué leurs qualitez : mais cela
ne fuffit pas 5 car comme ces
qualitez font differentes , on
peut encore demeurer dans le
doute quelle eft celle qui pré-
domine dansle tout,& ignorer
par là à quel ufage il peut être
employé pour la faute , ce qui
eft pourtant le but que nous
devons nous propofer. 11 faut
donc coniiderer avecauention
Digitized by Google
4$4 Traite'
quelle peut être la qualité do-
minante qui doit relulter de ce
« mélange. *On s’aperçoit d’a-
?> bord que la plus part des in-
3> grediens que l’on mêle dans
3> le Chocolaté font d’une qua-
3> lité chaude, & par là on juge
33 fans doute qu’il doit être
33 fort chaud. Mais il fautob-
33 ferver que la quantité du Ca-
33 cao qui y entre, excede celle
33 de tous les autres enfemble :
33 &: qu’étant cxtraordinaire-
33 ment froid, tous ces autres ne
33 fervent qu’à corriger fespar-
33 ties froides &: terreftres. De
33 forte comme deux medica-
33 mens de qualité côtrairefonc
3 * par un mélange une compo-
33 fition temperée : de meme
33 par l’aétion Sc réaction des
33 parties froides du Cacao, &.
jjdes autres ingrediés chauds, le
Chocolaté
H •
*
Digitized by Çoogl
du Chocolaté. 3S5
Chocolaté prend une quali- <«
té temperée fort peu éloi- «
gnée de la médiocrité. On «
peut donc dire, particulière- «
ment fi on n’y met ny Poivre «
ny Gerofîe , qu’il eft pure- «
ment temperé, 8c cela le peut «
.prouver par l’experience ÔC «
par la raifon. Pour ce qui eft ce
de la première , après avoir ce
raifonnablemétfuppoféavec «c
Galien,quetoutmedicam ntee
temperé échaufe ce qui eft «c
froid , ôc refroidit ce qui eft <c
chaua : comme feroit l’eau ce
tiede , qui mêlée avëc l’eau <c
chaude la rafraichit, 8c avec c c
l’eau froide l’ échaufe : on ce
n’aura plus de peine à com- «c
prendre, ce que l’on dit, 8c ce ce
que l’on éprouve du Choco- cç
late, qu’il échaufe les efto- <c
çnacs réfroidis , -8c qu*il ra- «
K
386 Traite'
»fraichit les eftomacs échau-
ffés. Colmcnero l’experimen-
»toit fur luy même lors qu’il
»pratiquoit la Medecine dans
»l’Amerique. Car il dit que
»lors qu’il revenoit de vifiter
» lès malades tout écaufé ,
»cpux du païs luy perlua-
‘ ’idoient de prendre une tafle
>’de Chocolaté : ce qu'il fai-
»foit, 6c il en apaifoit fa foif 6c
5>fe fentoit rafraichy. Au con-
5>traire le matin à jeun que les
^glaires qui relient de la di-
«gellion alïoiblilTent 6c ra-
^froidilfent l’ellomac 5 s’il en
”prenoit une talfe il remar-
”quoit fenfiblement fon ello-
5>mac fortifié 6c échaufé.
3> On connoit encore par l’ex-
»perience } qu’il n’y a que tres-
j’pcu de perfonnes qui ncs’ac-
»commodenc de ce breuvage ,
du Chocolaté. 387
que de tous les âges , de tous 46
les fexes , de tous les tempe - 46
ramens , la plu (part s’en trou - 46
vent bien. Or il e fl confiant
que de ceux qui en prennent
les uns font d’un tempérament
chaud èc bilieux , ou fanguin >
les autres froids , pituiteux ou
mélancoliques : par confe-
quent il eft évident que puis
qu’il ne s’en trouvent pas mal,
il faut qu’il n’augmente point
les qualitez qui prédominent
en eux. Caria caufe des mala-
dies la plus univerfelle feloji
le fentiment du Prince des
Médecins *eft lorsqu’une des
qualitez , ou plutôt une des
humeurs aufquelles ces quali-
tez font attachées vient à do-
miner trop fenfiblement , au
point de n’être pas corrigée
par les autres oppo fées. Ou
R »
* Hippo-
crate,
Digitized by Google
388 Trait e'
peut auffi remarquer dans fu-
fage de cette boiffon , qu’elle
ne donne point a la tete ,
quelle n’altere point 5 bien
loin de là, il m’eft fou vent arri-
vé apres avoir pris du Choco-
laté , de faire trois ou quatre
heures en fuite mon repas, fan s
boire la moitié de mon ordi-
naire, 6 c qu’elle n agite point
le poux : ce qui font des effets
de la chaleur, comme on le re-
marque au vin , à 1 eau de vie
aux liqueurs fpiritueufes ,
pour peu d excès qu’on en faf-
fe : quelle ne fait point aufïî
des effets contraires , comme
d’affoûpir,de faire mal à l’eflo-
mac , de rendre le poux lan-
guiffant 5 c le corps pefant, qui
font des effets de froideur,
comme on le remarque aux
herbages , aux légumes , au
Digitized by Google^
du Chocholate.' 382
laitage 6c à l’eau froide. D où
l’on doit inferer que le Cho-
colaté eft , comme je l’ay déjà
dit, unç compofition fort tem-
pérée.
Maintenant pour apeller«
la raifon au feeours de l’ex-
perience , confiderons que ce
toutes les parties du Cacao «
ne font pas froides , puis que ««
comme j’ay fait voir , il y en «
a beaucoup de butyreufes 6c «
fui fu ré es , qui font incon- <c
teflablement chaudes 6c in- «
flammables. Quoy qu’il foit «c
donc vray , que la quantités
de cette drogue eft plus forte « .
dans le Chocolaté que tous
les autres ingrediens,Ies par- «
ties froides ne reviennent ce
tout au plus qu’à la moitié. «
Ainfi bien que toutes ces ce
parties froides 6c terreftres«
R i
390 T R A I T l'
«du Cacao foient la bafe de
,î cette compofition , il arrive
„ par la trituration de le mé-
* „ lange qu’on en fait , tant
3, avec fes parties butyreufes de
» chaudes , qu'avec les autres
» drogues chaudes au fécond
'„Sc au troifiéme degré , qui
3) ont une qualité plus aétive >
3, que de tout ce mélange il fe
3, fait un compofé temperé dans
3> fes premières qualitez : de
3 î même que l’on voit en deux
33 perfonnes qui fe touchent les
33 mains > dont Fune les a froi-
33 des & l’autre chaudes : les
» unes & les autres fe tempe-
3>rent mutuellement fans ex-
33 cez de froid ou de chaleur.
33 Pareillement de deux perfon-
- 33 nés .qui luitent ou fe bâtent
33 enfemble,&; qui onrau com-
33 mencement leurs forces tou-
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du Chocolaté. 391
tes entières , par l’adion , & «
parla réaction mutuelle de «
l’une contre l’autre ÿ il arrive ce
infailliblement, qu’à la fin du ce
combat opiniâtré , leurs for- c<
ces fe trouvent diminuées & cc
ralenties afies fenfiblement ce
pour leur faire trouver du cc
plaifir à finir leur combat &: ce
à fe repofer. C’efi le fenti- ce
ment d’Ariftote , * qui dit cc
que tout agent pâtit auffi bien cc
que le patient. On voit aufïi cc
qu’un infirument à couper ce
eft émou fie par la chofe qu’il ce
coupe , que ce qui échaufe ce
fe refroidit, en agiflant con- cc
tre le corps froid , St que ce ce
quipoufieefi: en quelque fa- ce
çon repoufle par la refiftan- ec
ce qu’il trouve. Je recueille «
de tout cela , continue CoL ce
menero , qu’il vaut mieux fe «
R 4
* Au 4 .îiv<
de la géné-
ration des
Animaux
chap. 3.
il
I
391 Traite'
fervir du Chocolaté quelque
>5 tems après avoir été fait ,
5, que tout fraîchement : ce
5) qui doit être du moins un
jj mois entier , m’imaginant
s? que ce tems eft necefFaire ,
„ afin que les qualitez con-
>5 traires des ingrediens s’afFoi-
5> biilFent , de qu’elles foient
55 réduites à une médiocrité
5> de température convenable :
5) parce que comme il arrive
55 ordinairement, qu’au com-
5 î mencement chaque contrai-
55 re veut imprimer de faire fou
55 effet , la nature ne foufFre
55 pas qu’il puifFe s’échaufer 8 c
55 refroidir en même tems.C’eft
55 la caufe pourquoy Galien au
55 Livre de la Méthode , con-
55 feille de laifFer pafFcr un an ,
5> ou pour le moins fix mois >
» avant que de fe fervir du
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r
du Chocolaté. 393
Philonium , parce que dans <*
cette compolition il y entre ce
du fuc de Pavot, apellé Opium , «
qui eft froid au quatrième «
degré , &; du Poivre avec «
quelques autres ingrediens «c
qui font chauds autroifiéme. <c
Cette do&rine e£t confirmée cc
par la pratique de quelques- «
uns /que j’ay priés de me di- te
re quel Chocolaté ils trou- «
voient le meilleur j qui m’ont <c
répondu que c’efi: celuy qui te
eft fait il y a quelques mois, «
& que le recent leur faifoit te
du mal & leur relâchoit l’e- <c.
domac, parce qu’à mon avis, «
les parties grades &. butyreu- c*
* lès ne font pas tout à fait te.
corrigées par les parties ter- u
redres du Cacao : ce que je t f
prouve par cette raifon , que «
£ l’on donne un bouillon au <«
K y
*
394 Traite'
»> Chocolaté pour le boire , ce
>, qu’il y a de crafle 8c de bu-
„ tyreux en luy fe fepare , 8c
» relâche l’eftomac ( encore
9> cju’il foit vieil ) comme^’il
,î étoit fraîchement fait.
9, Pour donc refoudre ce fe-
9» cond article , il faut avoüer
9> que le Chocolaté n’eft point
9ï li froid que le Cacao , ny
» aufli fi chaud que les autres
» ingrediens j mais que par
9» l’aétion 8e réaction d’iceux
3J il provient une complexion
3 > modérée , qui peut fervir
>> pour les eftomacs qui font
»> froids 8c pour ceux qui font
a» chauds 1 pourveu qu’il foit
3>pris en médiocre quantité
« comme je diray tantôt , 8c
3 > qu’il ait été- fait un mois
» devant ainü qu’il a été dit.
» Ce fa$on que je ne fjay qui
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du Chocolaté. 395
eft celuy qui ayant experi- «
mente cette confeétion félon «
qu’il convient pour chaque «
individu , en puifle dire du c«
mal : outre que tout le mon- «
de s’en fervant univerfelle-
ment il n’y a prefque per- c«
fonne qui n’en dife du bien ,
tant aux Indes qu’en Efpa-tf
gne Ce Médecin de Mar- c<
che na n’a donc point eu de c<
rail on de dire que le Cho-
colate faifoit des obftru- «
liions 5 puis que fi cela étoit, <«
le foye étant opilé , tout le e*
corps viendroit à s’amaigrir,**
&; nous voyons le contraire
par expérience en ce que le te
Chocolaté engraifle. «
5?<jr Traite*
Chapitre IV-
A quelles incommodités le Cho-
, co la te efi propre..
I L y a quantité de perfon-
nesqui ufent du Chocola-
té plutôt par habitude & par
plaifir y que par aucune vue
de remédier, à quelque indif-
pofition prefente » ou qui
pourroit arriver. Ce chapitre
n’eft pas fait pour eux. Tout
ce que jay a leur dire , c’efb
? ue s’il s’en trouvent bien ils
èuvent continuer. Mais com-
me la Medecine fçait faire
choix des alimens , &: des
bo liions les plus ordinaires-
pour en foulager les malades >
je crois ne devoir pas finir
ce difeours du Chocolaté fans
dire à quelles maladies H peut
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BU CHOeatATIV tn
être propre , & à quelles ren-
contres il ne l’efo pas.. Les
Auteurs, font: fort fuccints;
là deflus ,. ce qui m’oblige-
ra. aufli d’être beaucoup plus,
court dans ce Traité , qüé:
je ne l’a y été dans les prece— ;
dens.. '
Comme le- Chocolaté efo
compofé de drogués la pluf-
part ftomachiques , ainfr que
je l’ay remarqué dans leurexa—
men 5, il s’enfuit neceflaire-
ment qu’il polfede. cette mê-
me qualité. G’eft pourquoy les;
perfonnes qui ont» l’eftomac.
épuifé & affoibli par la coli-
quejia diarrhée , les vents v les
évacuations copieufes,fe trou-
vent parfaite met bié de l’ufage
decette boiffon.Aufli s’enfert-
t»*ori plus fréquemment dans*
i’Amerique que dans l'Europe*
39B Traite"*
»> parce , dit Thomas Gagè. y
» qu’en ces Pais là on eft bien
5> plus fujet aux foiblefles d’e-
« ftomac qu’en celuy~cy , à
j> quoy l’on remedie par un
5) verre de bon Chocolaté qui -
jî remet & fortifie d’abord l’e-
ftomac.
>9 Je puis dire pour mon par-
5) ticulier , pourfuit-il , que je
>j m’en fuis fervy pendant dou^
3 î ze ans fans difcontinuation ,
3? en prenant un verre le ma-
33 tin, un autre devant dîné fur
» les neuf ou dix heures ,
« encore un antre , une heure
33 ou deux après dîné 5 un au-
39 tre enfin furies quatre à cinq
33 heures après midy. Mais lors
3> que j’avois deflein d’étudier
33 le foir j’en prenois encore un
>» verre fur les fept à huitf
heures 3 avec quoy j etudiois
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g - • .—s « .n jff ifyy r; *■ .
du Chocolaté. 3^
facilement fans dormir juf- et
ques a minait. «
Que fi par Kazard ou jpar et
négligence je manquoisd en *c
prendre à ces heures là , je «
ne manquois pas auffi-tôt «
de fentir des foiblefles d r e- ««
ftomac , Ôc comme des de- u
faillances ou maux de cœur. <<
De forte qu’en ufant ainfi je «
vécus pendant douze ans «
en ce Pais là dans une par- «
faite Tante, fans aucunes ob- «
ftruélions ny opilations , &: et
fans avoir de fièvre n’y d’au-
tre femblable indifpofition. <c
Ce n’efi: pourtant pas que c<*
je veüiîîè regler autruy par « .
mov-même, ny faire le Me-
dccin pour ordonner la do- ce
fe de ce breuvage , n’y en c« :
preferire le tems , &: encore ce
moins deffinir ceux qui s’en-
4toa T R A IT E /(
», doivent fervir- • „
?» Je diray feulement qu’il f
v) en a eu quelques-uns qui s’en*
» font mal trouvez , foit pour
» y avoir mis trop de Sucre r
» qui lâche L’eftomac, ou pour
» en avoir bu trop fouvent..
» Mais je puis dire aufli que
r) ce n’eft pas feulement du
, a Chocolaté , mais de tousses
># autres breuvages, que fi. l’on.
en boit trop au lieu que d eux
y> mêmes ils font bonsaïs peu-
»vent devenir nuifibLes. Que
» fi le Chocolaté a eaufê .des,
» opilations à quelques-uns»
„c’efl parce qu’ils en prenoiét
M trop fouvent , comme lors
» qu’on boit trop de vin , au
ar lieu de fortifier &: échaufer
» il engendre des maladies froi-
des , parce que la nature ne
ir le peut furmonter ,n y digérer;
du Chocolaté. 401
cette grande quantité pour
la changer en bonne nour* <*
riture. «
De même celuy qui boit «
du Chocolaté plus qu’il ne «
faut, parce qu’il a des parties «'
on&ueufes ou grades , dont <*
la diftribution étant en trop «
grande quantité , ne fe peut
pas faire facilement par tout, «•
il faut par neceffité que ce ««
qui refte dans les petites vei- oc
nés du foye, y caufe des opi- «
lations &. des obftrudions.
Il faut remarquer pour ne
fe pas laifler tromper à une
efperance de guerifon vaine
& mal fondée, que quand on
parle de ces foiblefles d’efto-
mac aufquelles le Chocolaté
eft bon, il faut entendre celles
qui fe font par fon inanition s,
foit que les alimens foient trop
402. Traite'
peu nourriflans comme Ion
croit qu’ils le font dansl’A-
merique , loit que le corps 8l
l’eftomacen particulier l'oient
dpuilez par quelques évacua-
tions : foit que cela vienne
d’un air trop fubtil , qui dif-
lîpe promptement les alimens
que l’on a pris , comme il ar-
rive dans les pais froids 8c
de montagne , où l’appetit eft
toujours à l’erte. Mais lors que
ces foiblefles viennent d un
amas de chyle corrompu , de
glaires , ou d’autres humeurs
corrompues qui dotent dans
leftomac , qui ôtant l’appetic
l’afFoiblilTent , 8c cherchant
iftuë , caufent des cours de
ventre, des vomiflemens ou
des foulevemens de cœur 5 en
ce cas là le Chocolaté eft un
tres-mé chant remede : comme
du Chocolaté. 403
il eft vifqueux 6c pefant , ii
fe mêle avec ces glaires ou ce
chyle crud , 6c émou fie enco-
re davantage les pointes du
ferment. J’ay oüy dire à une
perlonne de qualité , que fe
trouvant en un femblable état,,
elle prit à la perfuafion de
quelque amy , un couple de
tafles de Chocolaté, croyant
d’y trouver du remede en fon
mal. Mais cela ne fit que l'au-
gmenter, jufques à ce qu au
bout de dix ou douze jours ,
il luy furvint un vomiirement
d’humeurs bilieufes 6c glai-
reufes , 6c à la fin d’une efpe-
ce de mortier, qui avoit en-
core le goût du Chocolaté ,
qui par confequent étoit refié
tout autant de tems au fonds
du ventricule, fansfe pouvoir
digérer.
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404 Traite'
Il en eft de même de la
colique : fi elle vient de quel-
ques humeurs bilieufes, fubti-
les j acres êc piquantes j qui
irritent & rongent, pour ainft
dire, les inteftins , quelques
tadfes de Chocolaté prilesavec
peu de Sucre , feront capables
d’en rompre fenfiblement la
pointe. Mais fi cette douleur
provenoit de quelque pituite
vitrée, collée contre les mem-
branes des boyaux , il faudroit
choifir en ce cas tout autre
remede plutôt que le Choco-
laté , qui eft incapable de les
difToudre.
La plufpart des Prédica-
teurs fe trouvent fort bien de
Ion ufage, foit avant , foit
après l’aélion. Avant l’aétion
il foûtient leur vigueur beau-
coup . mieux qu’un bouillon
T *' TJ •
du Chocolaté. 405
quipaffe trop vîtc, 6c après
Faction il repare les forces
èpuifées. J’en connois qui
• alîurent qu’il reveille 6c forti-
fie la mémoire. Les Voya-
geurs s’en trouvent parfaite-
ment bien : c’eft pourquoy
on lit fréquemment dans les
Relations de ceux, qui ont par-
couru le nouveau Monde , le
foin qu’ils prenaient dans leur
voyage, de boire du Chocolaté
avant que de partir 6c après
être arrivés , 6c le bien qu’ils
en recevoient.
s- Tous ceux qui ont bû du
Chocolaté conviennent qu’il
eft fort nourrijGTant.il l’eft tant,
qu’il n’y a point de bouillon
de viande , qui foutienne plus
long-tems ny plus fortement.
Bien deperfonnesqui s’étoient
réduites pour la fanté à en
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4qé Traite'
boire fouvent , ont pafle plu-
fleurs jours à fe contenter d’en
prendre trois tafles par jour
fans autre nourriture ôc ne
s’en font pas mal trouvées.
Un de mes amis travaillé d’u-
ne indifpofition qui l’empê-
choit de manger , partit de
Paris dans cet état par le Car-
rofTe pour venir à Lyon. Il
fut onze jours en chemin, 6c
pendant tout ce tems-là il ne
prit que trois talTes de Cho-
colaté par jour, & bien loin
d’en être incommodé il s’en
trouva beaucoup mieux. On
n’en fçauroit prendre une
bonne talTe le matin, fans fe
tirer de l’impatience d’atten-
dre le dîner. Cette qualité de
nourrir extraordinairement ,
luy eft -fi naturelle , que per-
sonne ne la luy contefte. Ce
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wr
r *•
du Chocolaté. 407
qui eft fi vray , que Caldera
Médecin Efpagnol dans un
Traité qu’il avoit fait, intitulé
T'ibunal Medico- Magicum, avolt
foutenu l’opinion qu’il rom-
poit le jeûne : fentiment qu’il
a eu jufques à ce qu’il enaic
été détrompé par les fortes rai-
fons qu’à employées le Car-
dinal Brancacio dans une dif-
fertation qu'il a donnée au
Public pour prouver le con-
traire. Voicy ceque dit fur ce
fujet, le Journal des Sçavans
de l’année ié66. imprimé à
Paris de à Amfterdam , dans
l’opinion que les Curieux qui
ne l’auront pas leu ailleurs , le
liront icy avec plaiiir.
Au lieu que dans l’Euro- «
pe on fe fert de biere au de- <c
faut de vin , dans l’Ame- «
rique on fe fert de Chocola-
4oS Traite'
« te. Ce Breuvage eft fait d’u-
39 ne certaine pâte dont la
5) bafe eft le fruit d’uu arbre
fort commun en ce païs-là ,
5> que l’on apelle Cacao , avec
)> lequel on mêle de la Canel-
î» le , un peu de poivre & des
35 goulfes de Campefche , qui
35 ont lodeur & prefque les
55 mêmes qualités que le fe-
» noüil. On prend une once
35 de cette pâte , que Ion de-
»laye dans un demi feptier
35 d’eau , & on y ajoute une
35 demi once de Sucre pour
33 rendre cette composition
33 plus agréable. Les Indiens
33 ayment paffionnement ce
?5 breuvage , & ils en boivent
39 en fi grande quantité , que
V dans la nouvelle Efpagne feu-
>5 le, on y employé par an plus
» de douze millions de livres de
Sucre
Digitized by Google*
du Chocolaté. 409
•Sucre,La raifon pour laquel- ce
lë iis en font tant d’état, c’eft <c
non feulement parce qu’il eft ce
agréable au goût, maiscnco- ce
re parce qu’il a de merveil-cc
leulës qualitez pour confier- ce
ver la fanté. Car on dit qu’il ce
aide à la digeftion , qu’il en- ce
graille , qu’il échaufe lescc
eilomacs. qui font trop froids, ce
qu’il rafraichit ceux qui font* ce
trop chauds : enfin qu’il a ce
pluiieurs autres vertus ad- ce
mirables que les Médecins ce
Espagnols vantent extraor- ce
dmairement. * t c
Le Chocolaté ayant été ce *
apporté de l’Amerique en ce
Europe, l’ufage en eft de- ce .
venu, en peu de tems fi com- < c
raun, qu’en El pagne oneiti- ce
me que c e 11 la derniere mi- ce
1ère o û un homme pin lie «
s T'
* » 40* v & * r » .
r • ■
l
Digitized by Google
4io ‘Traite'
s> être réduit que de manquer
3> de Chocolaté. Et en Italie il
s? y a beaucoup de perfonnes
35 de toutes fortes de condi-
3> tions , même des Religieux
33 qui fé font accoutumes à en
35 prendre tous les jours. Mais
35 lefcrupule que quelques-uns
3? ont fait d’en prendre les jours
35 de jeûne , a donné lieu à
35*une queftion célébré , qui a
3 î partagé les Cafuiftes : fça-
3? voir , fi on peut boire du
3> chocolaté les jours de jeûne
s? fans contrevenir au com-
33 mandement de l’Eglife.
33 Ce qui fait la difficulté ,
33 c’eft que fui.vant le fenti-
33 ment ordinaire des Théo-
33 logiens , après S. Thomas, il
33 n’y a que l’aliment qui rom-
93 pe le jeûne , & non pas le
3 î breuvage. Or d’un côté il
Digitized by
*r » ij* m
TT*'
du Chocolaté. 41 i
femble que le Chocolaté Toit «
une elpece de breuvage , 8c «
de l’autre plulleurs preten- «
dent que l’on le doit plutôt c t
mettre au nombre des ali- <e
mens. Car ife difentque c’eft ce
une nourriture très folide : cc
8c Sttibbe Médecin Anglois , ce
qui a fait un Traitédu Cho- ce
colate , a expérimenté que ce
l’on tire plus d humeur on- ce
clue ufe 8c ' nourri liante d’u- ce
ne once de Cacao, que d’une ce
livre de bœuf ou de mouton. c«
Neanmoinsle Cardinal Bran-«
cacio foutient que le Choco- cc
late ne rompt .point le jeune
8c il a fait expré s'unedifler- ce
ration pour le prouver. ce
Sa raifon principale eftcc
que le Chocolaté de fa natu- ce
re eft un breuvage , 8c palfe a
autant pour tel dansl’Ameri- «
S 1
Google
. #
*
4 12 , T R A I T
>, que, que le vin & la biere
« dans l’Europe : d où il con-
clud que h on peut boire
5 î du vin & de la biere fans
>5 rompre le jeûne , il efl aufB
5» permis de boire ‘du Choco-
j> late. Il ajoûte que la quan-
- 5 î tiré de la pâte que l’on re-
9ï diût en boifon pour chaque
55 gobelet, n’étant que d’une
55 once , n'eft pas fuffifante
55 pour rompre le jeûne > d au-
95 tant plus que dans cette once
55 de pâte , il n’y entre pas la
55 moitié de Cacao. Et à ce
95 que l’on objecte que le Ca-
95 cao eil fort nourri {Ta nr, il
95 Répond que cette raifon con - *
95 clud autant contré le vin ôc
95 contre la biere , que contre
95 le Chocolaté , puis qu’au ra^
55 port de Galien il y a du vin '
97 qui nourrit autant que U
f
Digiti
by Google
;
t>ü Chocolaté^ 413
chair de porc , -laquelle, ce* e< .
pendant efl cenfée lanour- «
riture la plusfolidedetoutesi «
6c pour cette raifon étoit l’a- «
liment ordinaire des Athle- ce
tes r 6c la biere étant faite «
comme elle efl , avec du «
bled 6c de l’orge , ne peut
pas quelle ne nourrifîe , 6c \c
neanmoins *ny le vin ny la «
biere nepaffent point pour te
alimens,mais feulement pour «
breuvage , 6c félon le fenti- *c
ment ordinaire des Theolo- f e
giens ne rompent poirçt le te
jeûne, ^
Au refie ce Cardinal ad- «
ve.çtit prudemment , .que**
S uo y • < î ue de foy-même le«c
Chocolaté aufli bien que te «c
vin > ne rompe point le «c
jeûne , cela ne doit pointe*
jfervir de pretexte pour en «
S* 3
414 T R A I T E' '
„ abufer 6c pour en boire avec
> 5 excez. Car en ce cas il eflr
35 vray que l’on ne pecheroit
» pas contre la Loy Ecclefia-
.35 llique qui commande le
33 jeûne , mais on pecheroit
>3 contre la Loy de nature qui
j) oblige à la tempérance. Ec
33 quand même on n’en boi-
33 roit pas avec excez fi on
33 en beu voit exprez pour frau-
33 der le commandement de
3> l’Eglife , l’intention feroit
33 mauvaife , quoy que l’adionr
33 d’elle même ne fût pas cri-
>3minelle : 6c ai nû on meri-
33 teroit toûjours d’être puny ,
>3 non pas pour avoir tranf-
33 greffé le precepte deJ’Egli-
33 fe , mais pour avoir eu iri-
33 tention de l’eluder. <
Le même Journal des Sça-
yans quelques pages apres ce
Digitized by Googl»
t>u Chocholate. 415
que je viens de dire, ajoute
ce qui fuit.
Quelques perfonnes ont
trouve a redire que dans le
Journal precedent on ait avan-
cé en parlant du Chocolaté ,
qu’il échauffe les eftomàcs
qui font trop froids, & qu’il
rafraîchit ceux qui font trop
chauds. •
Mais cette difficulté ne
peut pas avoir été faite par
des gens qui ayent quelque
connoilfance de la Medecine.
Car toute l’école enfeigne
après Gai en , que dans la na-
ture la même caufe produit
fouvent des qualités contrai-
res dans des fujets differents ,
&: que cette diverfité d’effets
eft le privilège de toutes les *
chofes temperées. Par exem-
ple > la main qui n’a qu’une
S 4
fv-
« «■* .* *
T RAI
chaleur modérée paroi* chau>
de à celuy qui a exceflive-
ment froid , 6c froide à celuy
qui a exçefliyement chaud-,
6c comme elle refroidit l’un
elle échauffe l’autre. La raifon
eft , que les chofes tempé-
rées participent également des
quaiitez contraires , 6c^ainfi
ce qui n’eft que modérément
chaud , ayant quatre degrez
de froid Ôç autaqc de chaleur,
agit fur ce qui eft chaud par
fes degrez de froid , 6c fur ce
qui eft froid par fes degrez de
chaleur. . \
La même chofe fe trouve
encore dans la Morale : car
comme les vertus confiftent
toutes dans la* médiocrité,
elles combattent également les
deux extremitez , 6c la même,
vaillance qui. anime ,les lâ^
* ' ' ; . y fCf
P,
\
* Digitized by Google
du Chocolaté. 417
ehes au combat , en retire les
temeraires.'
Apres cela on ne doit pas
trouver étrange que les Me—
de ci ns Efpagnols , qui. tien*-
nent q ue le Chocolaté efl fore
temperé , luy attribuent des
effets contraires fuivant la dif-
ferente difpofition des fujets
qu’il rencontre;.
Le Chocolaté ne nourrir;
pàs feulement , il engraiffe'
auffi. Je l’ay déjà dit , & voicy
un Juge bien recevable qui le:
confirme. C’eft Thomas Gage
qui écrit qu’il* a oui dire de:
ce bffeuvage auxMedecins des.
Indes , & qu n i a vu par ex^-
perieiuce en plu fleurs perfon-
nés ,, quoy qu’il ne l’a y t pas;
trouvé en effet en luy , que:
ceux qui en boivent beaucoup*
dev.iennent.gras &. replets y ce:
- & $
4lS T RAITE'
qui femble difficile à croire v
puis que cous les ingrediens
qui le compofent à la refer-
ve du Cacao , amaigrirent
plutôt qu’ils n’engraiffent ,
parce qu’ils font chauds ôc
fecs au troifiéme degré , ôc
que d’ailleurs les qualitez qui
prédominent dans le Cacao >
font le froid Sc le fec , qui ne
font nullement propresi nour-
rir &. à augmenter la fubftan-
ce du corps»
Mais, pourfuit-t’il, on peut
répondre à cela que les parties
onchieufes qui font dans le
Cacao font celles qui engraif-
fenc , 6c que les autres ingre-
diens qui entrent dans cette
ccmpofition qui font chauds
leur fervent de véhiculé pour
palier au foye & aux aûtres.
parties jufques à ce quelles •
!■
* ‘
Digitized by Cooq c
du Chocolaté.' 41 ?
vi ennen taux parties clîarn u ès,
où trouvans une fubffance
qui eft chaude 6c humide*
comme le font ces parties
on&ueufes , elles s’y couver*
tiffent en la même fubftany
ce, 6c ainfi nourriffent la chair
& engraiffentle corps.
Cet effet du Chocolaté non
plus que les autres n’efi: pas
univerfel. Ceux en qui il pro^
duira des obftrticfcions n’au-t
ronc garde d’engraiffer $ au '*
contraire le paffàge des ali-
mens*érant embar rafle . le
corps fera "privé de fon fuG
nourriffier éc tombera dans la
maigreur. Car il eft certain
que non feulement le Choco-
laté produit des obfh unions
à ceux qui en ufenc avec ex-
cez , mais encores à ceux qui.
y ont déjà quelques difpoii.-
♦
"410/ Tr A r T E'
tions 5* car les veines là&éesv
& les autres petits vaififeaux
* où lesalimens palfent avec le
£àng , fe trouvant en eux nà**
turellemens petits, affailfez on
embarraflez de quelques- hu-^
meurs gluantes & platreufes r;
il ne faut pas douter que les.
parties terreftres du Chocola-
té ne s’y arrêtent 6c ny augr
mentent le mal. C eft pour-~
quoy toutes les perfonnes op*.
pilées font fort bien de s’em
abftenir. Gn^ ouvrit: ^ y- a?,
quelquesannées en cette Vil*
le , une perfonnequi en ufoit; '
avec excez-, : on luy trouva,^
dans la veflie du fiel une vingi
taine de pierres. Cela ne dero-t
ge rien au mérité dû Chocola-
té, 6c il n’en faut point blâmer -
i’ufage modéré , comme, fail-
le Medéçim Mm filon ,, quh
V-j
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T** --
du Chocolaté.', 41*
n’étoit pas trop Ton amy. La.
preuve qu’il fait du mal feu-
lement en certains rencontres,,
établit invinciblement qu’il
doit faire du bien quand lé
corps eft dans un état oppofétv • ,
aufli eft-t’il vray qu’il eft ex-
cellent à ceux qui tombent
dans des fièvres hetiques ,
qui ont des toux importunes’-,. » .
par un fang trop acre & trop
fluide , qui a befoin d’être
adouci 8c épaifli. .Voilà tout
ce que j’avois à dire du Cho-
colaté , ôe par où je me vois
obligé de finir, fort fatisfair
de mes Recherches &• de mes
Reflexions , fi quelqu’un en>
profite pour conferver fa fan—
té , ou pour ménager celle des.
autres*.
fin du Traité, du Chocolatée
œiœi
sÿi
AVERTISSEMENT.
N. » ^
^ ' ' '/.*'* ' *”♦
0#r râ» oublier de
ce qui peut contribuer
à F agr éement de ce
Traité , j'aycru que j'y
dcvois ajouter un Dialogue qu a
composé fur le même fujct Bar r
theUmy Marradon Médecin Ffpa-
gnol , du voyfinage de la ville de
Marchcna y qui a été imprimé À
Seville r année mille fx cent dix
huit , ér qui a été traduit depuis
long . tems en François. Je Fay co-
pié avec une extrême exaffitude .*
fefpere que les Curieux auront
plaifir de le voir é, Mon unique
objet a été de leur en faire , et qup
tes doit obiger d'en foujfrir quel-
ques ebfcurités que je ri ây pu
éclaircir y faute d'en recouvrer
JéQrigwaL
•**
Digitized
4 z$
8» •£**.«*«» *ï*-6«~HM •&**•£<**
DIALOGUE
DU
CHOCOLATE.
Entre un Médecin y un Indien
f&) un Bourgeon.
• * T
Le Medecfk.
L y a un breuvage'
apellé Chocolaté du-
quel on ufe fort aux
Indes &c en Efpa-
qu’ils eftiment medici-
duquel il eft à propos,
d’apprendre les vertus. v
L indien..
Il fe fait du fruit: de ce£-
gne
nal
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4^4 Dialogue
tains arbres qui fe trouvent
en la nouvelle Efpagne : leurs
■feuilles font comme celles des
Orangers, un peu plus gran-
des : leur fruit refïemble un
gros concombre rayé , ou ca-
nelé 6c roux > il eft plein de
grains qu’on apelle Cacao v
ou petites Amandes , dont les
unes font moindres que les
autres , 6c félon leur g ro fleur
on les divile dans le Païs en
quatre eiç>eces Ils plantent
les plus petits arbres du Cacao
à l’ombre d’autres arbres, pour
empêcher que J 'extrême ar-
deur du Soleil ne les brûle 6c
les defleche. Les Cacaos font
a prefent en tres-grande efti-
jne fur toutes les marchanr-
difes qui ont cours , parce'
qu'ils fervent de monnoye ÔC.
que. Ion en fait ce breuvage
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• rm Chocolaté. 41$
fî renommé , que Ton apel*
le Chocolaté.
• 1
Le Médecin.
Je n ay vu 6c goûté : mais
pour vous dire la vérité , il
ne me plaie ny pour breuva-
ge ny pour monnoye, quel-
que louange qu’on piaffe lu y
donner. J’en ay oüi faire grand
récit à un Médecin de nom
6c de réputation , tant pour le
gain qu’il ciroit de la compo-
sition de ce breuvage , qu’on
a de coutume de faire venir
en forme de petites tabletes ou
de conferve 5 que pour la gran- -
de expérience qu’il a de fes
effets , qui l’obligent même
à en donner à fes malades.
Quant à la qualités de Ca-
caos , bien que pour fervit
- à faire ce breuvage ils doi-
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4 \G Dialogue •
Vent être cueillis un peu vef-.
delets j fi efb ce qu’on a de
coutume de choilir les plus
jfecs 6c les plus , vieux 5 6c
nonobftant cela ils ne laiflenc
pas d’avoir un goût âpre aftrin*
gent 6c fi delagreable * qu’il
. n’eft pas de merveille û ceux
qui en goûtent , ont en hor*
re.ur le breuvage qu’on en fait*
Ceux qui s’en 1er vent dilent
qu’il eftrafraicki fiant, 6c qu’il
n’enyvre jamais , ainû que
l’experience leur a fait con-
noître. Voila donc la qualité
des Cacaos , lors que l’on s’en
fert fans autre mélange qui eft
d’être defficatifs 6c aftringens,
& par conlequent terreftres 6c
refrigeratifs ainli que font
tous' les medicamens ftipti-
ques,au nombre defquels nous
mettons les âpres 6c les aigres.
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-s — v t yi pr
du Chocolaté. 42.7
jJ Indien.
Je ne veux point donne?
mon jugement touchant leurs
qnalrtez : toutefois ayant veu
fou vent faire aux Indes de ces
petit'- pativ defquels on coin-
pôle le Chocolaté &: ayant
remarqué qu'on mêle avec les ,
Cacaos moulus & mis en pou-
dre , fans poids fans mefu-
re * du Poivre , de la Canel-
le , des doux de Girofle , de
f Anis & autres ingrediens ex-
traordinairement chauds : je
me ris de ceux qui difent que
ce breuvage rafraîchit , 6c
qu’il eft grandement médici-
nal : foit qu’on le prenne difl-
fout dans de l’eau tiede , foit
qu’on le prenne épais comme
de la viande à mangçr^
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42.8 Dialoôliê
Le Bourgeois.
Donqucs félon ce que j’en^
tens , celuy qui donne de ce
breuvage à les malades n’eft
pas alluré , 6c n’a pas la con-
noilfance de fes facultés , puis '
qu’il ne fçait pas ny les Migre-
; diens quilecompofent,ny leur
quantité î 'voilà une grande
malice * puis que les doctes
Médecins reconnoiffent avec
* Au pre- Galien , * qu’il ne faut jamais
des Facui- donner aux malades le Poivre
tcz tics battu & mis en poudre , ny
Meilc: t meme aux perfonnes laines*
mens cha- ri* •
pitre xi, mais feulement entier : car
échaufant l*’eflomac, .aida ne
la digeftion , il ne peut paf-
fer julques au foye &: es autres
parties nobles pour les échauf*
fer outre mefure. C’eft pour
cette raifon que les fçava n$>
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du Chocolaté. 419
Médecins n’ordonnent point
•d’eaux chaudes Sc Aromati-
ques , comme eft celle de Ca~
nelle 6c autres femblabl.es , h
elles n’ont été premièrement
diftillées au bain Marie.
jJ Indien.
Dites moy je vous fupplie
fi le Chocolaté .eft aufli mai
iàin que le Tabac ?
Le Médecin.
j. .
Non , mais l’Auteur * qui
a fait l’Hiftoire .generale des
Plantes , ôc qui a vu préparé):
ce breuvage en * Nicaragua
& autres lieux de la nouvelle
Efpagne , dit que c’eft plutôt
un breuvage pour les pour-
ceaux que pour les r hommes :
toutefois qu’au défaut du vin,
$c pour ne pas boire toujours
* Il entend
Benzo, les
paroles
duquel sot
raportéet
par Clu-
îius au fé-
cond livre
des dro-
gues étrâ-
geres c. *8.
* Ni car a»
gua eft une
Province
de la nou-
velle Ef-
pagne dé-
crire par
Laet fiv. 4.
chap.ij.
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430 „„ DIALOGUE'
dejeau,il s'y accoutuma com-
me les autres. D’où ilfautcon--
clurre que la necelTité du vin
quoi! a aux Indes , a fait in-
venter le Chocolaté , duquel
ils le fervent en diverfes fa-
çons 6c fous divers goûts ,
parce que la pâte des ingre-
diens que nous nommerons cy-
aprés , 6c qui fe broyé en une
pierre . appellée Met ut e , elî:
detrempée par les uns dans de
l’eau , 6c mêlée par les autres
avec l’ Atolle, ( qui eft l’an-
cien breuvage des Indiens)
lequel fe fait avec du May s
blanc , cuit 6c lavé ? 6c qui ne
relfemble pas mal à l’Amydon
qui fe faicenEfpagnepour les
malades , avec des eaux pro-
pres 6c convenables â leur mal,
6c lequel étant donné feul ,
doit etre tenu pour temperé ,
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du Chocolaté. 431
comme il paroit à Ton goût
doux & agréable j reflemblant
même aux Amandes , lefquel-
les ont ce tempérament mé-
diocre & modéré. C’eft pour-
quoy les Médecins dé la nou-
velle Efpagne donnent ce
Mays mêlé avec du Sucre à
leurs malades avec tres-bon
fuccez,lorsqu’ilsne font point
travaillez de chaleur excéflî-
ve : car en ce cas , félon la
doéh ine à' Hippocrate & de Ga-
lien , ils fe fervent plutôt de
Panade , de Ptilànes & d’orge
mondé , comme en Efpagne,
Or l’ufage du Chocolaté eft fi
familier 8c fi frequent par tou-
tes les Indes , qu’il n’y a place
ny marché où il n’y ait une
Nègre ou une Indienne avec
fa tante, fon Apajllet , qui eft un
vailfeau comme une terrine, &
432. Dialogue
fbn moulinet qui eft un bâ-
ton fait en forme de fufeati
dont il tordent du fil en E f-
pagne , avec leurs retraites
pour recueillir le vent- 6c re-
froidir leurs écumes. Ces fem-
mes mettent premièrement â
part une partie de la pâte ou
du gâteau de Chocolaté , 6c la
détrempent dans de l’eau , 6c
après elles retirent de cette
portion l’écume , qui eft ia
meilleure 6c principale fub-
1 fiance , qu’elles feparent en
des vaifTeaux qu’on apelle Te-
cometes , defquels elles lont en-
tourées , ou tout à fait , ou
• â moitié. En fuite elles diftri-
buent cela aux Indiens , ou
aux Efpagnols , defquels elles
font environnées. Elles mêlent
â ce breuvage fAtolle chaud ,
qu’elles tiennent dans des
; pots
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]
t»
dli Chocolaté. 433
pot , auquel elles attribuent
de grandes vertusjôc de grands
effets. Quelques-uns veulent
que l’on leur en donne de teint
ac de coloré avec rAchiote,qui
eft une poudre, ou palfiïïe fai-
te d’un fruit qu’ils difent être
Souverain contre la colique.
Car les Indiens font de grands
impoffeurs, qui donnét à leurs
plantes des noms Indiens par
excellence , qui les mettent en
haute reputatiÔ.Ceft ce qu’on*
peut dire du Chocolaté qu’011
vend aux foires & aux mar-
chez , 6 c qui efl le plus com-
mun 6 c le plus ordinaire : car
il s’en fait de diverfes couleurs
qu’ils apellent Xocoatole^chilla-
tôle. Vu Laet raporte pluficurs au-
tres cfpeces cl A toile en Jon ~j liaj t
chap .3 o. Au rejle Xocoatole
fie de l'eau aigre qui efi faite de
T
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434 Dialogue
Mays^ér. d eaity trempez toute une
nuit enjemble h l'air : pour le ChiL
latole il fe fait de Chille , ou de
Poivre melez enfemble . Pour le
Chocolaté qui fe fait aux mai-
fons particulières, que l’on pre-
fente aux bonnes amies, 6c aux
voifînes , - 6c fingulierement
celuy qui eft préparé dans les
Con vents par les Religieufes î
celuy qu’on fait en tablettes ,
qu’ils apellent Pinolen , 6c qui
fe boit froid au foir, bien qu’il
foit compofé de pareils ingre-
diens, Ci eft-ce qu’ils different
de nom 6c de qualité , 6c font
en plus grande eftime. Voicy
la recepte ufitée parmy les
peuples plus polis , 6c la dofe
precife de chaque ingrédient
pour fa compofition.
- Prenez fept cent CacaGS qui pe*
fent un poids ou huit reales , qui
du Chocolaté. 43 j
font quatre cent cinquante pour
renie en la nouvelle Efpagne , une
livre & demi de Sucre Blanc, deux
onces de Canclle , quatorze grains
de Poivre de Mexique apellé chiU
le\ ou Pimiento, demi once de doux *
de Gerofle , trois petites goufles ou
Cajfes de * Tefaffa , ou en fon lieu * t j cf j.
le poids de deux reale s d*Anis,pour apdiê Ci .
I Achiote , on y en mettra autant iç C j r ^ s
c[h il en faut pour luy donner cou -
leur ,ainfl qu on fait du Safran, qui
fera peut être aujfi gros quune noi -
fet 0 . £fu elques- tins y ajoutent des
Amandes ou des noifetes. De tout
cela grillé , & enfuite pilé dans
la pierre apellée CMetate : on fait
avec le fuc qui en fort & du Sucré y
des petits gâte aux , ou une pâte
pour mettre dans des bo'ètesy quefc
ques-uns y mêlent quelques goûtes
d'eau de fleurs d'Orange , un
prain de mufc, ^ dé Ambre grif^
T
* / •>.
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V*4 '
T: v J Ç'"’T
v? «■'Py r ! r
43<j Dialogue*
é>» <k A* />o#^ de Scolofendre ,
Pour ce qui regarde la façon
de s en fervir,foit pour le boi-
re fbit pour le manger , on
prend les matins du Chocola-
té avec un macaron ou un bil—
cuit , ainfi qu’on fait en Efpa-
gne, un laiét d Amandes ou de
noifetes,un jaune d’œuf, quel-
ques pâtes de iemences froides
ou de l’Amydon. Or que tous
ces coulis faits d’orge, de farine
8c de Sucre loient donnez a
ceux qui font échauffez 8C
atenuez , ce n’eft pas fans rai-
fon. Mais de donner le Cho-
colaté indifféremment en tout
tems, â tout fexe, en tout âge 8c
à toute heure , c’eft ce qui cft
-à reprendre Si à blâmer.
L'Indien. ‘
Je fuis bon témoin de cela»
du Chocolaté.' 4#
car j’en ay vu plufîeurs telle-
ment accoutumés à prendre le
Chocolaté , qu’ils ne s’en pou-
voient pafler. ]’ay vu même en
lin port de mer ou nous débar-
quâmes pour puifer de l’eau ,
un Prêtre qui nous difant la
MelTe comme un Apôtre , fut
obligé par neceflité, étant fort
gras ôc fort fatigué, de s’affeoir
fur un banc devant l’aélion de
gracesqu’on fait après la com-
munion, où étoit une fervante
qui tenoit un vafe de Theco-
mate plein de Chocolaté qu’il
beut , 6c Dieu luy donna les -
forcesd’acheverla Melle après
s’être repofé.
Le Médecin.
Il meritoit d’être excufé £
caufe de fon infirmité : mais
ceux qui font fans infirmité ■>
T J
*rw t ” T T ***y frj» f-
438 Dialogue
& hors delà neceffité , ne doi-
vent rien donner à la coutume)
cela n’étant pas honnête ny
loiiable principalement en la
perforai e des Religieux , les
vertus desquels nous doivent
fervir d’exemple à bien vivre.
Le Bourgeois.
x II y a une chofe que j’ay re-
marquée , depuis que je fuis
entré aux Indes , qui eft qu ils
boivent le Chocolaté dans les
Eglifes pendant qu’on célébré
le divin Office , ce que j’ay vu
de mes yeux.
Le Médecin.
. . Je fus i C’eft avoir une gran-
de irreverence , 8c porter peu
de refpect au culte Divin : c’eft
même manquer de civilité 8c
4’honneur aux affillans 5 & il
S
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• T'
% ■*!' ' * * . « t Y5T/* ^ ^ v
du Chocolaté." 43*
efl tres-vray que cela ne fe
devroit point faire. Or parmi
les autres incommoditez qu’a-
porte le Chocolaté, je tiens fans
difficulté que la principale
caufedes obftructions , opila-
tions 6c hydropifïes, qui font ' ,
familières aux Indes, doit être
attribuée , 6c au Chocolaté 6C
au Cacao, pour être d’une na-
ture terreflre 5c froide. Pour
les Dames , elles mandent le
Chocolaté comme fi c’étoient
des Amandes , 5c ainfi l’excez
qu’on fait a >s’en fervir produit
une infinité de maladies aux
parties intérieures , comme la
Cachexie , la mauyaife habi-
tude 6c la couleur dépravée
duviiâge. .
Le Bourgeois.
- Jay une parfaite connoif^
7 . 4
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440 Dialogue
lance de tous ces breuvages ,
mais je m’accommode mieux
du boüillon,6c je laiiTe le Cho-
colaté fous fa bonne foy à ceux
qui s’en trouvent bien. Mais
je demande, quand on mange
le Chocolaté, eft-t’il auiîi bon
pour ceux qui fe portent bien
comme une tranche de jam-
bon, ou de fa u ci ffon, ou comme
la pâte d’alberges , qu’on met
dans des boëtes, celle de pom-
mes’de capendu, 6c. une infini-
té d’autres conferves qui le
font en ce pais > 6c quand on
le boit eft il aulîl friand que le
vin de S. Martin, que le vin de
la Ciutad, ou que le vin Paroxi-
tnenes , c’eft à dire du Peu Xi .
9 nette z, natif de Eciia ville de
l’Andalouzie ? Ceux qui boi-
vent fobrement 6c modéré-
ment dénieront abfolument
Digitized b
y Google
dü Chocolaté. 441
que ce Toit un merveilleux
foûtien du corps , ou qu’il ait
de l’advantage fur le ne&ar
tant vanté par les Poètes du-
quel les Dieux Payens s’en-
y vroient , puis qu’il donne £
la tête 6c fait d’autres maux :
êc qu’on voit un nombre in-
finy de perfonnes qui boivent
grande quantité d’eau tant
crue que cuite , avec un peu
de Canelle, d’Anis ou d’autres
drogues connues , vivre très
long-tems , frais 6c gaillards
fans vin , & fans tous ces au-
tres breuvages qu Chànaan n a
jamais plantez , éc qui n’ont pas
çté connus par fon grand Pere.
Le Médecin.
On pourroit fe fervir d’une
grande variété de vins mede-
cinanx qui ont été décrits par
J S
44& Dialogu m
Diofcoride , bc raportez, par
W echer de divers Auteurs ,
defquels on a fait de tres-heu-
reufes expériences , leurs in-
grediens bc leurquantité étant
tres-bien connues.
L'Indien.
Je ne fçay fi j’oferay dire
pour concluiion des facultez
du Chocolaté, qu’il eft la prin-
cipale caufe des necefîitez qui
font en la nouvelle Efpagne
pour y être trop commun , fa
dépenfe furpaüant le refte de
la dépence ordinaire que l’on
fait chaque jour : car il eft
certain qu’en certaines mai-
fons on dépenfe par jour deux
poids bc davantage de Cacao ,
fans mettre en ligne de com-
pte le Sucre, duquel la quanti-
té qu’on employé eft exceüive.
du Chocolaté. 44$
revenant à plus de cinq cens
mille ArrobeTf* c’eft à dire
douze milllions cinq cens mil- de vingt ;
le livres de Sucre , lequel fe
préparé 6c fe fait en la nou- le , Sc en
velle Efpagne , dans les mou- P° rtu s Jl
lins deflinez à cela : 6c c’ellla & deuiH-
vérité qu’en l’année mille fix YÎCS *
cens feize , l’Arrobe de Sucre,
valoit trois poids, 6c les années
fui vantes cinq 6c fix poids, au-
tant qu’il vaut en Caftille, qui
eft la caufe qu’il fe trouve fl
peu de Sucre en la nouvelle
Efpagne.Qr comme les Dames
ont ufé de ce breuvage , il leur
a donné occafion de fe venger -
de leurs jaloufics, enaprenant,
6c fe fervant des fortileges des
Indiennes , qui en font gran-
des MaitrefTes, comme étant
enfeignées par le Diable : c’efl
pourquoy les perfonnes fages
W"
m 1 -■'•VX '>T r - gfrt t' ’ ’•
444 Dialogué
doivent éviter la fréquenta-
tion des Indiennes , pour le
feul foupçon de fortilege,6c je
n oferois dire pour ne point
donner fujet de fcandale à per-
Tonne , le nombre des meur-
tres 6c des homicides qu’un
Pere de la Compagnie de Je-
Tus , prêchant en l’Eglife de
la ville de Mexico, racontoic
être arrivez par ce feul moyen:
de forte que quand il n’y au-
roit que cela, fans y compren-
dre les autres inconveniens ,
il eft tres-bon de s’abftenir du
Chocolaté , afin d’éviter la
familiarité 6c fréquentation
d’une nation fi fufpede de
Sortilège.
TABLE
DES
CHAPITRES
V *
contenus dans ces trois T raitez.
Traite 1
DU CAFE'.
Chap.I. E que cefl que Cul
\^/fé , & de fon vert -
table nom. Page y
Chap. 1 1. Vu lieu dloù vient le
Café', & de lu quantité q» il en
fort toutes les années. i o
Chap. III. Depuis quel tems U
Café eft en ufage Public parmy
nous & chez, les Orientaux *
n
Table
Chap. I V. Ve quelle maniéré
le Café a été découvert,
33 ’ *
Chap. V. obfervations four le
choix du Café , maniéré d'en
faire la tornfaftion à propos ,
& précaution pour le confer -
ver lors quil cft en farine.
‘38 ' ; -•
Chap. VI. Ve quelle forte on
doit faire cuire la far me du
Café pour en boire , quelle
doze on en doit prendre , à*
de quelle mauiere on doit s’en
fervir. ~ 54
Chap. VII. Ve s qualité z pre-,
. mi er es du Café. 6 5
Chap.- VIII. Analyfe du Café ,
& fes qualitez fécondés.
$7 V
Chap. l'X. Ves effets du Café ,
& particulièrement fur l'e-*-
fiomac. top
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des Chapitres
Chap. X. Des maladies du bas
ventre, cr de celles des fem-
mes aufquelles le Café efl
' propre, de la gravelle & de la
^ g°“te 1 2 3
Chap. X I. De Puf âge du Café
pour les maladies de la Poi-
trine , du lait Cafeté & de
l effet favorable du Café pour
la gucrifon des fièvres . 137
Chap. XII, De P utilité du Café
pour les maladies de la tête , &
s il tient les pcrfonnes éveil -
lées.
*Î5>
Chap. XIII. DesTemperamens
& des Maladies ou le Café
ne fi pas propre. igj
S f avoir s’il cnervc les hommes .
J 5>2
Lettre de Moufle ur Per nier fur
le Café. 207
Avis fur les Traitez, du Thé &
du Chocolaté . vx-*!/
D U T H .JE/
Chap. I. De la nature du The ' ,
de fin nom , des lieux d'où il
vient , dr àe l'ancienneté de
fon ufage. : 3.2.3
Chap. 1 1 . Vu Choix du The ' ,
des Pays où il ejl en ufage , dp
de la maniéré de l'arrêter.
243
Chap. III. Des qualité z, du The
four empêcher le fimmeiL 161
Chap. IV. De la vertu du Thé
pour la guéri fin des maux de
Tête. i 75
Chap. V. De la vertu du Thé
pour les maux d'ejlomac , pour
la goûte , la grave lie , la coli-
/ que , les maux de ratte , les
rhcumatifmes & autres mala-
dies 9 dr du Thé avec le lait .
*87
Traite'
Table des Char
Traite'
DU CHOCOLATE..
Cliap. I. Ce que c eft que le Cho-
colaté , é° l examen des ingre-
diens qui le compofnt . 3 o y
Chap . II. Préparation & mé^
lange des drogues pour faire
le Chocolaté , & maniéré de
le boire „ 35g
Chap. III. Des qual'ttez qui re-
fultent du mélange des ingre-
diens qui entrent dans la com-
pofition du Chocolaté . 383
Chap. I V. A quelles incommo-
dités le Chocolaté ejl propre .
396
Dialogue dé un Médecin , d un Ind.
dien & d'un Bourgeois , tou - ♦
thant le Chocolaté . 42.3
FIN..
. ’ ... .. . I . . •
T
Digitized by Google
r RIV1 LE G E D V Ror.
L OUIS PAR LA GRACE DK
Dieu Roy de France et
X>e Navarre, A nos amez & féaux
Conseillers , les' gens tenant nos Gours
de Parlement , Maîtres des Requêtes or-
dinaires de nôtre Hôtel , Prévoit de Paris,
Baillifs, Sénéchaux, & autres Prevofts, leurs
Lieutenants & autres nos Jufticiers & Offi-
ciers qu’il appartiendra, S a lut. Nôtre bien-
amé le Sieur Sylvestre Dufour,
Nous a fait remontrer qu’il defirecoit faire
imprimer un Livre qu’il a composé, intitulé
Traitez du Café , du 1 Thé & du Chocolaté >
s’il nous plaifoit luy en accorder la per-
mi/fion , nous requérant très - humble-
ment nos Lettres fur ce ncceflaires ; 8c
voulant le traiter favorablement. A c e -s,
causes Nous avons permi s & accordé ».
permettons & accordons par ces prcfcntes
audit Dufour , de faire imprimer ledit
Livre par tel Libraire ou Imprimeur , &
en tel volume , tomes > marges , caraéte-,
• *cs> & .autant de fois que bon luy fem—
blera pendant le tems de (îx aniiçs con—
iècutives , à commenter du jour qtie le-
dit Livre fera achevé d’imprimer poiîx la,
première fois. Iceluy vendre; & débiter
par tout nôtre Royaume , -Pais & terres de
Nôtre obeÜFaace ; faifous deifèace&à cous-
f
Libraires , Imprimeurs & autres , d’impri-
mer , faire imprimer , vendre & difèribuer
ledit Livre fous quelque prétexte que ce
foit , même d’impreflion étrangère > fans le
contentement; dudit expofant , fur peine de
confifcation des exemplaires contrefaits,
amande Arbitraire , dépens dommages &
intérêts > à la charge de faire imprimer ledit
Livre fur de bon papier & en beaux cara&e-
res, conformement aux Rcglemens , & d’en
mettre deux Exemplaires en Nôtre Biblio-
thèque publique , un en Nôtre Cabinet des
Livres de Nôtre Château du Louvre , & un
en celle de Nôtre tres-cher & féal Chevalier
Chancelier de France le Sieur le Tellier ,
avant de l’expofer en vente , à peine de nul-
lité des prefentes -, du contenu defquelles
Nous mandons & enjoignons faire jouir &
u fer ledit expofant , pleinement & paifiblc-
ment , cefl'ant &c faifant celfer tous ttou-
bles & empêchemens au contraire , Vou-
lons qu’en mettant au commencement ou
à la fin dudit Livre l’extrait des prefentes »
elles foient tenues pour duëment lignifiées »
& qu’aux Copies collationnées par l’un de
nos amez, &c féaux Confeilliers Secrétaires ,
Foy foit ajoutée comme au prefent Origi-
nal. Mandons au premier Nôtre Huiffier
,qu Sergent fur ce requis, de faire pour l’exe**
cutiondes prefentes , toutes lignifications.»
deffènfes , & autres Attes neceflaires , fana
demander autre permiflion, car tel eft Nôtre
plaifir. Donné à Paris le yingt-fixiéme jqujj
/
de May , l’an de grâce mille fix cens qua-
tre vingts quatre , & de Nôtre règne k
quarante-uniéme. Par le Roy en fon
Confe-ilr
! JüNQJJIERES.
Regiftré fur le livre de lu Communauté
des Libraires & imprimeurs de Paris , le
•vingt- unième jour de Juin mille fix cens
quatre vingt-quatre , fuivant l'Arreft du
Parlement du R Avril iôîj. Et celuy du
Confeil privé du Roy du vj. Février i/>6f h
condition de faire vendre les Livres par les
mains & au nom d un Libraire eu Impri-
meur , fr d’en fournis# u» Exemplaire prur
nôtre Communauté. <
C. AN'GOT» Syndic
Cédé , & tranfporté les droits que me
donne Je fufdit Privilège j à Meilleurs G v-
* i N & Riviere, fuivant les con-
ventions faites encre Nous. A Lyon le 7..
de Septembre 1684.
DUFOUR.
Le Privilège fufdit a été adjugé ap
Sr Thierry, par Sentence de la Cou.
fervation de Lion , & cédé êu Sr Deville.
Ç ar .Jc dit Thierry, fuiyant leurs pachc«*.
«S- ^ ^ É353»
MXTRAIT Î)V PRiyiJjB CB
du Roy r .
P A r. grtcc & Privilège du Roÿ>
Donné a Paris-lc x i .Aouft i 6 88*-
Signé par le Roy en for» Confcil ,
BoUcHSii-rit cft permis à J e Am*
Baptiste de V i l l e , Marchand^
Libraire à Lyon d’imprimer oii faire
imprimerie livre intitulé, Traittés ;
du Caphé , du Thé & du Choca*
latte, compofés par le Sieur du Four»»
ôc cy-devant imprimés en vertu dc :
nos Lettres de Privilège , en tel volu-
me & Cara&cres que bon luy fem-
blera pendant le temps & efpacc de'
quatre années à compter du jour de :
l’efcheance de nôtre dernier Privi-
lège , avec deffenecs à tous Librai-
res , Imprimeurs & autres de l'im-*
primer, vendre ôc débiter fous pre--
texte d’augmentation a corrcétion?
& changement de titre , impreflioiv
étrangères ou autrement à peine de
Confïfcation des exemplaires , mille-’
livras d-amande de cous dépçns ^
'dommages & interets & aux chat*
ges portées pat icciuy*
Regiflré fur le livre de la Communau-
té des Libraires & Imprimeurs de
Taris ^ le t. Septembre l<>88*
Signe J. B. Co I gnàr.d«_'
Achevé d'imprimer le O&obra
.« 688 , -
V.
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